Divine Kinkela, égérie du NFP, accusée de violences et de vols par deux locataires

Envoyé spécial aurait-il sciemment tronqué son reportage, caché le contexte du conflit, pour des motifs politiques, dans le cadre de la campagne des élections législatives ?

Alors que les journalistes de France 2 ne donnaient aucune raison aux propos véhéments, jugés racistes, des voisins de Divine Kinkela, en dehors de leur bêtise crasse, des médias commencent timidement à nous révéler le contexte.

Une locataire de 75 ans au fond du jardin, violentée et volée

Ce fut le cas du Journal du Dimanche, dès le 26 juin :

Mais qui est vraiment Divine ? Grâce à des documents que s’est procurés le JDD, la rédaction a pu constater que le reportage avait délibérément omis quelques passages de l’histoire. Dans un procès-verbal datant de mai 2022, Divine Kinkela, présentée sous son nom d’épouse, est accusée d’avoir violenté et volé sa locataire après d’avoir forcé la porte de la cabane dans laquelle elle vivait au fond de son jardin.

La plaignante affirme « avoir été victime d’un coup-de-poing à l’épaule, mais aussi de coupure au niveau des mains » entraînant 2 jours d’interruption totale de travail. Divine et son mari serait parti peu de temps avant l’arrivée de la police avant de revenir quelques heures plus tard pour mettre Madame Monique M. « à la porte » et revendre ses meubles.

D'aucuns soupçonneront peut-être le JDD de manipuler la vérité, depuis son changement de ligne éditoriale :

Jusqu'en 2023, il affichait une ligne modérée et prenait alors rarement parti. Depuis cette date, il appartient à la presse d'opinion, au service d'idées identitaires et de l'union des droites.

Mais, le 4 juillet, c'est au tour de BFMTV de s'emparer de l'affaire :

“Ma cliente ne conteste pas les paroles offensantes qu’elle a pu tenir et les regrette profondément”, nous indique l’avocat. Mais selon lui, ces phrases sont sorties d’un contexte de conflit ouvert et ancien entre les deux voisines, “nullement dû à une haine raciale”.

“Déferlement médiatique”

“En effet, Mme Kinkela et ma cliente ont entretenu dès leur rencontre une relation amicale et de bon voisinage. Mais depuis 2 ans cette relation s’est détériorée en raison du soutien affiché et revendiqué de ma cliente pour les deux locataires de Mme Kinkela, après qu’elles ont été contraintes toutes deux de déposer plainte contre leur propriétaire”, explique cet avocat.

Avant de détailler : “En effet, l’une des locataires, âgée de 75 ans, a déposé plainte en mai 2022 pour des faits de violences physiques et de vols. Selon sa plainte, elle a été contrainte de vivre dans la cabane de jardin de Mme Kinkela dont celle-ci l’aurait ensuite expulsée par la force, avec l’aide de son époux, entraînant son hospitalisation”.

(...) La seconde locataire, une mère isolée de nationalité ghanéenne, a également déposé plainte en avril 2023, là encore pour des violences physiques”, nous souligne encore l’avocat.

Ce dernier déclare ainsi que sa cliente a déposé plainte contre Divine Kinkela pour diffamation, le "déferlement médiatique" créé par cette séquence "ayant pour elle et son époux des répercussions graves et importantes".

Le Midi Libre reprend ces informations le 5 juillet, de même que La République du Centre.

Restons prudents pour le moment mais, si ces informations s'avéraient exactes, si la relation entre Divine Kinkela et ses voisins, amicale à l'origine, s’est détériorée en raison du soutien de ces derniers aux deux locataires maltraitées de Mme Kinkela, la déontologie d'Envoyé spécial et de sa présentatrice Élise Lucet serait pour le moins à interroger.

Divine, nouvelle égérie du Nouveau Front populaire

Rappelons qu'Éric Dupond-Moretti, ministre de la Justice, avait annoncé le 22 juin sur X avoir "demandé aux chefs de la cour d’appel d’Orléans un rapport immédiat en vue de la suspension à titre conservatoire de la fonctionnaire du tribunal de Montargis [la voisine de Divine Kinkela] pour ses propos absolument inadmissibles tenus dans cette vidéo", précisant que "la haine n'aura jamais sa place dans nos tribunaux".

Par la suite, le Nouveau Front populaire avait instrumentalisé ce fait divers. Aminata Niakaté (EELV), Ali Rabeh (Génération.s), Ian Brossat (PCF), Najat Vallaud-Belkacem (PS) s'étaient ainsi affichés, le 28 juin, à Montargis, aux côtés de Divine Kinkela.

Divine, victime de racisme (reportage Envoyé Spécial) entourée de représentants du Nouveau #FrontPopulaire (ici de gauche à droite Aminata Niakaté, Ali Rabeh, Ian Brossat, Najat Vallaud-Belkacem).#Divine #FrontPopulaire @BFMTV pic.twitter.com/eiM3lL17pE

— Anthony Lebbos (@AnthonyLebbos) June 28, 2024

Plusieurs personnalités de gauche se sont rendues, ce vendredi 28 juin, à Montargis pour soutenir Divine Kinkela, aide-soignante, victime d'injures de la part de ses voisins, sympathisants RN, lors d'une séquence diffusée dans Envoyé spécial. pic.twitter.com/ezXb9JW5lx

— L'Humanité (@humanite_fr) June 28, 2024

Libération pouvait de son côté écrire que Divine Kinkela était "devenue malgré elle le symbole d’une haine décomplexée depuis la montée du Rassemblement national".

Le fouineur du web entre en scène

Certains esprits critiques, sentant peut-être que le reportage de France 2 ne disait pas tout, avaient rapidement commencé à enquêter sur Divine Kinkela, certains relevant sa proximité avec le Parti communiste (elle y est militante). Quant au Debunker des Etoiles, un compte anti-complotiste sur X, il avait exploré son Facebook, nous livrant ensuite ses découvertes :

Pour commencer, Divine aime beaucoup l’Afrique, mais n’aime pas trop les « blancs » et les pays occidentaux, et elle le fait savoir par de nombreux posts. Elle partage notamment la vidéo d’un identitaire noir qui s’indigne des « négroïdes qui portent des noms d’arabes »

Divine est également une antivax convaincue, malgré son travail d’aide soignante : Elle considère que le vaccin est une « arme biologique », et elle retweet des vidéos de Irène Grosjean (la tristement célèbre naturopathe antivax qui conseillait de frotter le zizi des enfants)

De par ses opinions anti-occidentales, Divine est également plutôt pro-russe, et pense que c’est l’OTAN et l’Ukraine qui ont provoqué la Russie, un discours typique de la propagande russe pour excuser l’invasion. « Eluka Makambo » signifie « chercher les problèmes » en Lingala

Enfin, sa mentalité complotiste l’amène à des incohérences surprenantes. Alors qu’elle milite en ce moment pour le Front Populaire, elle retweete aussi parfois des personnalités d’extrême droite, comme ici Dupont Aignan qui alerte sur le « crédit social » et le « puçage humain »

Moralité : Celle qu’on croyait innocente victime est au même niveau d’intolérance et de bêtise que ses voisins. La connerie humaine n’a malheureusement pas de limite de couleur.

D'ailleurs, si le reportage d'Envoyé spécial met en exergue les dires de Divine Kinkela, selon lesquels ses voisins la traiteraient de "bonobo", on tend à oublier la réponse discrète du voisin, qui prétend que Divine Kinkela les traiterait, pour sa part, de "cochons". Si cela est vrai, le racisme serait partagé. Là encore, c'est un élement de contexte, indispensable à la compréhension de la situation, qui est éludé par le reportage.

Manipulation : le RN ciblé

Nous sommes donc face à une possible manipulation journalistique par défaut de contexte. Un grand classique.

Déjà dans cette campagne électorale, Olivier Faure (PS), Marine Tondelier (EELV), Prisca Thévenot (porte-parole du gouvernement), Alma Dufour (LFI), entre autres, avaient diffamé un candidat du RN, Joseph Martin, en présentant un de ses tweets comme étant antisémite, alors qu'il était philosémite (il ironisait sur la mort du négationniste Robert Faurisson). C'est l'absence de contexte (notamment la date du tweet) qui avait permis la manipulation.

Même procédé utilisé par La France insoumise, Gérald Darmanin et l'émission de Yann Barthès "Quotidien", entre autres, qui avaient diffusé une vidéo tronquée d'une conférence de presse de Jordan Bardella, afin de laisser penser qu'il avait "sèché" à la question d'une journaliste. Une désinformation qu'un journaliste de Libération, peu suspect d'être complaisant avec le RN, avait lui-même dénoncée.

Manipulation : le RN à la manoeuvre

Le RN est lui aussi capable d'utiliser de tels procédés. Ainsi Marine Le Pen a-t-elle diffusé, le 3 juillet sur X, un extrait tronqué d'une intervention de Sandrine Rousseau, laissant entendre qu'elle souhaiterait ponctionner les livrets d'épargne des Français :

Il s'agit de placer l'épargne des français sur de la dette publique, pas de ponctionner cette épargne. Ainsi la dette publique serait détenue par les Français et par des états ou des organismes à l'étranger.
La séquence entière : https://t.co/I7N8duTkN5

— Pierre THIAULT (@BigtprimE) July 3, 2024

Quelques rares internautes ont déploré l'absence de contexte et invité à regarder la vidéo de Sandrine Rousseau dans son entièreté pour saisir ce qu'elle dit vraiment. Par exemple :

Je n'ai aucune sympathie particulière pour Rousseau, mais en tant que responsable politique vous ne pouvez pas reprendre des extraits décontextualisés pour faire dire a vos opposants ce qu'ils ne disent pas (regardez l'interview en entier), pour un gain électoral.

C'est cette politique de caniveau que vos électeurs vous demandent de stopper. Ils veulent parler du fond, votre crédibilité est en jeu.

Ou encore :

C'est faux. Elle dit au contraire que les épargnants français pourraient bénéficier des intérêts de la dette plutôt que des fonds de pension étrangers. C'est a dire utiliser l'argent de l'épargne pour investir dans des projets collectifs ce qui est DÉJÀ le cas.

Ou encore :

Prendre 12 secondes d'une itw de 22 minutes, tronquer les réponses et hop on sort une intox. Il n'est pas question de confisquer l'épargne des français mais que les français, en épargnant deviennent "actionnaires" d'une partie de la dette plutôt que des banques étrangères !

Moralité

La démocratie ne peut exister si les citoyens ne peuvent pas penser rationnellement, s'ils sont constamment manipulés par leurs dirigeants ou les médias censés les informer. Pour réduire les risques d'être manipulés, les citoyens doivent avoir bien en tête les techniques de manipulation, et le défaut de contexte est l'une des plus usitées.

Gare donc aux très courtes vidéos, qui jouent sur nos émotions, nous choquent, nous mettent en colère, et aux reportages manichéens qui nous présentent de parfaits salauds face à des gens irréprochables. La probabilité qu'on vous cache une partie de l'histoire n'est pas négligeable.