Des procès en Carton
Les jolis petits procès d’après-campagne
Haro sur Albin Michel. Pas moins de deux procès en perspective pour l’éditeur et tout ça à cause de la campagne présidentielle. Presque de quoi en appeler à la défense de la liberté d’expression.
La première salve, due à la Femme fatale des journalistes Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin, était attendue. Le couple Hollande-Royal n’a que peu apprécié que soient décrites, à fleurets mouchetés, les bisbilles politico-sentimentales du couple socialiste, et le rôle tenu par Julien Dray dans ce petit soap fort divertissant. Un brin vexés, mais « pour le principe » selon leur avocat Me Mignard et après moultes tergiversations, François et Ségo demandent 150 000 euros, pour atteinte à la vie privée et diffamation, à l’éditeur et aux deux journalistes. De quoi les soumettre un peu plus à l’ISF, sauf si les tourtereaux de Solférino comptent sur une mise en oeuvre rapide du bouclier fiscal cher à Johnny et Nicolas Sarkozy.
Deuxième salve venue cette fois des « sœurs Brontë du journalisme ». Ces bonnes dames gardent en travers de la gorge la campagne off de Daniel Carton. Ce petit goujat s’est permis de faire passer trois honorables consœurs pour des « groupies militantes » de Ségolène Royal, décrit l’assignation à comparaître qu’elles ont envoyée à leur confrère. Tout cela pour avoir raconté comment les trois mistinguettes, Isabelle Mandraud (Le Monde), Françoise Degois (France Inter) et Ilana Moryoussef (France Info) ont, avec des yeux de Chimène, couvert la campagne de la madone du Poitou. « Elles sont en effet trois, attachées depuis des mois à suivre la dame en tous lieux, subjuguées par une beauté qui les fascine, épousant son combat contre les horribles machos, misant, chose plus courante dans le milieu, sur son élection pour s’assurer demain quelque promotion sait-on jamais ? (...) Tout ce qu’elle faisait, tout ce qu’elle disait, elles l’ont mis en scène, ne mégotant pas sur le maquillage ». Et comment résister à citer la confession de l’une d’elles, que, conscience professionnelle oblige, le doute assaille. « Si les gens découvrent que ce n’est qu’une bulle, nous, les journalistes, allons encore en prendre plein la gueule ». Et les trois grâces de se pâmer, un peu honteuses au meeting de Limoges, devant la faconde de François Hollande, qu’elles ont peur d’avoir vexé. « ‘’Va lui dire après : on l’a choisie, mais on t’aime quand même’’ (...) ’’Qu’est-ce qu’il est bon’’ se pâme la grande sœur. ‘’C’est le meilleur’’, concèdent les deux autres ». De biens jolies scènes, qui constituent sans nulle doute « une atteinte grave à [leur] considération professionnelle, qui caractérise le délit de diffamation publique », s’horrifient les avocats de ces dames, et qui valent bien pour chacune 30 000 euros.
90 000 euros, c’est bien le moins dont elles auront besoin s’il leur venait l’idée d’indemniser lecteurs et auditeurs qu’elles ont intoxiqués des mois durant.
Reste à savoir si les juges, le 28 juin prochain, donneront raison aux gentes dames. Ou si de courageux témoins viendront confirmer ce que Carton a osé écrire. Serait alors dévoilé, ô révélation, que d’éminents membres de notre corporation se muent parfois en conseillers du prince.
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