Forteresses invisibles et guérilla urbaine
Plus que jamais,le réseau,qu’il soit constitué de la famille,des amis,d’une confrérie ou d’un club, impose sa présence pour celui ou celle qui désire travailler,faire des rencontres,permettre à ses talents d’être soutenus,reconnus et portés à la connaissance d’une large audience.
En dehors de ce viatique c’est le nom qui demeure le sésame absolu pour
ouvrir des portes, celles à la fois réelles et virtuelles qui pour le quidam
sont souvent bien cadenassées. Pour un parfait inconnu,obtenir un rendez-vous
dans une enceinte de pouvoir relève du parcours du combattant,pouvoir
s’entretenir avec un décideur ou même un simple assistant,exposer une idée ou
un projet requiert de solides qualités de persuasion,persévérance et un sens
accru de l’autodérision. Ces gens sont sérieux, ils n’ont pas de temps à perdre
à écouter des coquecigrues et surtout ils ne veulent pas être dérangés. Les
gardiens des forteresses du pouvoir sont comme des serrures configurées pour ne
fonctionner qu’avec des clés et des codes parfaitement identifiables. Le code
majeur étant bien entendu le nom.
L’écrivain Vincent Ravalec raconte comment jeune romancier il avait écrit
une fausse lettre à Françoise Verny alors papesse de l’édition parisienne. La
lettre en question était une chaude recommandation censée avoir été rédigée par
un ponte de la télévision. Françoise Verny n’y vit que du feu, ne prît pas la
peine de vérifier l’authenticité du billet, reçût le jeune faussaire et...lui
trouva du talent.
Ainsi donc si vous ne portez pas un nom sonore il est toujours possible de
vous inspirer de d’Artagnan voulant intégrer les mousquetaires du Roi en vous
prévalant d’un patronyme fameux.
Plus que jamais le nom a valeur marchande. Je lis aujourd’hui que l’écrivain
et chroniqueur Frédéric Beigbeder va être payé 40 000 Euros par mois par Michel
Denisot pour apparaître dans le Grand Journal de Canal +.Quoique dans son cas
"apparaître" relèverait plutôt de l’hyperbole."Disparaître"
serait plus proche de la vérité. Qui a vu ses prestations lors de cette
émission ne pourra s’empêcher de rire sous cape.40 000 Euros ça frise quand
même l’emploi fictif. J’ai du regarder le Grand Journal une vingtaine de fois
depuis un an et je n’ai pas trouvé matière à m’extasier des interventions de
notre Truman Capote hexagonal (plus capote que true man, son meilleur texte
restant "L’amour dure trois ans").
Pas de nom donc et quelles que soient vos qualités, existence zéro. Des
fortunes se bâtissent uniquement sur des noms. Une expression est apparue il
n’y a pas si longtemps se propageant presque comme un tic de langage dans la
bouche de certains commentateurs:il ou elle est "bankable".Décryptage
on peut monter un projet autour de sa personne,le risque sera mineur et les
possibilités de gain grandioses.
Reste pour investir les lieux d’argent et de pouvoir une autre voie:la
guérilla. Ainsi dans ce registre de guerre picrocholine le tag sur les
trottoirs et les murs des villes constitue un moyen certes sauvage mais
efficace de propagation d’une idée ou d’un nom. André, petit baron des nuits
parisiennes en est un bon exemple. Il a bâti son existence en commençant par
apposer sa marque sur tous les murs et palissades parisiennes:un disgracieux et
menaçant personnage noir et filiforme. Ironie du sort André à commencé à
attaquer les forteresses du pouvoir en tatouant leurs enceintes pour finir en
créant ses propres forteresses, lieux nyctalopes pour beautiful people devant
lesquels un portier à l’ancienne vous demande si "vous êtes membre du
club".
Mais quittant les rues où patrouille la maréchaussée la guérilla se lance
dans les vastes avenues du web ou toute forme de pensée ou de création
dissidente, nouvelle et peu conventionnelle (l’inverse étant aussi vrai) peut
se faire entendre, voir et connaître. Les exemples sont légion comme le succès
des Artics Monkeys groupe de rock britannique guère ébouriffant mais portés par
des milliers d’internautes sur le site My Space.
Le web est le médium absolu (bien que de nombreux irréductibles ne le
tiennent pas en haute estime).Monde en perpétuel mouvement il possède une
souplesse et une réactivité que n’ont pas les médias et les entreprises
traditionnelles. Ces derniers commencent à le comprendre et s’y engouffrent à
présent en masse comme TF1 avec sa plateforme d’échange WAT (We are talented).
Sur ce médium la guerre et la guérilla se côtoient désormais. Grands groupes
et créateurs indépendants tentent de s’y faire une place au soleil en se
répétant un mot qui semble investi de pouvoirs magiques : le buzz. Le buzz mot fortement teinté d’irrationnel et qui
synthétise la propagation d’une idée, d’un nom, d’un concept, d’une oeuvre
comme une traînée de poudre.
Une nouvelle distribution des forces est en train de s’effectuer. De
fantastiques possibilités s’annoncent pour les individus créatifs, originaux, iconoclastes.
Un monde fermé est en train de voler en éclat et les dinosaures seront
contraints de s’adapter ou de disparaître. S’il est tentant de penser que le
monde appartient aux financiers et aux avocats d’affaire il y a une chance pour
qu’il appartienne désormais à tous ceux qui ont quelque chose à dire et à
partager.
Il y a un peu plus de deux millénaires Sun Tse écrivait dans l’art de la
guerre :"Si l’ordre règne chez votre adversaire, attendez qu’il soit
interrompu."
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