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L’image et le double langage : le malaise Français

A trop demeurer en partie « étrangère" à elle-même, loin d’accueillir vraiment ceux qu’elle souhaite intégrer, la France reste ainsi peuplée des fantômes constitutifs de la part sombre de son Histoire. Notre pays se perd dans un double langage permanent, celui de son rôle et visage idéalisés, celui aussi de son état réel, loin de la petite ritournelle droit de l’Hommiste balbutiée sans cesse par une caste médiatico-politique, qui n’y croit plus elle même. L’immigration catalyse logiquement un malaise dans le rapport à la Mémoire, la notre autant que celle des populations venues d’ailleurs.

Les réactions aux propos d’Eric Zemmour chez Ardisson ou ailleurs, reflètent l’opinion d’une majorité écrasante (écrasée ?) de nos concitoyens. Cela en dit long sur le double langage et l’auto censure de notre pays par rapport à lui-même et aux autres. Un peu comme dans les pays de l’Est jadis, chacun s’impose ainsi de garder en ville la pensée consensuelle dictée par une petite caste médiatico-artistico-politique dirigeante. Celle-ci serait en effet propriétaire de la vitrine intellectuelle et morale que la France se doit d’offrir pour rester crédible, dans l’image qu’elle véhicule d’elle-même à travers le monde.
 
Nous serions donc le seul pays des droits de l’Homme (sauf pour des millions de pauvres comptabilisés par Emmaüs et les restos du coeur) de l’univers. De même, nous serions la seule Terre d’accueil sans nulle autre pareille sur la planète. Il est vrai que les pays dont nous accueillons les ressortissants, réfugiés de la misère plus que politiques, ne sont pas aussi faciles et généreux d’accès que le notre. Chacun sait le parcours de combattant que représente l’obtention d‘une carte de séjour dans la plus grande « démocratie » du monde, les Etats Unis. Telle est donc l’emballage que nous devons promouvoir et respecter pour ce qui est de « vendre » la France à l’extérieur, de chez soi et de nos frontières. Nous serions tous de généreux citoyens empressés d’accueillir la part qui nous revient de « toute la misère du monde » formalisée par Michel Rocard. Bientôt les poules iront chez le dentiste.
 
Et puis, il y a la France des foyers privés et des ressentiments refoulés. Elle concerne aussi l’intelligentsia, vivant bien à l’abri des quartiers réservés aux immigrés, laissant aux autres la joie de côtoyer dans la proximité tout le bonheur de la mixité sociale et ethnique. Autant le dire, chez ces gens là monsieur, on aime les immigrés seulement de façon conceptuelle et théorique. On ne les fréquente pas dans les salles de rédaction ou dans les loges de l’assemblée nationale, ni dans les rues du septième et seizième arrondissements, encore moins à Neuilly. On choisit quelques membres issus de cette « deuxième France » pour attester le passage de l’ORTF à la télé en couleur et à plusieurs chaînes. La France collectionne ses images, pour être la première à l’école des nations. Telle est l’image, autre est la réalité.
 
Bien sur, la France réelle demeure. Elle est celle d’une classe populaire en pleine reconstitution, alors que 70% des citoyens de notre pays idéal gagne 1300 euros par mois, ou moins. Cette France majoritaire est loin du tableau idyllique, mondialiste et intégrateur. L’intelligentsia des beaux quartiers, qui regarde les immigrés et banlieues seulement sur grand écran plat de télévision, n’est pas sans reprocher à cette France des pauvres, celle du peuple, de ne pas aimer les immigrés. Pourquoi ce double langage dans une répartition consciente des rôles ? Pourquoi cette soumission nationale à l’image d’une France idéale sans rapport aucun avec la réalité de son peuple, dans son être intime ?
 
Si la dernière Présidentielle aura été axée autour de nombreuses idées longtemps portées par le seul vilain Jean Marie Le Pen, le drapeau national allait être de mise autant que l’encadrement éducatif militaire (pour feindre plus tard d’être choqués par le débat lancé par monsieur Besson ?), cela n’était pas un hasard. La France réelle devait être courtisée pour gagner. Les idées, aujourd’hui d’un Zémmour, hier d’un Bigard (ou est il depuis qu’il osa s’exprimer comme on le peut en démocratie ?) ratissent large. Pourtant, le thème majeur du même inspirateur, celui de l’immigration, reste scandaleux dans le fait même d’oser l’aborder. La France aimerait ses immigrés pour peu qu’elle ne les croise pas sur son pallier ? Il semble. Et puis, ces immigrés sont tous de tendres agneaux, les mafias des banlieues alimentant une frange large de l’insécurité, tout cela relèverait des fantasmes de méchants loups réactionnaires. Prétendre qu’il y a une sorte d’idéologie de l’excuse et de la compassion excessive à l’égard de ceux que Jean Pierre Chevènement nomma à juste titre les sauvageons, cela est vite taxé de racisme ou d’anti jeunes. Pourtant, les statistiques de police et de gendarmerie n’en finissent plus de constater l’augmentation des agressions faites sur les personnes, surtout en banlieue. Chacun est invité à se contenter de vagues « travaux d’intérêts généraux » (TIG) suivis de libérations rapides de nos chers sauvageons, tous issus de Neuilly...assurément ! Pour ce qui est d’oser dire qu’ils proviendraient des banlieues ghettos de l’immigration, si l’affirmation est autorisée en pensée et chez soi, elle ne doit être dite en ville ou à la télévision. La censure du langage est identique s’agissant de toute reconnaissance de couleur de peau ou évocation de pays d’origine étrangère. Les immigrés ont toujours été français, tombés du ciel un jour. Il serait vulgaire et fasciste de parler de leur terre de naissance. Le droit et le langage du sang dans les veines n’existent plus. Celui du sol est le seul qui vaille dans la gamme de la démagogie pseudo droit de l’Hommiste constitutive de la pensée obligatoire. Contentons nous du présent, les racines n’appartiennent qu’aux arbres. Les fleuves s’alimenteraient eux même. Le coucher de soleil serait uni colore ! L’anglais a toujours été et sera la langue unique. Telle est la grande architecture de la pensée fraternalo-unique. Oublions vite que cette notion de « fraternité » provient de notre héritage chrétien. Le passé des gens venus chercher ici leur Eldorado aurait à disparaître. Ils seraient nés français du jour au lendemain, dans la flamboyante loi de l’assimilation...Il y a notre image qui est faussée, aussi celle des immigrés.
 
Depuis Vichy et la guerre d’Algérie, notamment (cela peut remonter à bien avant), coupable de sa mémoire, la France semble vivre avec un couteau sous la gorge qu’elle s’impose à elle-même en permanence pour se faire pardonner le « passif » dans lequel elle enferme sa Mémoire. De la collaboration à la colonisation, notre pays entretient une relation coupable à l’étranger, à l’Autre, surtout à lui même. Le temps de la Psychanalyse collective ne peut plus être reporté. Cette hantise de se voir à nouveau accusée de rejet ou de discrimination fonde ce grand tabou national qui ne permet pas de parler sereinement d’immigration ou d’assumer (comme aux USA) pleinement une politique d’accueil un tant soit peu sélective. Le fantôme de Pétain, notamment, est en permanence dans le miroir inconscient de notre pays. Même Bonaparte tend à devenir un monstrueux esclavagiste (dans l’ignorance de toutes les lois ou structures novatrices que nous lui devons). La France a mal à sa Mémoire.
 
L’immigration ne peut en effet être abordée comme on le fait ailleurs, dans une acception uniquement actuelle et pragmatique. Elle s’inscrit immédiatement dans une profonde culpabilité liée au passé. Cette fois ci le courageux Eric Zemmour (que l’on partage ou pas toutes ses convictions) en fait les frais et endosse toute ce désamour, parallèlement au refoulement des origines que nous imposons à de nombreux immigrés (un statut ou qualificatif qui n’est pas insultant !). Ils se devraient au contraire d’être fiers de l’être. Au même titre que les Basques, Bretons, Corses, Américains, aiment leur particularité. Pourquoi pas les Français ?
Pour qu’une rencontre réelle se fasse, rappelons qu’il faut être au moins deux, et que chacun resta lui-même lors de cette rencontre. Notre pays s’oblige à un silence sur son identité propre inhérente à toute nation constituée. Le même tabou persiste dans la Mémoire (l’aveu du Président Chirac sur la Collaboration n’a pas suffi !), chose qu’il impose pareillement aux citoyens d’origine étrangère. Répétons que nos immigrés peuvent s’honorer du pays qui les vît naître, le notre, ou le leur. Qu’ils ne soient pas contraints à partager le malaise que nous entretenons à notre niveau. 
 
A trop essayer de demeurer en partie « étrangère à elle-même », loin d’accueillir vraiment ceux qu’elle souhaite intégrer, la France reste peuplée des fantômes de son histoire refoulée. Dire que le français « de souche » exista et qu’il fût jusqu’ici plutôt de peau claire, que cela peut évoluer…en quoi serait ce un sacrilège ? Dire que la France est un pays de culture judéo chrétienne est un fait comme en atteste tous nos beaux clochers de villages. Que la vague d’immigration issue des pays du Maghreb se fasse moins aisément que les autres, est pareillement un fait objectif que tout confirme. Que celui qui vient d‘ailleurs soit un étranger à son arrivée est incontestable, de même qu’un noir a la peau noire, un asiatique les yeux bridés. Réjouissons nous des différentes couleurs de l’arc en ciel Humain, et ne nous interdisons pas, belle France, d’aimer ta « couleur » locale et ta douce « petite musique ». Elle raisonne dans le monde, faisant de toi le pays le plus visité, et pas seulement pour ton « mulin wrouge » ou ta « Tchour Eyfeil » ! Chaque pays a sa « Note » dans le concert des Nations, la symphonie planétaire en est d‘autant plus belle !
 
France, Pays des merveilles pour le regard extérieur, si lourde de mauvaise conscience à l’intérieur, aime toi, et marche à la rencontre de l’avenir.
 
Guillaume Boucard

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