Insupportable télévision
Tombé par hasard sur Mots Croisés hier soir, je me suis rendu compte que cela faisait une éternité que je n’avais plus regardé d’émission politique à la télévision.
M’interrogeant sur cette étrange découverte, j’ai vite compris pourquoi.
Je ne supporte plus la politique à la télévision. Elle n’a plus aucun intérêt.
Je pense d’ailleurs qu’il n’est plus possible pour ceux qui aiment la politique de subir les émissions que nous propose le petit écran. Pour une raison bien simple, on n’y parle plus de politique. Les débats d’idées ont déserté les plateaux de télévision. Toujours les mêmes visages, les mêmes discours, le même refrain sans intérêt.
Pour bien comprendre, revenons sur la semaine qui vient de s’écouler.
3 émissions au programme :
1. "A vous de juger", présenté par Arlette Chabot sur France2, qui recevait l’inépuisable Dominique Strauss-Kahn, tout en rhétorique convenue pour masquer son libéralisme viscéral.
Depuis bien longtemps, cette émission a renoncé à la politique. En invitant toujours les mêmes pour leur servir une soupe dont elle a le secret, la mère Chabot n’a que faire du débat d’idées. Jamais de voix dissidente sur ses plateaux. Toujours les mêmes rengaines, servies par ceux qui nous ont conduits là où nous sommes.
Je suis désolé, mais une heure et demi de Strauss-Kahn interrogé par Arlette Chabot, ce n’est pas de la politique. C’est au mieux une promotion à peine déguisée d’idées éculées dans le cadre d’une stratégie de communication pré-élyséenne.
2. Deuxième exemple tout aussi édifiant, "Ripostes", animé sur France5 le dimanche par Serge Moati. Longtemps moins catastrophique que les autres, Serge Moati prend ces derniers temps le mauvais pli de ses confrères.
Après avoir joué le procureur avec Marine Le Pen, sommée pendant dix longues minutes d’interrogatoire de désavouer les dérapages verbaux de son père par un journaliste qui oubliant son devoir de neutralité se présentait comme "un fils de détail", Serge Moati nous servait l’un de ces faux débats dont la télévision a le secret : Copé contre Peillon, UMP contre PS, UMPS contre UMPS.
Très honnêtement, qui peut croire un instant que quelque chose d’intéressant sortira d’un tel "débat", entre deux représentants d’un Système au pouvoir depuis des décennies, dont les boutiques gouvernent presque officiellement ensemble depuis 2007 dans le cadre du gouvernement "d’ouverture" sarkozyste ?
Comme prévu, rien d’intéressant, de mémorable, d’utile au pays n’est sorti de ce débat. Serge Moati aurait pu nous épargner un tel ennui.
3. Dernier exemple, hier soir donc avec Mots Croisés sur France2. Chez Yves Calvi, jamais de (bonne) surprise. Toujours les mêmes, et toujours la même configuration : à côté d’une brochette d’"experts", sociologues, économistes et chefs d’entreprise sortis de nulle part mais curieusement toujours d’accord avec la Doxa dominante, un représentant de l’UMP contre un représentant du PS (avec de temps en temps pour pimenter un peu cette soupe fadasse, un représentant du Modem, dont on comprend cependant assez vite qu’il a la même saveur que les autres...).
Hier soir, un économiste forcément libéral, un chef d’entreprise forcément horrifié par la moindre perspective de régulation d’un Système devenu fou, et le très pénible duo Devedjian/Moscovici, que le téléspectateur pétri d’ennui avait envie de supplier de faire semblant, au moins de temps en temps, d’être en désaccord ...
Face à ce triste spectacle, à ces émissions politiques sans débats d’idées, qui tournent sur elles-mêmes et dont très logiquement les spectateurs se détournent, nous ne pouvons même pas nous consoler avec des journaux télévisés presque totalement dépolitisés.
Reste la radio. Mais nous apprenons à l’instant qu’Europe1 organise demain matin une petite interview entre amis, Jean-Pierre Elkabbach d’un côté, Nicolas Sarkozy de l’autre, le tout en direct du bureau de sa majesté.
Non, décidément, les médias traditionnels ne sont plus faits pour ceux qui aiment la politique, pour ceux qui s’intéressent vraiment au débat d’idées, entre idées réellement différentes.
Même si la Toile permet en partie de combler ce manque en devenant le véritable et unique espace de débats, cette triste évolution des grands médias pose un vrai problème démocratique.
Internet ne peut pas tout. Les opposants au Système en place ne peuvent pas se contenter d’y être cantonnés, alors qu’une large majorité de la population continue de s’informer uniquement ou essentiellement via les réseaux médiatiques traditionnels.
Reste donc à espérer la mort des grands médias ou leur transformation radicale.
www.levraidebat.com
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