L’inéluctable nouvelle vague du Web 2.0
A l’occasion d’une conférence-débat, qui s’est tenue à San Francisco à la fin de l’année 2004, entre Tim O’Reilly et Media Live International, la vague d’innovations qui anime et transforme peu à peu le Web a été baptisée “Web 2.0”.
Depuis la conférence Web 2.0, la sphère des créateurs et concepteurs Internet californiens ne cesse de débattre pour tenter de comprendre et de définir ce que recouvre réellement ce terme. Mais dans son article intitulé “Qu’est-ce que le Web 2.0 ?”, Tim O’Reilly explique assez clairement que le Web, loin de s’être arrêté après l’explosion de la bulle Internet en 2001, se voit animé d’un second souffle. Les innovations sont nombreuses, et depuis trois ans de nouvelles applications ne cessent de voir le jour : Google Maps, Flickr, Wikipedia, les weblogs, les RSS, l’optimisation des moteurs de recherche, etc.
De fortes similitudes avec la première vague
Le phénomène que l’on observe actuellement ressemble en plusieurs points à ce qui s’est produit lors de l’expansion du Web à partir du milieu des années 1990. Premièrement, la Californie, et plus précisément San Francisco, restent le point de départ de toutes les innovations. La ville qui était le centre névralgique de la première vague du Web reprend de l’activité après trois années sombres, durant lesquelles les activités économiques urbaines, et plus spécifiquement celles liées à l’Internet, s’étaient considérablement affaiblies, entraînant fermetures de sociétés et chute des loyers. Depuis le début de l’année 2003, la ville qui a fait naître le Web reprend son essor.
Le second point concerne les innovations techniques qui sont à l’origine de la nouvelle vague. Tout comme dans les années 1990, quand l’apparition de moteurs de recherche efficaces a changé l’usage du Web (altavista, yahoo), les applications Web de nouvelle génération semblent modifier à nouveau le paysage Internet. La société informatique Google est la figure emblématique de cette nouvelle vague, mais de nouveaux modes de recherche et de sélection de l’information surgissent de toutes parts, principalement basés sur ce qui semble être l’un des fondements du Web 2.0 : la participation active des utilisateurs à l’enrichissement des données et des connaissances.
Le troisième point de similitude avec le phénomène que nous avons connu dans les années 1990 concerne le buzz, c’est-à-dire l’activité intellectuelle ininterrompue qui vient enrichir et accompagner les innovations techniques et les nouveaux usages. Cette tentative de compréhension et d’analyse du phénomène par les acteurs eux-mêmes est un signe fort de la vitalité de la nouvelle vague. Par exemple, le site web20workgroup.com recense un nombre important de blogs qui se penchent sur l’étude et l’analyse du Web 2.0.
Un Web participatif
Pour cerner ce phénomène et essayer de le comprendre, il est nécessaire de l’apprivoiser, c’est-à-dire d’utiliser les outils qu’il met à notre disposition. Les weblogs sont déjà bien connus et utilisés dans le monde entier. Les services offerts par Google le sont également : Google Maps et Google Earth, GMail, Groups, Translate, etc. On en recence actuellement près de 30 sur la version américaine du moteur de recherche.
Les flux d’information XML, aussi connus sous le nom de RSS, commencent à s’installer dans notre usage du Web moderne, mais en Europe, tous les sites d’information ne proposent pas encore de flux RSS.
Les services de bookmarking, quant à eux, sont en pleine explosion aux Etats-Unis mais restent assez peu connus du grand public européen. Del.icio.us, BlinkList, Shadows et Clipmarks sont les principaux services dans cette catégorie. Del.icio.us reste un exemple des plus frappants car sa simplicité d’usage et son intelligence de conception en font un modèle des services du Web 2.0. Il permet à quiconque s’y enregistre (gratuitement) de sauvegarder ses bookmarks au sein d’une immense base d’information partagée par tous. L’idée de génie de Del.icio.us est en effet de laisser en libre accès les bookmarks de tous ses utilisateurs. Il est ainsi possible à quiconque de consulter les informations collectées par autrui sur un sujet donné. Les sites référencés au sein de Del.icio.us sont indexés selon un système extrêmemement fluide - le tagging - permettant de les qualifier. Les tags sont créés et modifiés par les utilisateurs eux-mêmes en fonction de leurs besoins du moment. L’utilisateur est donc partie prenante de l’enrichissement des informations. Il collecte, classe et partage ses informations.
Une autre expression des plus marquante du Web participatif est le site Craiglist. Craiglist est un service de petites annonces et de forums. Selon la définition donné par le site lui-même, ses services permettent de “trouver un emploi, un logement, des services et des biens, des activités sociales, un ou une petit(e) ami(e), des conseils, des informations sur des communautés d’intérêts - le tout gratuitement dans un environnement relativement non commercial.” Quant à la réussite du projet, les chiffres parlent d’eux-mêmes : Craiglist revendique plus de 3 milliards de pages vues par mois, 10 millions d’utilisateurs (également par mois). Enfin, 6 millions de petites annonces et 1 million de billets de forums sont disponibles à l’heure actuelle. Pour comparaison, le plus gros service payant de petites annonces disponible en France (topannonces.fr) revendique 1 million de visiteurs et 250 000 annonces par mois. Voir les chiffres complets du site Craiglist.
Des dizaines de nouvelles applications
Ces quelques exemples de nouvelles applications du Web 2.0 ne représentent qu’une petite partie du phénomène. Le blog de Dion Hinchcliffe propose une liste des nombreuses catégories que regroupe le Web 2.0. En voici une adaptation française simplifiée (autant que ce peut), accompagnée d’un lien vers le site le plus représentatif de chaque catégorie :
- bookmarking (Del.icio.us)
- services de recherche (Google)
- filtres de contenus et de blogs (Memeorandum)
- mémos en ligne (Voo2do)
- calendriers/agendas en ligne (Calendarhub)
- création de contenu (tous les blogs et Wikipedia)
- agrégation de contenus (Google Reader et Google/ig)
- outils sociaux (Craiglist)
- pages de démarrage personnalisées (Netvibes)
- outils de collaboration (Basecamphq)
- e-mail et communication (Gmail)
- partage et stockage de fichiers et d’images (Flickr)
- cartographie (Google Maps)
- bureautique en ligne (Writely)
Une liste d’exemples de services et d’articles concernant le Web 2.0 est disponible sur mon compte Del.icio.us.
Lire, écrire, exécuter.
Une petite révolution technique se déroule depuis environ trois ans au sein de la communauté des concepteurs-réalisateurs Internet. Les recommandations du World Wide Web Consortium, organisme chargé de la standardisation des techniques et des langages Web, ont été appliquées et intégrées aux navigateurs de nouvelle génération (Firefox, Internet Explorer, Safari, Opera pour ne citer que les plus courants). La principale recommandation porte sur la séparation du contenu et de la forme, une méthode de conception indispensable et inhérente à l’évolution de la publication de l’information sur le Web.
La normalisation du XML (Extensible Markup Language), pour le traitement de l’information, des CSS (Cascading Style Sheets), pour la programmation graphique, et du couple DOM (Document Object Model)-Javascript pour la manipulation de l’affichage, permet aujourd’hui aux applications Web d’effectuer un nouveau bond en avant.
Profitant des nouvelles possibilités offertes par cette normalisation des pratiques de mise en oeuvre, des applications Web voient le jour, offrant aux utilisateurs de nouvelles manières d’appréhender l’information. La technologie permet à présent non plus seulement la consultation du contenu, mais également sa création. L’utilisateur n’est plus un simple lecteur, au mieux un acheteur, il devient un acteur et un producteur d’information. Il lit, écrit et exécute.
Tentative de schématisation du principe Web 2.0
Le Web 2.0 : une étape vers l’Internet du futur
Le mode de fonctionnement du Web 1.0 se limite à un échange utilisateur-fournisseur. Les technologies et les applications liées au Web 2.0 transforment profondément ce modèle. L’information devient une entité à part entière qui vit et évolue. Les applications sont là pour permettre aux utilisateurs de produire cette information et de la partager entre individus, petits groupes d’individus ou larges communautés d’intérêts. La notion même d’auteur change : Wikipedia , encyclopédie qui rassemble plus de deux millions d’articles dans plus de dix langues, est enrichie par quinconque souhaite y participer. Dans certaines sections, notamment scientifiques, un travail considérable d’écriture, de classement, de recherche est effectué sans qu’aucun auteur ne puisse être identifié car le principe même de Wikipedia empêche la personnalisation de l’information. C’est le travail de la masse qui l’emporte sur celui de l’individu.
On le voit grâce à Wikipedia, l’Internet prend, avec cette nouvelle étape de son développement, le chemin de la constitution d’une vaste base de connaissances sur le savoir humain. Le Web 1.0 nous en avait déjà annoncé les prémisses, le Web 2.0 le confirme. Dans la société contemporaine, l’information est au coeur des activités humaines. Détenir l’information, c’est détenir le pouvoir, mais ce que semble proposer le Web de demain, c’est davantage de le partager que de le conserver.
Il revient donc aux acteurs de l’Internet d’adapter sans cesse leurs méthodes de conception, de réalisation, d’organisation - en fin de compte leurs méthodes de travail - pour prendre en compte dans leurs réalisations ces nouveaux paramètres.
En effet, le Web, loin de s’être arrêté pour se conformer à un modèle social bien défini, ou de répondre à des besoins à court terme, se transforme sans cesse et se dirige déjà vers sa version 3.0.
Pour aller plus loin :
- Principales innovations du Web 2.0 (bookmarks De.licio.us)
- Articles et références (bookmarks De.licio.us)
- Blogs à propos du Web 2.0
- Site de la conférence Web 2.0
- Article de Tim O’Reilly What is Web 2.0 ?
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