Ils ont vomi sur Le Pen et ses délires, aujourd’hui c’est leur idole
Le Pen n’est pas mort. Plus que jamais ses idées ont le vent en poupe et trouvent preneurs. Dernières en date : le pouvoir maçonnique (variante du complot) après le « mouton dans la baignoire » et l’Identité nationale. L’enquête[1] de la journaliste Sophie Coignard, boostée par la pub relance le débat sur le rôle des réseaux maçonniques dans la vie politique française.
Le Pen, fou ou visionnaire ? Le malaise est immense.

Quand Le Pen des années 1980 évoquait l’influence des « loges » sur le fonctionnement de l’Etat et l’existence de hiérarchies parallèles dans la police et la justice en France, « l’intelligentsia » criait au scandale. Et tous lui tombaient dessus. On égrenait alors poncifs et repoussoirs (Hitler, Mussolini, Franco) pour confondre « l’avorton ». Plan épervier.
On multipliait, dans la même semaine, éditos, brèves, articles et insultes. On stigmatisait la mauvaise foi du « borgne » -rappelant son passé de tortionnaire en Algérie et son amour immodéré pour les chants nazis-. Quand ce n’était pas sa folie qu’on pointait rue Solferino.
En un mot : l’union sacrée face à la « bête ».
Grimace de l’histoire ou de la vérité, à vous de juger ? Aujourd’hui deux quotidiens obsédés par la franc-maçonnerie (plus que ne l’a jamais été Le Pen durant toute sa vie), rivalisent en couverture. Et font de l’équerre et du compas[2] leurs choux gras (L’Express, Le vrai pouvoir des Francs-Maçons, n°2988, semaine du 1 au 22 octobre 2008 ; Le Point, Le Grand retour des Francs-Maçons, jeudi 22/01/ 2009, n°1857 ; L’Express, Les Francs-Maçons au cœur de l’Etat, n°3010, semaine du 12 au 13 mars 2009 ; Le Point, Les Francs-Maçons de Sarkozy, jeudi 12/03/2009, n°1904).
A cela s’ajoutent, comme si ça ne suffisait pas, les romans enquêtes qui relancent les thèses de Léaud Taxil (maçon infiltré puis placardé) et du Vatican.
Ni Minute ni Rivarol ne sont allés aussi loin en terme de marketing et de fascination.
Du statut de paria à celui de rédacteur en chef éclairé ?
On peut dire, sans avoir peur de la fronde, qu’en un peu plus de 20 ans, Jean-Marie Le Pen[3] est passé du statut de paria abominem à celui de rédacteur en chef éclairé. Un inspirateur de titraille en quelque sorte. Huggy les bons tuyaux.
Des perles dans le livre de Sophie Coignard[4] : on en trouve à chaque page. De quoi reconsidérer la camisole du tribun et le diagnostic médical pondu depuis le Palais Bourbon.
En voici quelques unes : « C’est un patron du Cac 40 qui se fait débarquer de son poste par une loge[5] ».
Tiens donc ! Le politique et l’économique fricotent d’abord chez les Frères avant d’échouer à Matignon et Bercy.
A propos « du pouvoir » des Francs-Maçons, on lit : « (…) elle (la franc-maçonnerie) tisse (…) une toile invisible mais bien présente dans tous les compartiments de la société, au risque d’y pratiquer un mélange des genres qui s’est institutionnalisé au fil des années. C’est vrai dans la magistrature, dans la police, dans les grandes entreprises publiques et même aux plus hauts niveaux de l’Etat, jusqu’à l’Elysée[6] ».
De quoi clouer le bec au doct Taguieff malgré sa vingtaine de livres pour démontrer le contraire.
On s’était donc trompé !
Le Pen jubile. Il a enfin trouvé preneur. Et paradoxalement en terre ennemie, chez les journalistes, ses contempteurs de première heure.
Le vocable de Drumont[7] (redevenu fréquentable pour les besoins de la pub et de l’éditeur) est repris en chœur : « tisse » ; « toile » ; « invisible » ; « tous les compartiments de la société » ; « Un Etat dans l’Etat ».
La figure de « l’araignée » et ses interminables tentacules inondent le livre. Vision politique (bannie) développée par l’extrême droite dans les années 1920 qui - quand on n’est pas encarté FN et que l’on bosse pour un grand média (Le Point, L’Express)- devient tout à coup, on ne sait pas pourquoi, une vérité choc en 2009.
Allez comprendre !
Bras dessus bras dessous ?
Comme Le Pen et ses co-listiers, Sophie Coignard parle d’une puissance de feu (la franc-maçonnerie) sans commune mesure, d’une machine à exécution : « Quand José Bové agace un élu de sa région, ancien ministre et franc-maçon, bien entendu, ce dernier demande à la petite cellule (celle d’Antoine Pagni et ses collaborateurs d’EDF) de monter un dossier sur lui, démontrant que le syndicaliste paysan serait lié à des intérêts américains[8]. »
D’un mélange des genres qui nargue la séparation des pouvoirs et l’autorité de l’Etat : « (…) la fraternelle de la police (…) c’est là que se rencontrent les conflits d’intérêts les plus graves. Que peuvent se dire un avocat, un juge et un inspecteur de la fameuse brigade financière concernés par la même affaire ? »
Ce n’est pas tout. Dernier clin d’œil au soudard ou baroud d’honneur (on ne sait plus trop) en guise de réhabilitation post mortem : le volet justice. Lorsque un juge serre « un Frère » ou une « Sœur » de trop près, on apprend que des fichiers et des pièces à conviction disparaissent des tribunaux au grand dam des magistrats.
Et pour ceux qui défendraient encore l’institution[9] au nom d’un anti-anti maçonnisme primaire : des suspects, grâce à des « flics initiés » ou un « procureur » mouillés jusqu’au cou, déjouent des perquisitions et parfois se font la malle (affaire Sirven, Schueller).
Des efforts enfin récompensés ?
Le Pen et les autres
Que s’est-il donc passé pour qu’on recycle des idées FN ?
Lepénisation des esprits ? Hypothèse d’un khâgneux bobo à Sciences Po Paris en partance pour l’ENA.
Alors levée d’un tabou « grâce » aux miracles de l’économie de marché (faire vendre et nourrir son homme) ?
Probablement.
Plus terre à terre : la multiplication des « dossiers » éclaboussant la franc-maçonnerie, relayés par la presse, le nerf de la guerre. Des exemples ? « Elf et Loïc Le Floch Prigent, l’affaire du Sentier n°2, les Frégates de Taiwan, l’Angolagate, les frasques de Benoît Wargniez, le juge Renard, le scandale de
N’en jetez plus. Des bombes qui obligent les journalistes à virer leur cuti et ne plus voir Le Pen comme un dangereux « psychopathe ».
Rendre à César ce qui est à César ? C’est ce qu’ils font aujourd’hui et à Bible ouverte.
En tout cas, force est de constater la « noblesse d’âme » de l’orateur floué face à ses créanciers. Sa magnanimité à quelques mois d’une retraite bien méritée.
Pas une seule fois, le « paria » n’a réclamé son reste[10]. Il devrait pourtant le faire avec tous les procès qui l’attendent suite à ses dernières sorties (les chambres à gaz[11]).
La nouvelle alliance
Ce fils de pêcheur « pose de bonnes questions » pour reprendre la célèbre formule[12] ?
Ca en a tout l’air à en croire la journaliste qui donne le change à Harlan Coben aux points Relay SNCF.
Plus sérieusement. Quand il s’agit de vendre, la presse moderne préfère et de loin, le temps d’une tournante médiatique le reniement politique (affaire Dreyfus et tous les éléments idéologiques, fondateurs de la ligue des droits de l’homme et du contre nationalisme français) à la continuité historique d’un combat[13], jugé ringard par des patrons fascinés par le changement de cap et le plagiat littéraire.
Le problème est là aussi pour qui veut comprendre le changement de propriétaire et le vice caché.
A la question : « faut-il mourir pour ses idées » ? Les médias, sur ce point, ont et on ne peut mieux, répondu par la négative.
Tout se monnaie même si on veut changer le système.
Pas à l’Elysée mais c’est tout comme
Le Pen n’est pas à l’Elysée malgré le racket présidentiel de 2007 et les pillages UMP. Après le « mouton dans la baignoire », le ministère de l’Identité nationale et de l’Immigration, «
Ou encore Jean-Christophe Cambadélis, député PS : « (…) Ce n’est pas en disant que ce vieil homme est Mussolini revenu sur terre qu’on le combattra efficacement » (Le Parisien, op.cit). Tout le monde se bouscule au portillon.
Un universaliste le père de Marine.
Conclusion ?
Le Pen est bien enraciné dans le ciel des idées malgré l’affaissement électoral de son parti. Et l’abécédaire frontiste est de plus en plus populaire, contre-partie de son absence au pouvoir.
Dire cela aujourd’hui relève non pas du courage politique (la transgression d’un interdit) mais d’une banalité extrême si l’on veut être lucide.
Epilogue
Amateur de bonne chère et de classique, le Breton sort de l’arène la tête haute et avec le sens de la mission accomplie. Il a bien fait passer le message s’appuyant sur Eric de Montgolfier[16] (notre Kenneth Starr), sa caution morale et son porte voix. Ce très médiatique Procureur (affaire OM/VA Tapie) qui, à peine débarqué à Nice, avait dénoncé l’influence des réseaux maçonniques et leurs mafias dans les juridictions Rhône-Alpes.
Il peut donc bomber le torse, l’ex- lieutenant des armées. Jean-Marie rit à gorge déployée au Parlement européen-on l’entend tonner- et savourant sa victoire, lance à ses héritiers et compagnons : « Vous voyez les gars, on les a bien eus. Et à l’usure. C’est encore plus fort que 2002 ».
Ce que d’aucuns appellent : « une quenelle ». Le Pen, chahid (martyr) chez lui et éternel « incompris » de
C’est le pari des médias et le nouveau costard qu’on lui taille sur mesure pour négocier sa sortie après des années de « mépris » sous l’ère Mitterrand et Chirac. Une sorte « de stock option » et de « parachute doré » à titre de dédommagement politique.
Après avoir été honni par « la gauche caviar » et traîné dans la boue par la droite, Le Pen est devenu l’idole des journalistes qui rêvent d’une démocratie « pure » comme d’autres d’un islam éthéré. Opération main propre.
Les analyses de Sophie Coignard et de ses collègues lui assurent, en bonus, l’immortalité, une sorte de rente viagère. Ecoutez l’hommage, l’heure n’est plus au bannissement du leader FN, au contraire : « Lorsqu’il régnait sur la place Beauvau, à l’occasion du 275 ième anniversaire de la naissance de la franc-maçonnerie, le 24 juin 2003, Nicolas Sarkozy recevait à dîner les représentants des obédiences auxquels il s’adressait en ces termes : « La franc-maçonnerie est ici chez elle au ministère de l’Intérieur… » Puis il précisait que peu de familles de pensée, en effet, s’identifient si bien à
Vous avez bien lu. « La franc-maçonnerie est ici chez elle au ministère de l’Intérieur… ». Divine surprise. On croyait le vieux parano et malade. La journaliste vole à son secours, arguments en main.
Il n’en demandait pas tant, Le Pen pour redorer son blason et sortir par la grande porte, sous l’œil hagard du Grand Architecte de l’Univers.
Une chose est sûre. Dorénavant des Francs-Macs ne comptent plus sur une certaine presse pour les protéger. Encore moins lorsqu’il y a conflits d’intérêts et magouilles avérés.
Autre signe des temps. Une tour (un tabou) vient de tomber. On n’en prendra réellement la mesure dans quelques années.
Alors, merci Le Pen alias Spagiarri ?
L’histoire a ses ironies que la raison ne peut expulser.
Le citoyen lambda, lui, ne sait plus trop quoi penser. Le Pen fou ou visionnaire ? Qui a manipulé qui ?
A chacun à présent de se faire sa propre opinion. C’est la voie que proposent Sophie Coignard et son patron, Franz Olivier Giesbert (directeur de l’information au Point).
PM
[1]Coignard Sophie, Un Etat dans l’Etat, Le contre pouvoir maçonnique, Editions Albin Michel, 2009.
[2]Les symboles et outils de la franc-maçonnerie spéculative.
[3] Pour ces mêmes gens (journalistes et « Républicains ») qui le bannissaient toutes les fois qu’il abordait le sujet.
[4] Livre par ailleurs fort intéressant et très documenté même si par moments, la journaliste ne fait plus la part des choses entre la réalité et les anecdotes.
[5] Coignard Sophie, op.cit, p.11.
[6] Ibid p.13.
[7] On peut ajouter aussi Maurras, président d’honneur et fondateur d’Action Française, aujourd’hui décédé.
[8]Sophie Coignard, op.cit, p.147.
[9] La franc-maçonnerie.
[10] Les droits d’auteur.
[11] Pour répondre à une attaque de Martin Schultz, président du groupe socialiste au Parlement européen.
[12] Celle de Laurent Fabius, Premier ministre à l’époque.
[13] La lutte contre l’extrême droite.
[14] Allusion à l’évêque qui a brûlé Jeanne d’Arc.
[15] Idéologie pétainiste.
[16] Le procureur qui a médiatisé différentes affaires en Paca mouillant le fonctionnement de la justice. Affaire Renard, entre autres.
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