Haute-Normandie : la presse quotidienne régionale à la dérive
Rien ne va plus dans les quotidiens de Haute-Normandie, en déficit chronique depuis plusieurs années. En recrutant Michel Lépinay, le groupe France-Antilles, propriété de Philippe Hersant, tente un sauvetage de la dernière chance. Avant liquidation ?
Les salariés normands du groupe de presse France-Antilles l’ont appris officiellement mercredi. Leur directeur général Antoine Rousteau a été débarqué par la direction du groupe et remplacé par Michel Lépinay. La situation, notamment financière, est critique au sein du pôle de presse normand, qui comprend cinq titres phares : le quotidien rouennais Paris-Normandie, mais aussi Le Havre libre, Le Havre Presse et le Progrès de Fécamp ainsi qu’un hebdomadaire, conçu comme un quotidien du 7e jour, Liberté Dimanche. Critique, au point qu’on est en droit de s’interroger sur la pérennité même de ces journaux, à courte échéance. Ce qui placerait - en dernière extrémité - la Haute-normandie dans une situation inédite en France, où une région entière serait privée de quotidiens locaux... Un scénario-catastrophe, évidemment, pour les 450 salariés du pôle.
Le remplacement de la dernière chance
C’est le remplacement de la dernière chance, a annoncé mercredi en substance Eric Hersant aux salariés présents, dans un contexte où le pôle de presse normand, déficitaire de huit millions d’euros en 2005, est entièrement placé sous perfusion du groupe France-Antilles.
Le groupe, dirigé par Frédéric Aurand, et dont l’actionnaire unique est Philippe Hersant, ne veut plus financer les pertes qui s’accumulent année après année.
Et la situation n’est guère plus réjouissante en ce début 2006 : déjà deux millions d’euros de déficit pour les deux premiers mois de l’année, selon les chiffres annoncés par la direction. Plusieurs raisons à cela : les non-parutions ou les retards de livraison dans les kiosques se succèdent. Et les éditions sont régulièrement réduites au minimum en raison, notamment, d’un conflit récurrent entre la direction et le Syndicat du livre CGT.
D’un échec à l’autre
Le départ d’Antoine Rousteau intervient après l’échec de la négociation menée durant plusieurs mois avec le Télégramme, pour le rachat de 33% des parts du pôle normand.
En outre, depuis un an, les problèmes techniques n’ont cessé de s’accumuler : la mise en place d’une rotative commune aux journaux havrais et rouennais, sur le site de Deville-lès-Rouen, a connu d’innombrables problèmes entraînant non-parutions et retards dans les kiosques.
Parallèlement, après le « plan de modernisation sociale », en 2005, qui a vu le départ de nombreux salariés (journalistes et techniciens partis en retraite ou en départs volontaires), et la fermeture de six rédactions locales (Mantes, Les Andelys, Gisors, Verneuil-sur-Avre, Pont-Audemer et Eu), la tentative de création de nouveaux produits a également échoué.
Deux projets majeurs, initiés dès 2004 pour relancer les ventes, n’ont pas abouti : le passage au format tabloïd du titre-phare Paris-Normandie (accompagné d’une refonte radicale des séquences du journal), ainsi que la mise en place d’une édition dominicale.
Le vrai défi : reconquérir le lectorat
Michel Lépinay, désormais nouveau PDG du pôle de presse normand, a clairement indiqué mercredi aux salariés qu’il ne fallait plus penser à ces projets, tant que le journal ne sortirait pas à l’heure et que le circuit de diffusion ne serait pas optimisé. Cet ancien journaliste à Libération, qui a déjà dirigé plusieurs titres de presse (Lyon-Libération puis La Charente Libre), s’est aussi fixé pour objectif de faire respecter les accords sociaux signés par les représentants des différentes catégories de personnel.
La tâche s’annonce rude, face à des ouvriers du Livre rôdés à la négociation collective et adeptes du rapport de force.
Mais le défi le plus important, et à court terme, reste de reconquérir le lectorat. Il n’est pas certain qu’après avoir fermé des agences locales (fonds de commerce de la PQR), Paris-Normandie y parvienne.
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