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Démocratie, pouvoir médiatique et propagande : un traitement fallacieux des ELCO au JT de France 2 !

20 h, JT de France 2, ce 3 janvier 2017. David Pujadas est aux commandes. Le sujet, les Elco, ces cours d’enseignement des langues et cultures d’origine. « L’enseignement de l’arabe à l’école, la polémique est-elle justifiée ? Plusieurs élus Les Républicains ont récemment dénoncés un risque de communautarisme... » Ainsi, on présente le problème d’emblée comme porté par la droite, pourtant des organisations de la gauche laïque et républicaine ont déjà depuis plusieurs années interpelé les pouvoirs publics, inquiètes légitimement à ce sujet. On nous parle de 50.000 élèves concernés, il s’agit en réalité de 85.000, dont 70.000 pour les quatre pays que sont l’Algérie, le Maroc, la Tunisie et la Turquie. Les autres élèves se répartissent entre la Croatie, l’Espagne, l’Italie, le Portugal et la Serbie. Des inexactitudes qui ne sont qu’un détail, au regard de ce qui va suivre. On nous parle de cet enseignement qui va de l’école primaire à Polytechnique, noyant le poisson, l’enseignement de l’arabe n’ayant évidemment absolument pas les mêmes enjeux selon ces lieux. 

 

Un traitement médiatique, du parti pris à la propagande

 

On explique que ces classes ont été créées pour que les enfants gardent un lien avec leur pays d’origine par la maitrise de leur langue. On n’expliquera évidemment pas pourquoi elles ont été créées : pour maintenir effectivement un lien avec le pays d’origine, mais dans le cadre d’une immigration économique qui n’était pas une immigration d’installation au moment de leur création, et donc dans l’esprit d’un retour au pays. Sans cette information on ne peut pas comprendre pourquoi le maintien de ces classes pose, depuis déjà plusieurs décennies, problème. Ces classes ont servi et servent encore, comme cela a été dénoncé dans des rapports tout ce qu’il y a de plus officiels, non seulement dans certains cas à la diffusion de la religion par des pays d’origine, mais aussi à un contrôle politique sur les populations. Beaucoup d’informations qui manquent par omission au téléspectateur, qui auraient pu déjà lui permettre d’étayer son point de vue.

Le traitement du sujet est soigneusement agencé. On présente un enseignement de ce type, où après la classe, certains élèves restent pour qu’on leurs enseigne l’arabe, parce qu’ils sont issus de l’immigration de pays d’origine où on le parle. L’enseignante n’est pas choisie par l’Education nationale, mais par le pays d’origine qui encadre ici ce cours, en l’occurrence, le Maroc via son ambassade. On interviewe l’enseignante, qui est une employée de son pays, qui ne risque pas de critiquer le dispositif. Elle explique qu’il n’y a aucun problème, qu’elle a appris que l’école en France est laïque, et donc respecte le cadre dans lequel elle intervient. Quel est le contenu du cours ? Nous n’en saurons rien. Dès lors qu'il existe une demande suffisante de la part des familles, les cours d'Elco peuvent être mis en place à l'école élémentaire à partir du CE1. Ce sont les inspecteurs de l'Éducation nationale qui en assurent le contrôle. En réalité, très peu de contrôle sont réalisés, par égard entre autres, aux pays tuteurs de ces cours, qui sont omnipotents.

Evidemment, le sujet est sensible, en raison de la problématique de l’intégration qui revient en force avec la montée des affirmations identitaires liée à la place de l‘islam dans notre pays. Ignorer cet aspect de la question confine à la démagogie ou à la malhonnêteté intellectuelle. On ne dira pas par exemple, pour comprendre que l’enseignement de l’arabe à ces enfants par des personnels choisis par les pays d’origine peut poser question, que la religion, dans ces derniers, n’est pas séparée de l’Etat, comme d’ailleurs c’est le cas au Maroc ou l’islam est religion officielle. Les ministres actuels du gouvernement marocain, par exemple, sont de notoriété pour plusieurs polygames, ce dont d’ailleurs ils se vantent en se posant en modèle, le parti au pouvoir étant un parti islamiste (Parti Justice et Développement). Cela ne risque-t-il pas de transpirer dans ces cours ?

On montre à la suite, une séance de l’Assemblée nationale, lors de laquelle la ministre de l’Education nationale, Mme Nadjat Vallaud-Belkacem, est interpelée par une députée LR sur le sujet, citant les travaux critiques du HCI pour mettre en cause ce dispositif. On fait ainsi passer, l’air de rien, toute critique de ce dispositif pour une démarche de droite, et les travaux du HCI pour un parti pris mis à son service. Pour lever toute ambiguïté, précisons que le HCI a été créé en 1989 par le Premier ministre Michel Rocard (PS).

Ensuite, une inspectrice de l’Education nationale met en garde contre certains risques, faisant état d’agréments retirés parce que l’enseignement était religieux ou qu’un homme refusait de serrer la main d’une femme. Mais on n’en saura pas plus, alors que cette forme d’enseignement encourage ces débordements et depuis longtemps, qui n’est contrôlée que depuis peu et peu. Le sujet est trop sensible, et encore là, au lieu d’interroger un expert de l’ex Haut conseil à l’intégration, précisément, institution qui a publié sur le sujet, après des auditions et un travail d’expertise rigoureux, avec avis remis à un Premier ministre, on interroge une fonctionnaire qui est tenue au devoir de réserve.

On interviewe ensuite des parents qui y inscrivent leurs enfants. Le mieux pour comprendre si cela ne pose aucun problème, est-il d’interroger les usagers de ceux-ci qui peuvent alors être juges et parties ? Mais on interrogera surtout pas n’importe lesquels. On évitera la femme voilée, en arrière plan furtif, à laquelle on préférera une femme sans voile expliquant être dans un couple mixte, banalisant ainsi la démarche. On ne se posera pas la question de savoir ainsi, alors que ces enfants sont devenus Français, le décalage que l’on maintient artificiellement entre une situation du passé à laquelle étaient dédiées ces classes, et une intégration de ces enfants par l'appropriation des valeurs communes, dont on constate qu’elle devient de plus en plus difficile.

 

Un « bidonnage » de l’information contraire à l’intérêt de tous

 

Après cette mise en perspective partisane, le reportage peut tranquillement basculer, pour nous expliquer qu’il en irait simplement de la richesse de la diversité des cultures, vantant la double culture, renvoyant tout questionnement critique à cet endroit à un jugement de valeur.

Une thèse qui serait entendable s’il n’y avait pas un contexte sur lequel le traitement du sujet fait totalement l’impasse, que l’on connait pourtant bien, la communautarisation d’une partie croissante de nos concitoyens musulmans, que toutes les enquêtes d’opinion constatent, soulignée par une augmentation dans le temps du nombre de ceux qui considèrent comme normal de faire passer leur religion avant la loi commune1. Autrement dit, qui tendent à rejeter le mode de vie du pays dans lequel ils vivent, en mettant avant tout en avant un « droit à la différence », cette différence que cultive précisément les Elco. Aussi, suivre la lecture de reportage, n‘est-ce pas donner quitus aux groupes de pression communautaires qui opèrent dans les quartiers, et ne pas protéger ceux de même origine qui voudraient y échapper, et ainsi à une logique d’assignation susceptible de porter atteinte à leur liberté ? En 1990, dans une tribune publiée dans Le Monde, Gérard Chauveau, Adil Jazouli et Alain Seksig (Ancien chargé de la mission laïcité au HCI) demandaient que l'on revoie ce dispositif : "Que signifierait sa reconduction, sinon que, tournant le dos à l'objectif d'intégration, nous ferions pour les enfants de familles immigrées en France, le choix de l'"assignation à résidence culturelle" ? Même la ministre de l’Education nationale a jugé dans le journal le Monde que les Elco plaçaient les élèves dans une "logique d’entre soi" (Le Monde, 13.02.2016).

 

Il y a donc bien un problème, que ce traitement médiatique entend soigneusement ignorer, pour nous servir un discours de victimisation habituel, version « Bisounours », où les méchants seraient ceux qui se posent des questions et voient le mal partout. Les journalistes, du présentateur du JT aux réalisateurs de ce sujet, sont évidemment les gentils, s’offrant là comme sur bien des sujets à émotion dont ils raffolent, une bonne conscience sur mesure, l’air de ne pas y toucher. Jean-Pierre Le Goff parle, dans son ouvrage « Malaise dans la démocratie »2, de l’existence dans le domaine de l’information d’une « Bulle narcissico-médiatique » pour avancer que « L’exposé rigoureux des faits et leurs différentes interprétations possibles a été dévalorisé au profit de l’inflation de commentaires de journalistes qui diffusent leurs propres opinions comme des évidences correspondant au nouvel air du temps ».

 

On est en réalité ici en pleine désinformation aux conséquences gravissimes. On laisse penser en filigrane, si on suit la logique de ce sujet, une idée fausse qui alimente le fossé entre la République et ces enfants d’immigrés : L'enseignement de l’arabe serait ici un faux problème lié à des préjugés. Véritable fond de commerce des ennemis de la République et de la laïcité, qui identifient ces « préjugés » supposés, à l’héritage de l’histoire coloniale de la France. Un argument des communautaristes, qui veulent justifier le rejet de notre société pour se mettre à part, en en renversant la responsabilité. La Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme présente, dans son dernier rapport sur 2015, que « l’indice de tolérance » des français à l’égard de la diversité des origines de ceux qui vivent sur le territoire national, n’a jamais été aussi bon, soulignant cela malgré les attentats meurtriers qui ont endeuillé la France.

 

On ne saura pas plus par ce reportage, que la ministre de l’Education nationale s’est engagée à mettre un terme aux Elco, en juin dernier (Il faudra attende semble-t-il 2018), pour inscrire l’arabe dans l’ordre des cours pour tous, dès le CP, à la rentrée 2016. Ce qui est d’ailleurs loin de résoudre le fond de la question posée par ces cours d’arabe, que l’on ne peut décontextualiser des enjeux de l’intégration liés à la réalité de l’immigration en France. Ceci, alors que l’on constate que de plus en plus de famille ne parlent plus à la maison, dans la rue, que la langue du pays d’origine, quand il est question de créer les conditions à l’école d’un socle de connaissance commun dont le français est la pierre angulaire. « Les ELCO posaient un problème d’assignation de certaines populations à telle culture ou religion, on comprend mal que leur suppression se transforme en opportunité pour la ministre d’introduire la langue arabe dans le programme, dès le CP. Cela intervient, alors que l’on réduit par la réforme du collège la place du français, avec un effondrement de la qualité de son usage, que tous les enseignants déplorent. », rappelait en juin dernier, dans un communiqué, le Comité Laïcité République3. Lors de l’entrée en 6e, le nombre d’élèves qui ne maitrisent pas notre langue va croissant, avec des situations d’exclusion qui ne peuvent plus tard qu’en découler, inévitablement. 

 

Pouvoir médiatique, propagande et enjeux pour la démocratie

 

Mesure-t-on vraiment dans ce contexte de tension sur ce sujet, alors que la radicalisation galope dans certains quartiers de nos banlieues parfois déjà transformés en ghettos ethniques, la majoration des risques que crée ce type de traitement de l’information ? Ne devrait-elle pas être l’objet de la plus grande objectivité, en procurant tout au moins au récepteur l’ensemble des données, permettant d’interroger avec distance et hauteur les enjeux de ce qui se joue ici ? N’est-ce pas ce qu’est en droit d’attendre tout citoyen, de ces médias de masse qui ont entre leurs mains ce pouvoir incroyable de produire les idées dominantes, hors de tout contrôle démocratique ? Il se joue pourtant là bien des risques de malentendus et de litiges pouvant affecter notre cohésion sociale, alors que des dangers sont en embuscade, entre l’éclatement multiculturel de la France et la conquête du pouvoir politique par l’extrême droite. On critique à chaque rentrée littéraire les nouveautés, chaque ouvrage étant passé au crible, sans concession. Mais il semble que les grands médias et spécialement audiovisuels, bénéficient d’une sorte de grâce, comme quasi inattaquables, hors quelques cas d’espèce, quand ils se livrent à une désinformation organisée, voire versent dans la propagande. Il est grand temps de faire retour sur les responsabilités de ce quatrième pouvoir, qui met aujourd’hui gravement en péril, par une légèreté qui colle à sa toute-puissance, notre démocratie au risque de notre paix sociale.

 

1-Sociovision : La laïcité plébiscitée en France, à l'exception des musulmans pratiquants http://www.sociovision.com/sites/default/files/sociovision_pour_rtl_-_la_laicite_plebiscitee_en_france_-_decembre_2014.pdf

- Institut Montaigne : Un islam français est possible - http://www.institutmontaigne.org/fr/publications/un-islam-francais-est-possible 

-20 minutes- 19/09/2016 : Enquête de l'Institut Montaigne : Qu'est-ce qui se cache derrière les 28% de musulmans « ultras » ? http://www.20minutes.fr/societe/1927143-20160919-enquete-institut-montaigne-cache-derriere-28-musulmans-ultras

2-Jean-Pierre Le Goff, Malaise dans la démocratie, Stock, p. 51.

3- http://www.laicite-republique.org/l-arabe-des-le-cp-la-republique-doit-au-contraire-promouvoir-l-accueil-de-tous.html

Guylain Chevrier

 


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6 réactions à cet article    


  • Victor 4 janvier 2017 09:28

    La politique est la même dans tout l’Occident, l’espagnol (et même le chinois en Californie !) ont été encouragés. Clinton a appelé ça la troisième révolution du Global Age (plus d’Amérique blanche et anglaise mais un arlequin de ghettos dominé par Goldman-Sachs, légalisatio du multilinguisme administratif et éducation). En UE c’est pareil.
     
    Multiethniquer et régner rôle de gogoche
     
    Site d’article américains traduits en patois souchien, site pas bobo ...
     


    • Olivier Perriet Olivier Perriet 4 janvier 2017 15:08

      @Victor

      vous saviez que l’espagnol est une langue antérieur à l’anglais, en Californie, Texas, Nevada ?


    • Blé 4 janvier 2017 13:59

      Ce qui me fait peur dans cet article, c’est l’ignorance de l’auteur en ce qui concerne les langues. L’unification de la France s’est faite par l’unification de la langue française mais cela n’empêchait pas les français de parler ou de comprendre deux ou trois langues. L’arabe est une langue vivante, qui peu être très utile si on veut faire des échanges commerciaux avec les pays du pourtour méditerranéen.

      Jusqu’à la seconde guerre mondiale, il faut savoir et c’est important que pratiquement sur tous les continents et dans presque tous les pays, des plus pauvres aux plus riches, les individus étaient polyglotte. Ils parlaient au minimum 2 langues couramment (même s’ils ne les écrivaient pas, ils les comprenaient parfaitement.

      Il faut arriver après 1945 pour que la langue unique devienne la norme que ce soit en France où dans d’autres pays d’Europe. Mon père, bien que simple ouvrier parlait 4 langues (roumains, hongrois, allemand, français).

      Il est urgent de vous renseigner. Les enfants qui apprennent l’anglais, l’espagnol, le russe ou encore le chinois seront-ils tous sous l’emprise d’une communauté ?


      • Olivier Perriet Olivier Perriet 4 janvier 2017 20:47

        @Blé

        Une vision lénifiante comme on les aime :
        circulez, il n’y a pas de problème.

        Pour vous ce qui fait une nation, ce qui fait une société, si ce n’est pas la langue parlée et comprise, ça peut être quoi au juste ?


      • Jean J. MOUROT Jean J. MOUROT 5 janvier 2017 12:59

        @Blé
        "L’arabe est une langue vivante, qui peu être très utile si on veut faire des échanges commerciaux avec les pays du pourtour méditerranéen.« 
        L’arabe... mais quel arabe ? L’arabe dialectal, qui varie d’un pays à un autre (et même à l’intérieur d’un seul pays : l’arabe d’Ajger , p. ex., n’est pas le même que l’arabe d’Oran) ou l’arabe classique qui est la langue du Coran. L’enseigner à de jeunes enfants, c’est comme si l’on enseignait le latin ou le français de Villon aux »souchiens" ! On a vu ce qu’a donné l’arabisation de l’enseignement en Algérie : une régression intellectuelle généralisée, à ce qu’on a dit !


      • zygzornifle zygzornifle 4 janvier 2017 14:45
        Démocratie, pouvoir médiatique et propagande : un traitement fallacieux des ELCO au JT de France 2 !un seul mot le résume : mensonge en bande organisée.....

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