L’autre photo de Reaulf Fleming, le braqueur qui a posé avec Macron, et qui serait lié selon Le Parisien à un baron de la drogue
Après le feuilleton Benalla, va-t-on avoir droit au feuilleton Reaulf Fleming ? Probablement sera-t-il moins consistant, avec un peu moins de rebondissements, mais plusieurs épisodes croustillants sont peut-être néanmoins à prévoir.
Reaulf Fleming, c'est ce jeune braqueur de Saint-Martin, auquel le président Macron a fait une leçon de morale devant les caméras, l'enjoignant à cesser les "bêtises".
Le 2 octobre, en fin de journée, Le Parisien, par l'entremise de son grand reporter Jean-Michel Décugis, exhume une photo inédite du jeune homme. Elle date de février 2015 :
"Reaulf Fleming, dit « Raul », tout juste majeur, vient d’être interpellé à Saint-Martin pour braquage. Le voyou qui porte en réalité des menottes aux poignets (NDLR : nous les avons effacées de la photo, comme le veut la loi) est sur le point d’être placé en détention provisoire. Il demande alors aux policiers qui l’ont arrêté d’immortaliser la scène."
Entre cette photo et celle que la postérité retiendra, aux côtés du chef de l'État, le look et l'attitude sont identiques : même débardeur blanc, même provocation avec les doigts.
Le braqueur sera condamné en avril 2015 à 5 ans de prison ferme. Lors de sa rencontre avec Emmanuel Macron, il venait tout juste de sortir de détention.
La pépite qu'aurait découverte Le Parisien, c'est qu'un proche de Reaulf Fleming ne serait autre que le "chef du gang armé contrôlant le marché de la cocaïne en provenance de Guyane". Info relayée sur Twitter par un journaliste politique de L'Express :
Reste à savoir si l'information délivrée par Jean-Michel Décugis est vraiment fiable.
En effet, le 3 octobre, le Parquet de Guadeloupe a démenti plusieurs rumeurs qui circulent dans les médias et les réseaux sociaux sur le passé judiciaire et les relations des deux jeunes de Saint-Martin posant avec Emmanuel Macron. Et, parmi ces "rumeurs", il y a l'info du Parisien :
« Le parquet affirme aussi que "les informations relayant la proximité d'un des deux individus avec le chef d'un gang armé contrôlant le trafic de cocaïne avec la Guyane ne sont corroborées à ce jour par aucune investigation judiciaire actuelle ou passée conduite par le parquet de Basse-Terre". »
Alors, qu'en est-il ? A quelle autorité accorder ici sa confiance ?
Un citoyen lambda hésiterait peut-être, entre la parole d'un grand reporter et celle des autorités judiciaires. En effet, il n'est pas absolument impensable qu'un authentique journaliste déniche des informations inédites, encore inconnues des autorités...
Mais le site de 20 Minutes, lui, n'a aucun doute : c'est le Parquet de Guadeloupe qui dit vrai et, par conséquent, l'info du Parisien qui est "inexacte".
On peut sans doute faire confiance à 20 Minutes, qui "est partenaire de Facebook pour lutter contre les fausses nouvelles"...
A moins que le fact-checking ne touche ici à ses limites, en partant du principe, un brin paresseux, qu'une information d'ordre criminel est forcément fausse si elle n'est pas d'ores et déjà corroborée par une investigation judiciaire.
Cette confiance absolue dans les autorités officielles transparaît dans un article pédagogique de 20 Minutes, rédigé par Mathilde Cousin (la même qui dénonce la "fake news" du Parisien). "Comment repérer une fake news ?", demande-t-elle. L'un de ses conseils est le suivant :
- Demandez-vous qui parle ou diffuse le message : est-ce une source officielle (gouvernement, police, gendarmerie, pompiers…) ?
Il est bien connu que les gouvernements sont toujours des sources très crédibles...
Pour l'heure, nous ne saurions prendre parti entre l'enquête du Parisien et le fact-checking de 20 Minutes. Attendons encore un peu.
Si 20 Minutes a raison, on espère que Le Parisien se corrigera, après avoir cédé à la coupable tentation de sortir sans suffisamment de vérification une information sensationnelle, à même de créer le buzz. Et si c'est Le Parisien qui a raison, cela illustrera la tendance des fact-checkers à s'aligner un peu trop systématiquement sur les autorités.
Désacralisateur ou envoyé de Dieu ?
Quoi qu'il en soit de l'issue de cette dernière péripétie, le cliché du président de la République pris en sandwich entre deux jeunes gens torse nu, au langage corporel provocateur, marque un tournant majeur, selon Éric Zemmour, dans la désacralisation du pouvoir et le devenir-Marie-Antoinette d'Emmanuel Macron :
"Moi, j'ai tout de suite pensé à Louis XVI, le lendemain du 14 juillet, qui a été obligé de mettre le bonnet phrygien sur la tête. Quelques années plus tard, il est guillotiné. C'est une désacralisation inouïe. Sur les réseaux sociaux, on ne parle que de ça, on lui prête des aventures sexuelles inouïes. C'est Marie-Antoinette ! Il a joué Louis XIV, il va finir Marie-Antoinette sur la guillotine. C'est dramatique."
Mais si l'auteur de Destin français voit dans l'attitude de Macron aux Antilles une désacralisation sans précédent de la fonction présidentielle, Reaulf Fleming a un autre point de vue, puisque, en voyant arriver chez lui le Président, il a cru à un cadeau de Dieu :
« C’était une surprise quand il est arrivé, on ne s’y attendait pas. C’est comme si Dieu l’avait envoyé ! Dieu voit que beaucoup de choses ne se passent pas bien ici… On était tellement content qu’il vienne voir ce qui se passe vraiment ici. Après cette rencontre, je me suis senti bien. C’est la première fois que je le vois et que j’ai pu lui parler. Il a dit qu’il allait m’aider à trouver du travail et aider ma mère malade. (...) Ce président-là m’a donné une grande motivation, ajoute Réaulf. »
A l'aune de l'enquête du Parisien et de sa pseudo révélation, sur les liens supposés du jeune braqueur avec un chef de gang engagé dans le trafic de cocaïne, certains mauvais esprits, diaboliques ou farceurs, seront sans doute tentés d'interpéter d'une façon tout à fait malveillante ces propos enthousiastes de Reaulf Fleming sur l'envoyé de Dieu, Le Sauveur-Emmanuel, et ses promesses d'emploi motivant... Ne cédons pas à ces horribles pensées.
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