Delarue survole Sevran
Morsures, griffures, insultes et attouchements : le gendre idéal de De Carolis a donc explosé en plein vol il y a dix jours de ça. Entendu neuf heures par la police de l’air et des frontières, il plaide coupable et risque cinq ans fermes.

Sans remonter aux calendes pompidoliennes de l’audimat, Delarue est ce jeune homme propre sur lui, au débit rapide et à l’œil malin, qui s’était fendu de quelques larmichettes de midinette lors de son départ de Canal+. Il était tombé dans les bras de Jean-Pierre Coffe, l’homme des saucisses en clair, à la mi-journée, dans « La Grande Famille », un de ces moments d’émotion calculée que la télévision réserve à ceux qui fabriquent le zapping.
Quelques années plus tard, Delarue, avec Nagui et Arthur, fera partie du gang qualifié de « voleurs de patates », ces animateurs producteurs qui plombèrent le service public et dont les Guignols firent leurs choux gras pendant de longs mois. Le scandale éclata, éparpilla la troupe, Arthur partit sur TF1 reremplir ses poches, Nagui s’encombra de jeux sans succès et Delarue, lui, continua « Ca se discute », tout en produisant « C’est mon choix » de l’immortelle Evelyne Thomas. Deux émissions bâties sur le même principe : plumer le pékin moyen dans ce qu’il a de plus intime, l’amener, sous un faux air de confiance, de compassion et de fraternité, à se désaper de l’intérieur pour faire chialer la ménagère de plus de cinquante ans censée gonfler l’audimat, donc les recettes publicitaires. Du déballage, devenu mode, et auquel le public français, a priori réticent, est vite devenu accroc. Aujourd’hui, « C’est mon choix » s’est éteint et Evelyne Thomas n’attire plus les caméras, mais Delarue continue à faire feu de tout bois, avec « Jour après jour », toujours le même déballage de tocs, de tics, d’excès de poids ou de handicaps, auscultés par le docteur Jean-Luc, l’oreillette bien vissée, le style affûté, le verbe toujours aussi svelte. Jour après Jour, Ca se Discute, Un Jour de Plus, les titres se ressemblent, s’assemblent, la mayonnaise toujours la même, un peu lourde, mais assez populaire et populiste.
Pour résumer fiscalement, Delarue, c’est 120 000 euros de revenus mensuels et un patrimoine évalué en 2005 à 30 millions d’euros.
Mais derrière l’oreillette, derrière la bouille ronde de ce brun qu’on dit autoritaire, il y a « un homme », comme dirait Patrick Sébastien. Un homme avec ses doutes, ses interrogations, et même ses phobies. L’une d’elle pourrait lui coûter cher. Le 13 février dernier, l’animateur producteur recycleur de toutes les misères du petit peuple a « un peu » pété les plombs sur un vol Paris Johannesburg. Sous l’emprise d’un cocktail Marilyn, alcool + médicaments, le confrère de Pascal Sevran s’est laissé aller à quelques embardées malvenues : morsure d’un steward, pelotage puis giflage d’une hôtesse, tripotage d’une joueuse de foot algérienne, insultes, jet de raisins qu’il tentera en vain de rattraper avec sa bouche avant de forcer d’autres passagers à les avaler... le tout pour finir avec des « liens de contention » (des menottes) et trois plaintes déposées. Ajoutez neuf heures de garde à vue à son retour à Roissy, et vous obtenez les meilleures fins de vacances possible pour le fondateur de Réservoir Prod.
Delarue plaide coupable et risque 5 ans de prison. Mais il n’en est pas à son coup d’essai : il y a quelques années, selon l’Express, il avait déjà dans un avion insulté le commandant de bord et « frappé des passagers avec un saumon de plusieurs kilos », ça ne s’invente pas. Delarue devient donc là un vrai sujet pour son émission : « J’ai la phobie de l’avion et la prise d’alcool et de médicaments provoque en moi des réactions violentes. » Il pourrait faire un plateau à lui tout seul, frais de production réduits, l’animateur est l’invité. Quelques témoins (hôtesses de l’air, joueuses de foot, saumons) pour agrémenter le tout et emballez c’est pesé. En seconde partie d’émission il peut faire « J’aime la chanson française mais la bite des noirs provoque en moi des élans de lyrisme mal contrôlé », en invitant Pascal Sevran. Et finir par De Carolis pour « Président de France Télévisions, je propose d’augmenter la redevance télé pour payer les frais de justice de mes animateurs. » Le service public, vraiment, ça n’a rien à voir avec ceux d’en face, qui ne passent leur temps qu’à racoler, tapiner, gratter le plus bas possible quelques points d’audience supplémentaire sans se soucier de la qualité des programmes.
Atterri, interrogé, douché, rasé, sobre, Delarue s’est en tout cas expliqué hier sur ses mauvais gestes : il met en cause ses rythmes de tournage, l’arrêt de la cigarette et la pression des paparazzis depuis qu’il a eu un bébé. Il ajoute : « C’est la première fois que je pète les plombs ainsi » (la première sans compter le saumon, donc), « C’est un signe fort que je reçois » (sic), « Je vais devoir travailler très vite sur ce problème de phobie de l’avion et en tout cas ne plus prendre de médicaments ni d’alcool pendant en vol. » Ni de saumon, ni de raisins. L’animateur dit également vouloir « retrouver son compte de sommeil » et mieux « répartir ses tournages ». Trop de boulot, Jean-Luc, au pays de l’absentéisme roi, trop de boulot tue l’animateur, et particulièrement l’animateur confronté jour après jour aux problèmes, phobies, angoisses des autres, eux aussi soumis à des plannings délirants, des pressions énormes, des manques impossibles à combler. Tous ces malheureux, en quête d’un père d’une mère, d’une jambe ou d’un chien qui se sont succédé, émouvants ou drôles, ridicules ou touchants, impudiques ou obscènes sur les fauteuils Ikea de l’empire Delarue doivent bien se marrer aujourd’hui, à moins qu’ils ne compatissent face au désarroi de celui qui savait si bien leur donner la parole, finalement aussi « mal foutu » qu’eux.
Encore un chaud dossier en tout cas pour De Carolis : celui qui a passé l’éponge sur la bite de Sevran va devoir composer avec le passager Delarue, en attendant peut-être un prochain coup de folie d’Arlette Chabot ou de Patrick Sébastien, une embardée de Gérard Holtz ou une crise d’hystérie de Michel Drucker. Quelle délicate « mission » que ce service public !
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