Alors que Christophe Barbier, directeur de la rédaction de L'Express se veut pourfendeur des droits d'auteur, sa rédaction est loin d'être elle-même irréprochable, petit exemple…
Les hebdomadaires publient régulièrement des éditions régionales de leurs journaux afin d'essayer de doper leurs ventes. Dans la semaine du 22 au 28 avril 2010 c'était par exemple le cas de l'Express dans la région de Rouen. Le magazine proposait « 100 questions pour nous tester » et savoir si on connaissait réellement Rouen.
Des photos sous licence libre
À numéro exceptionnel, couverture exceptionnelle et l'Express proposait sur celle-ci une photo de la cathédrale de Rouen. Afin d'agrémenter son dossier spécial Rouen, l'Express l'a accompagné d'une trentaine d'illustrations. En revanche le journal ne précise pas l'origine de ces photos. À peine un DR (pour Droits réservés) est présent en bas à gauche de la photo de couverture. Un
document de l'union des photographes professionnels précise à ce propos que «
cette pratique [de l'apposition de la mention DR]
, qui n’a aucune base légale, devrait être strictement réservée aux œuvres pour lesquelles il s’est avéré impossible d’identifier ou de retrouver l’auteur ». Nous verrons que l'auteur était bien connu de l'Express dans ce cas.
Or ces illustrations proviennent pour partie (si ce n'est la totalité) de Wikipedia et de Wikimedia Commons (qui est en quelque sorte la médiathèque de Wikipedia). Ainsi la photo de couverture n'est pas l'œuvre d'un certain M. DR mais de
Kaelkael sur Wikimedia Commons. On notera que par rapport à l'original, la photo pour la couverture de l'Express a été recoupée et les couleurs légèrement modifiées.
La licence utilisée pour la diffusion de cette photo autorise effectivement l'Express à la mettre en couverture d'un magazine mais cela lui donne aussi quelques contraintes (deux exactement) :
-
Paternité : le magazine doit spécifier quel est l'auteur du travail.
-
Partage à l'identique : l'œuvre modifiée par les soins de l'Express doit être partagée sous les mêmes termes (la même licence) que l'œuvre originelle.
Or aucune de ces deux conditions n'est respectée. Mais ceci ne concerne pas seulement la photo de couverture, qui est évidemment l'exemple le pus frappant. Ainsi de nombreuses vignettes utilisées par la suite dans le questionnaire sur Rouen proviennent également de Wikimedia et là non plus la source n'est pas citée.
En ayant cette épisode en tête, il est assez piquant d'écouter Christophe Barbier, directeur de la rédaction de l'Express et bien connu pour être l'
Ikea de la pensée (difficile à comprendre, facile à démonter)
s'en prendre aux Anonymous qui «
décid[ent] d'aller sur Internet, de payer personne et de ne pas rémunérer le travail d'autrui » ou encore, l'entendre
défendre une législation qui «
parte de la création et de comment rémunérer ceux qui créent ». Ce n'est pas en utilisant des photos disponibles librement et gratuitement, et sans même respecter des licences pourtant assez permissives, que
l'Express participe à la bonne rémunération des photographes...
On comprend donc que Christophe Barbier est beaucoup plus prompt à défendre ses amis (Carla Bruni, par exemple) que les droits de photographes amateurs ou professionnels…
Assumez au moins, mesdames et messieurs de l'Express, de ne pas avoir recours à des photographes professionnels. Respectez au moins les photographes amateurs qui ont pris ces photos et n'oubliez pas de préciser vos sources et diffusez vos photos modifiées. Les médias sont généralement prompts à critiquer les dérives d'Internet et à les généraliser outrageusement. Pensez à rendre hommage à Internet et aux possibilités que cela vous offre.