L’affaiblissement de la presse écrite et la question de la production de l’information brute
Moyenne d’âge des clients : 55 ans ; une confiance dans le produit tombée à 20% ; une valeur boursière en baisse de 42% depuis 3 ans ; un quart des jobs supprimés en moins de 20 ans : c’est le bilan de la presse écrite américaine tel que le dresse le New Yorker dans un long article intitulé “Out of Print : The Death and Life of the American Newspaper”, dont Benoît Raphaël a fait un excellent résumé.
La situation s’explique comme on le sait, pour une partie importante, par une fuite du lectorat vers internet, qui n’est pas à ce jour compensée par les revenus publicitaires du web. D’où un grave problème de modèle économique : que se passe-t-il si le point de rupture est atteint ?
Une des questions qui se posent est celle de la production d’information. On voit bien les audiences se déplacer progressivement vers le web (la situation n’est évidemment pas qu’américaine, même si en 2007 la presse écrite française fait de la résistance), mais le problème est qu’internet duplique beaucoup l’information produite par les médias papier, et la commente. Autrement dit, la production d’information brute par les médias en ligne (citoyens ou professionnels) est relativement marginale.
Emmanuel Parody le fait remarquer dans les commentaires du billet de Benoît Raphaël : la réussite d’un média comme le Huffington Post (LA référence du média participatif, 11 millions de visiteurs uniques par mois) repose sur l’agrégation et le commentaire d’infos produites par d’autres.
Question, donc : dans un environnement économique précaire, qui va produire l’information brute ? Celle que les autres médias vont reprendre, celle qu’internet va dupliquer et commenter ?
On avait eu un début de réponse avec l’enquête de l’université de Cardiff sur le contenu de la presse quotidienne britannique “sérieuse” : déjà aujourd’hui, près de 50% du contenu est fabriqué principalement avec d’autres sources journalistiques, les agences de presse ; et près de 20% du contenu est fabriqué principalement avec des relations publiques, c’est-à-dire à partir d’informations fournies par des émetteurs d’informations comme les pouvoirs publics, les institutions, les entreprises et les marques.
La menace économique qui pèse sur la presse écrite peut avoir comme conséquence d’accroître le rôle des agences de presse et des autres émetteurs d’informations.
Un boulevard pour les relations publiques ? Je n’en suis pas sûr : personne ne peut se réjouir de l’affaiblissement du rôle du journaliste dans la société.
Et par ailleurs, à cette analyse “favorable” aux émetteurs d’informations, on peut opposer une analyse qui leur est “défavorable” : la prise de parole “citoyenne” dans la société de défiance, pose au contraire et de façon générale de sérieux problèmes aux pouvoirs publics, institutions, entreprises et marques.
Un rôle accru dans la production d’infos d’un côté ; une défiance des individus exprimée sur le web de l’autre : on assiste à une situation de tension dont il est difficile de dire où elle mènera les émetteurs d’informations. On est loin d’avoir fini de comprendre l’impact du web en général, et dans les relations publiques en particulier.
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