Florian Philippot vs Christophe Ono-dit-Biot : intox sur le Brexit et le Toblerone
Samedi, 18 mars 2017, Florian Philippot, vice-président du FN, était invité d'On n'est pas couché sur France 2. Durant l'entretien, Christophe Ono-dit-Biot, directeur adjoint du Point, est intervenu à plusieurs reprises. L'occasion de placer une belle intox.
Alors que Philippot défend la sortie de l'euro, Christophe Ono-dit-Biot lance (à la 26e min) :
"J'ai juste vu que, pour les Anglais, je sais pas si on peut citer des marques, mais Toblerone, vous savez Toblerone, il y a un certain nombre de barres, à cause du prix des matières premières, et justement de la chute de la livre, il y a maintenant pour l'Angleterre des Toblerone avec deux morceaux en moins, c'est très symbolique, et ça en dit long sur peut-être que ce sera ça pour les retraites aussi des Français, une fois qu'on sera sorti."
Pourtant, le 9 novembre 2016, le site du journal La Tribune publiait un article intitulé "La barre Toblerone au régime, mais ce n'est pas à cause du Brexit". Extrait :
"Les conséquences économiques du Brexit ont montré qu'elles pouvaient prendre un tournant inattendu et il semble facile d'attribuer un peu tout et n'importe quoi à ce bouleversement à venir. La marque Toblerone en ainsi récemment fait les frais après qu'elle a décidé de réduire le poids de sa barre chocolatée au Royaume-Uni en creusant l'écart entre les pics symboliques de la friandise tout en gardant identique sa longueur totale. (...) Confrontée à une hausse de prix de la plupart des ingrédients nécessaires à la confection de sa barre chocolatée mondialement connue, la marque d'origine suisse appartenant au groupe Mondelez a expliqué sa décision dans un post publié le 15 octobre. (...)
Dans le détail, la grande barre chocolatée de 400g ne pèse désormais plus que 360g (-10%) et la petite de 170g est passée à 150g (-12,8%), ce qui revient au final à une augmentation du prix au kilo pour les consommateurs (...).
Un changement qui n'a en fait rien à voir avec le Brexit
Il semble si facile de lier ce changement au Brexit - et La Tribune, à l'image d'autres médias, a succombé à la tentation -, pourtant le référendum du 23 juin n'a pas eu d'incidence directe sur ce choix. Interrogé par le Wall Street Journal, un porte-parole de marque a ainsi déclaré que la réduction de poids était prévue bien avant le vote et a mis plusieurs mois à être mise en place. La marque a en effet expliqué au journal américain que les coûts de production de la barre chocolatée, fabriquée à Berne en Suisse, avaient explosé après que la Banque nationale suisse a décidé en janvier 2015 de laisser flotter le franc suisse face à l'euro, entraînant une envolée de la monnaie suisse.
La chute de la monnaie britannique a quant à elle eu un effet bénéfique pour la marque suisse qui achète son chocolat en livres sterling, d'après un porte-parole."
Comme le journaliste de la Tribune le mentionne dans son article, de nombreux médias, y compris le sien, avaient succombé à la tentation de lier Brexit et diminution du poids de la barre de Toblerone. Par exemple Le Figaro, ou Les Echos, dont le rédacteur en chef "Finance et Marchés" Guillaume Maujean avait publié ce tweet :
L'effet #Brexit : 10% de chocolat en moins dans le même emballage de #Toblerone pic.twitter.com/MVPPpOFMKy
— Guillaume Maujean (@gmaujean) 8 novembre 2016
D'autres médias avaient fait le rapprochement, mais sur un mode plus interrogatif :
- France 3, "Toblerone réduit le nombre de ses triangles en Angleterre (à cause du Brexit ?)", 8 novembre 2016.
- France Info, "Les barres chocolatées Toblerone ont-elles changé de forme à cause du Brexit ?", 8 novembre 2016.
- Le Huffington Post, "Le Toblerone anglais a-t-il perdu un triangle à cause du Brexit ?", 8 novembre 2016.
A noter que l'URL de ce dernier article (http://www.huffingtonpost.fr/2016/11/08/non-le-toblerone-anglais-na-pas-perdu-un-triangle-a-cause-du-brexit/) nous permet de remarquer que le titre initial était plus catégorique : "Non, le Toblerone anglais n'a pas perdu un triangle à cause du Brexit".
Le site CNews Matin affiche, lui, son scepticisme devant l'absence de lien supposé entre les deux événements :
"Selon Mondelez, cette baisse de 10% du poids s'explique par la hausse des prix de certains ingrédients qui la composent. (...)
Cette justification laisse toutefois sceptique. Outre le fait que cette modification du Toblerone ne concerne que la Grande-Bretagne, les cours des ingrédients qui composent la barre chocolatée n'ont pas vraiment augmenté. Le cours du cacao a même baissé de 22% depuis le début de l'année.
Reste donc l'explication du Brexit, et de la baisse du cours de la Livre britannique (-15% face à l'euro et -20% face au dollar) que l'on constate depuis le référendum. Mais Mondelez pourrait bien avoir voulu éviter de s'impliquer dans une affaire politique comme le Brexit."
Autre séquence approximative dans ONPC (à la 59e min). Alors que Philippot explique que l'histoire de France doit être revalorisée dans l'enseignement, Yann Moix le piège en lui demandant tout de go : "Qui a succédé à Robespierre ?" Devant le silence de Philippot, Moix lui assène sèchement : "Il faut apprendre l'histoire de France, Monsieur Philippot".
Puis le directeur adjoint du Point renchérit :
Christophe Ono-dit-Biot : Je voudrais juste faire remarquer une chose à Florian Philippot, qui lit une biographie de Pompée. Quand vous parlez de nation, (...) à l'époque de Pompée, le monde grec, antique, romain, saint Augustin, il était en Algérie, en Libye vous aviez les plus grands philosophes, jusqu'à la Turquie...
Yann Moix : Saint Augustin est algérien...
Christophe Ono-dit-Biot : Exactement... Apulée, algérien aussi. C'est-à-dire que ce monde antique, dans lequel vous êtes plongé en ce moment dans votre biographie de Pompée, ça ne se limitait pas à la nation...
On fera juste remarquer à Christophe Ono-dit-Biot que Pompée et saint Augustin ne vivaient pas à la même époque.
Pompée, dit Pompée le Grand, était un général et homme d'État romain, né le 29 septembre de l'an 106 av. J.-C. dans le Picenum, dans l'actuelle région des Marches en Italie et mort le 28 septembre de l'an 48 av. J.-C. à Péluse, en Égypte orientale. Quant à Augustin d'Hippone, ou saint Augustin, philosophe et théologien chrétien romain, il est né dans la Province d'Afrique au municipe de Thagaste (actuelle Souk Ahras, Algérie) le et mort le à Hippone (actuelle Annaba, Algérie).
Bref, plus de quatre siècles les séparent. En faire des contemporains revient à dire que François Ier et Jean-Paul Sartre ont vécu grosso modo à la même époque.
On notera enfin la préférence marquée par Christophe Ono-dit-Biot pour la forme politique de l'empire (ici romain) sur celle de la nation. Il se trouve justement que c'est la forme qu'a prise l'Union européenne, premier "empire non impérial" selon José Manuel Barroso.
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