Ioulia Berezovskaya journaliste sous contrôle
Comme tout le monde le sait le web russe d'information, les médias en ligne sont un espace de liberté à nul autre pareil.

On se rappelle la fraude électorale lors de la présidentielle russe de mars 2012 et les manifestations de rue pour la dénoncer.
Avec les nouvelles technologies, les réseaux sociaux ont fonctionné à plein, de même les blogs, de même les émissions sur le câble, concurrençant même les journaux indépendants " Novaïa Gazeta" et "Novoe Vremia" qui relayaient le message des protestataires, face aux médias officiels pro-Poutine.
Les sites professionnels pure players généralistes se sont multipliés en toute indépendance politique.
"Gazeta.ru" par exemple fonctionne avec une rédaction de 100 journalistes, jeunes diplômés de la faculté de journalisme de Moscou, dans des locaux dignes du "Figaro" et du "Monde".
Les nouveaux médias sont gratuits mais rentables en utilisant toutes les ficelles du marketing (les managers gestionnaires y veillent). Les recettes publicitaires rentrent bien, des investisseurs privés interviennent.
Pour renforcer la rentabilité, des fusions s'opèrent."Gazeta.ru" qui arrivait en 2ème position avec 10 millions de connexions par mois, fusionne avec "Lenta.ru" le pure player le plus fréquenté avec 1 million de connexions par jour.
Des contrôles de l'état russe se sont mis en place et ils se sont radicalisés avec la crise ukrainienne. La censure revient donc, différente de celle, totale, des années soviétiques, mais à l'encontre de la liberté d'informer des années 90. Une censure plus diffuse, plus intelligente, plus insidieuse.
Dès 2011 Vladimir Poutine a rencontré les représentants des médias en ligne. Il n'a pas voulu une loi générale sur internet. Mais la Douma, le Parlement russe a légiféré en liaison avec le ministère des médias et des télécommunications.
Ainsi sont nées la loi contre le piratage informatique et la loi sur l'extrêmisme. La protection des enfants a été mise en avant. En 2013 les termes orduriers dans le cinéma, le théâtre, la littérature ont été bannis. En 2014 un Service Spécial a été institué et il peut suspendre les sites.
Il n'y a pas de "filtration" des contenus en Russie. L'observateur averti ne peut présenter de preuves d'interventions directes du pouvoir.
Souvent c'est l'argument économique qui est mis en avant pour critiquer une rédaction : un site refuse un encart publicitaire pour le parti au pouvoir ; le rédacteur en chef est prié de partir car il y a manque à gagner flagrant pour les propriétaires. L'auto-censure va également bon train.
Ioulia Berezovskaya rédactrice en chef du site "Grani.ru" dénonce cette situation.
Son site d'information est bloqué depuis le 13 mars par la procurature de Moscou, connu pour être anti-Poutine, pour les LGBT, les prisonniers politiques, et surtout pour donner des informations non-officielles sur l'Ukraine.
Elle s'insurge contre le changement de rédaction en chef de "Gazeta.ru", jugée trop libérale. Certes "ce n'est pas le système nord-coréen", mais la situation évolue "à une vitesse surprenante".
La Douma, pour elle, "n'est pas légitime, car il y a eu fraude électorale". Et pourtant elle met en oeuvre un "arsenal liberticide" : elle "interdit la critique de l'armée soviétique", elle "interdit l'appel au séparatisme" (et pourtant elle a accepté l'annexion de la Crimée !).
S'appuyant sur "l'euphorie patriotique partagée par la population", la Douma dénonce "les traitres à la nation" et mène "la lutte contre les ONG, l'intelligentsia, les médias et internet".
Depuis juin 2013 il y a eu "23 projets de lois sur internet", des sanctions répétées et amplifiées, "des perquisitions chez les hébergeurs" des pure-players. "Des noms de domaines sont retirés sur la zone "ru", alors que la moitié des russes sont connectés à internet.
Une nouvelle loi en préparation veut contrôler les utilisateurs des sites. Internet est accusé d'être le bras armé de la CIA. Les groupes pro-ukrainiens "Maïdan" sont fermés. La loi sur les bloggers oblige les blogs qui reçoivent plus de 3000 visiteurs jour à être enregistrés.
Depuis 2012 le blocage des sites peut se faire sans intervention judiciaire, s'il y a des messages qui parlent de drogue, de pornographie, de suicide. Une simple photo de manifestation publiée en ligne peut être taxée d'appel à un rassemblement non autorisé.Le procureur peut agir sur le fournisseur d'accès.
En février le site de Ioulia Berezovskaya avait 1,5 million de visites par mois, en mars 150000 par jour, 60000 par jour actuellement, malgré le blocage, avec l'installation de répliques du site.
Malheureusement "il n'y a que 5% des russes qui sont contre la censure sur internet". La moitié des russes est d'accord avec les restrictions.
"Grani.ru" a été retiré des archives des sites d'opposition.
"Un grand média indépendant n'est pas possible aujourd'hui en Russie", conclut Ioulia Berezovskaya...qui se montre pessimiste sur l'avenir médiatique de son pays.
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