Yahoo ! France a osé, il y a quelques jours, présenter un article concernant la presque collision du Falcon 900 de la République française et d’un Cessna sous ce titre racoleur. Vous rendez-vous compte, deux avions, relativement petits, se sont « frôlés » à 200 ou 250 pieds ?
J’étais, au début de cette affaire, du côté de Monsieur le Premier ministre. Je ne voulais pas entendre les arguments venant principalement des opposants politiques plus que des opposants dans les faits. En effet, faire un trajet de Villacoublay à Angers n’est pas particulièrement économique, c’est sous-exploiter l’appareil (qui n’atteindra pas ses 500 nœuds de vitesse de croisière maximale, ni les 15 000 pieds d’ailleurs, la distance séparant les deux aéroports ne dépassant guère les 124 nautiques), mais rien n’est trop beau pour les élites de notre pays. Si cette dépense lui permet de gagner de précieuses minutes, lui permet d’économiser ses forces en évitant la populace et les serrages de mains qui vont avec sur le quai de la gare Montparnasse, soit, la dépense en valait bien le coup. Quand bien même ce fut pour un déplacement privé (la presse n’est pas claire à ce sujet, les détracteurs le sont plus, mais n’ont certainement comme source que leur mauvaise langue), ces avantages en nature vont avec la responsabilité et surtout compensent un salaire relativement maigre comparé aux responsabilités, au temps de travail et aux salaires dans le secteur privé : un chef d’entreprise de 100 personnes gagne bien mieux sa vie que les membres de l’exécutif. Soit, j’acceptais…
Mais mon courroux augmentait face à l’acharnement envers ce pilote privé dont le nom a été jeté en pâture assez rapidement et ma colère a explosé quand j’ai lu ceci : « il a failli tuer Fillon ». Si chaque fois que, dans le ciel français, deux avions de taille raisonnable se croisent à moins de 250 pieds le fautif – s’il y en a un – est mis en examen, croyez-moi, il va y avoir du monde au Tribunal correctionnel !
Tant de questions restent en suspens : cet événement anodin méritait-il d’être médiatisé ? Qui l’a médiatisé et pour quelle raison ? N’en fait-on pas trop ? Pourquoi a-t-on jeté en pâture ce pilote privé qui va devenir à la petite aviation ce que Jérôme Kerviel est devenu à la finance ?
A l’adresse des journalistes, un « Air Prox » n’est pas une manœuvre d’urgence, mais un formulaire que l’on doit remplir après coup lorsqu’une collision a été évitée. Alors, j’imagine bien un pilote avoir en visu un avion ayant une trajectoire conflictuelle remplir son « Air Prox » pour sauver sa vie… Flagrant délit de méconnaissance journalistique. D’ailleurs, concernant les deux chasseurs (Super Etendard) qui se sont percutés hier en Bretagne, probablement que les pilotes n’ont pas trouvé leur stylo pour remplir les « Air Prox » et cela a plus mal fini…
Des témoins, en vol à vue, comme le Cessna, ont entendu sur les ondes une situation tout ce qu’il y a de plus normal en aviation, frisant le non-événement. Le contrôleur signalait un avion VRF à 2 000 pieds « un peu en limite de sa zone ». Le pilote du Falcon 900 aurait répondu « c’est bon visuel sur le trafic ». On en déduit la suite, manche à droite, petit coup de gaz, et c’est terminé, fin de l’histoire.
Je suggère, comme des suites judiciaires sont à prévoir pour ce malheureux pilote privé expérimenté, qu’il prenne Robert Badinter comme avocat et qu’on fasse non pas le procès de cette infraction, si infraction il y a bien eu (le pilote du Cessna était visiblement en limite de sa zone, il faudra démontrer qu’il était effectivement en dehors de sa zone pour le condamner), mais le procès des abus dans les dépenses publiques, mais aussi le procès de la complexité de l’espace aérien qui se complexifie de jour en jour, devient illisible pour le vol à vue et n’aboutira qu’à la mort certaine de l’aviation de loisir : est-ce le but ultime ?
Malheureusement, la Fédération française de l’aéronautique a prouvé à de multiples reprises son inutilité dans sa mission principale, la défense des intérêts des pilotes privés, ces derniers cotisant pourtant chaque année. La cartes aériennes VFR sont illisibles, les zones spéciales à activation sont multiples et organiser une navigation en vol à vue de 250 nautiques devient un parcours du combattant, un véritable casse-tête. Des ZIT (Zone d’interdiction temporaire) fleurissent partout et sont plutôt définitives que temporaires, obligeant des contournements multiples et longs parfois pour éviter non pas une centrale nucléaire, mais le Cap Nègre ou Monsieur le président est en vacances… D’ailleurs, les ZIT autour des centrales nucléaires sont une vaste fumisterie. Premièrement, le temps qu’un chasseur soit dépêché sur place pour abattre un vilain VFR terroriste qui voudrait projeter son Cessna sur le réacteur, le mal serait fait. Pire, les centrales sont faites pour résister à des impacts de Boeing 737, que peut le pauvre petit Cessna à côté de ça ? Les ZIT sont alors essentiellement faites pour nuire à l’aviation de loisir.
Alors posons les questions qu’il faut puisque nous sommes en temps de guerre de l’information : qu’y avait-il dans le Falcon 900, pour un tel voyage un Falcon 50 aurait amplement suffi ? Fut-ce un déplacement personnel ? Pourquoi le contribuable devrait-il payer plein pot les avantages en nature de cette nature plutôt que des plus humbles ? Je suis étonné que la gauche n’ait pas réagi : quand Cécilia Sarkozy avait osé dépenser une centaine d’euros avec une carte bancaire de l’Etat, cela avait soulevé un haro à gauche. Quand Mme Fillon et ses enfants profitent d’un voyage bien plus onéreux, personne ne dit rien. La gauche se rappellerait-elle que François Mitterrand, pour ses déplacements, ne mobilisait souvent pas moins de deux Concordes ? Au royaume des aveugles…
Je souhaite donc que toute la lumière soit faite dans cette affaire, de part et d’autre. Qu’on corrige le pilote privé, pourquoi pas, s’il a commis une erreur, volontaire ou non, la loi s’applique à tous. A tous je dis bien. Dans les entreprises, un chef d’entreprise qui ferait voyager sa famille aux frais de l’entreprise cela serait de l’abus de biens sociaux. Alors, la famille de M. Fillon était-elle à bord ?