Foutons la paix au Petit Journal !
Le Petit Journal de Canal + suscite la polémique, notamment depuis ses démêlés avec Jean-Luc Mélenchon, candidat du Front de Gauche à la présidentielle, et David Douillet, ministre des sports, qui lui reprochent de déformer la réalité.
Passons pour Douillet. Hormis son quintal, le ministre des sports ne pèse rien politiquement. Malgré son mètre quatre-vingt-seize, il demeure un nain politique. Par conséquent, tout le monde se moque de ses états d’âme.
En revanche la fébrilité de Mélenchon m’étonne, même si sa réputation de sanguin n’est plus à faire, surtout vis-à-vis des journalistes qu’il méprise ouvertement. Pourtant, qu’avait-il besoin, lui le porte-parole autoproclamé de la « vraie gauche authentique certifiée conforme », de rouler ainsi des mécaniques ? Politiquement, son attitude est contre-productive. Et puis, à titre personnel, je me méfie des gens qui oublient de rire chaque fois qu’ils se prennent au sérieux. Un homme politique n’est jamais aussi meilleur que lorsqu’il cultive l’humour. Oui, l’humour, cet « art martial » comme le disait l’acteur Fellag dans le magazine Les Inrocks du 31 Juillet 2002 .
Ceci dit, il semble que le malaise se soit accru depuis qu’Eric Marquis, président de la commission de la carte d’identité des journalistes professionnels (CCIJP), a fait part de ses doutes sur le contenu de cette émission phare de Canal +. Ce qui laisserait penser que les cartes de presse des journalistes travaillant pour Le Petit Journal pourraient ne pas être renouvelées.
Toutefois, j’avoue ne pas comprendre les interrogations de certains professionnels de la presse. Je me demande même si le président de cette commission est bien placé pour donner un avis déontologique quand on sait à quel point les conditions restrictives d’octroi de la carte de presse sont discutables et donnent lieu, bien souvent et en coulisses, à des tractations opaques entre professionnels (demandez aux journalistes précaires et aux milliers de pigistes ce qu’ils en pensent !).
Le Petit Journal est à la fois une émission d’information et de divertissements. Les deux qualificatifs ne sont pas incompatibles, surtout si l’on veut bien considérer que personne, ou presque, n’a trouvé étonnant que David Pujadas consacre une dizaine de minutes à interviewer Lady Gaga, lors du JT de France 2 du lundi 13 juin 2011 (ce n’est pas du divertissement, peut-être ?). Que dire de certains montages ou de tous les reportages consacrés à l’affaire DSK ?
Et que dire aussi du journal de Jean-Pierre Pernaut sur TF1 dont la ligne éditoriale provoque depuis longtemps les commentaires les plus narquois ?
Bref, beaucoup de bruit pour pas grand-chose.
L’information journalistique ne doit donc pas se réduire aux propos sérieux et pontifiants. Et je ne parle même pas des révérences polies que certains journalistes font devant leurs rédacteurs en chef, lesquels dinent parfois avec le gratin de la politique française (surtout quand ils s’ébrouent dans le cloaque parisien).
Le problème des journalistes, ce n’est sûrement pas l’objectivité car informer suppose toujours un angle de vue, des choix dans la hiérarchisation et la diffusion des informations. Qu’on n’aime pas la ligne éditoriale du Petit Journal est une chose. Qu’on dise qu’il ne s’agit pas de journalisme en est une autre.
Qu’on laisse l’objectivité de côté. Ce n’est pas le problème.
Le problème des journalistes, c’est de pouvoir conserver leur indépendance vis-à-vis des structures (journaux, magazines, chaînes de télévision ou de radio, sites internet) qui les emploient, et des actionnaires qui financent ces structures. Et dieu sait que ce problème est complexe, notamment dans le secteur des médias en crise perpétuelle.
En réalité, toute cette polémique est montée en épingle contre Le Petit Journal simplement parce que celui dérange le petit monde politique. Chez les professionnels de la presse, je suppose que ses succès d’audience provoquent de nombreuses jalousies.
Loin de déformer la réalité, l’émission présentée par Yann Barthès nous en montre une autre à laquelle le grand public n’a généralement pas accès.
Le Petit Journal se régale en effet des petits travers quotidiens de la vie politique et de ces détails cocasses qui ne sont généralement pas diffusés par les autres médias audiovisuels. Il informe réellement quand il recoupe et compare, par exemple, les similitudes étonnantes entre deux discours prononcés par un même homme politique à quelques mois d’intervalle ou quand il montre des dialogues qui, ordinairement, auraient fait l’objet de « offs » hypocrites. Les montages sont ludiques. Ils agissent comme des caricatures à la Une. Il faut les prendre tels quels.
S’offusque-t-on des « interviews (presque) imaginaires » ou de « la mare aux canards », la célèbre rubrique (quasi centenaire !) de la page deux du Canard Enchaîné ? Et pourtant, n’est-ce pas tout aussi irrévérencieux que l’humour potache de l’équipe du Petit Journal ?
En conclusion, foutons la paix à l’équipe du Petit Journal qui brave les convenances de la grand-messe du 20h00 !
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