Johnny Hallyday et la machine infernale des médias
« Et moi qui danse ma vie, qui chante et qui rit, je pense à lui. » ("Diego libre dans sa tête", chanson écrite et composée par Michel Berger).
Le chanteur Johnny Hallyday est né il y a soixante-quinze ans le 15 juin 1943. Pour célébrer cet anniversaire et rendre hommage une nouvelle fois à la star disparue le 5 décembre 2017, une messe a été organisée à la Madeleine à Paris ce vendredi 15 juin 2018.
Depuis février 2018, Johnny Hallyday est le triste héros involontaire d’une mauvaise série télévisée que les médias n’hésitent pas à rediffuser quand ils n’ont plus grand-chose à se mettre sous les dents : son héritage. Je sais qu’il s’agit d’une personne tellement starifiée que certains "fans" se sentent faire partie de la famille, se sont approprié sa personne, et je sais aussi que les médias font en sorte d’avoir de l’audience, donc, ce doit être efficace, mais j’ai du mal à comprendre comment ce sujet peut être aussi important aux yeux des médias, dans un monde en plein basculement géopolitique.
Il y a là tout ce qu’il faut pour faire un ordinaire feuilleton de téléréalité : on parle de célébrité, on parle d’argent (beaucoup d’argent), on parle de famille, famille décomposée, famille recomposée, famille éclatée, divisée, on parle de droit de succession, pas de "droits de succession" (encore que cela viendra, évidemment), mais de droit français, de droit américain.
On parle de savoir si une personne de nationalité française qui a fait toute sa carrière en France, connue en France, avec des "clients" principalement en France, soignée en France et même enterrée en France (je comprends néanmoins l’éloignement outremer pour être à l’abri de trop de "fans"), parfois sujette aux indélicatesses fiscales, peut se conformer au droit américain sous prétexte qu’elle a acheté une maison en Californie et qu’elle y a habité de nombreuses années pour y être tranquille (car elle n’était pas très connue aux États-Unis). Cela fait un beau cocktail et vu le "timing", il a des chances de durer pendant plusieurs "saisons" avec le concours non gracieux de quelques avocats, etc.
Cependant, il y a une certaine indécence à étaler ainsi des histoires privées, des histoires de famille. C’est d’ailleurs le but de toute émission de téléréalité, le voyeurisme ou, dans l’autre perspective, l’exhibitionnisme, puisque les protagonistes, justement, n’hésitent pas à se servir de la puissance médiatique, de cet effet grandissant, pour faire avancer leur cause. Comme si, au-delà des grèves de la SNCF, il y avait une autre bataille de "l’opinion", qui reviendrait à devoir choisir entre les premiers enfants ou la dernière épouse, entre le droit français et le droit américain, entre les anciens et les modernes.
Au-delà de l’indécence, il devrait y avoir surtout de l’indifférence ou, du moins, un peu de compassion pour une famille qui n’est pas capable de se mettre calmement d’accord sur la succession. Après tout, c’est assez banal qu’une affaire de succession tourne mal. C’est même très courant. J’ai toujours eu du mal à imaginer cela car cela signifie des querelles intestines dans la fratrie, ou entre enfants de familles recomposées. C’est assez ordinaire. Ce qui l’est moins, ce sont les sommes en jeu. Le patrimoine est n'est pas négligeable, estimé à cent millions d’euros (certes, assez faible en comparaison avec la fortune de Serge Dassault).
Mais quelle humiliation pour le saisir ! D’ailleurs, on parle plus de reconnaissance morale que d’attraction pécuniaire, comme si la reconnaissance paternelle, au même titre, pour certains, que la reconnaissance sociale, passait nécessairement par une reconnaissance par l’argent. Saleté de société consumériste où le matérialisme l’a emporté sur les valeurs familiales, sur l’amour et l’eau fraîche !
Une querelle d’héritage, cela n’a rien d’artistique. Il vaut mieux garder Johnny Hallyday pour ce qu’il reste. Pas un mauvais prétexte pour un sitcom pourri, mais avant tout pour une voix, une énergie, un professionnalisme à faire vibrer même le profane. Exemple proposé ici, "Diego libre dans sa tête", à Paris-Bercy en 1992, d’une exceptionnelle vitalité. Des frissons. Chapeau l’artiste !
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (12 juin 2018)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Johnny Hallyday et la machine infernale des médias.
Claude François, quarante ans avant Johnny Hallyday.
La France est-elle Johnny ?
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