L’information émotion
Honte aux médias français ! Comme l'a très justement écrit Alain Salles dans un article du Monde, l'affaire Léonarda prend des proportions inimaginables où l'émotion est reine. Interview de cette jeune fille de 15 ans sur le journal de David Pujadas, réaction à l'intervention de François Hollande de la famille en direct, des lycéens qui, du jour au lendemain, envahissent les rues de Paris pour réclamer des papiers pour tous...
L'histoire de Léonarda est évidemment regrettable, et les policiers concernés ont à la fois manqué de tact et d'humanité en allant chercher une gamine dans un bus scolaire, mais ils auraient facilement pu éviter tout ce tumulte : s'ils l'avaient arrêté en dehors de l'école, elle aurait été expulsé sans bruit, comme l'ont été tant d'enfants telle Léonarda parmi les 36 822 sans papiers reconduits à la frontière en 2012. Quelle différence y a t-il entre expulser une enfant à l'école ou en dehors ? La symbolique, diriez-vous, mais finalement, s'indigner sur le sort de cette jeune fille, c'est un peu comme crier au crime contre l'humanité en Syrie avec l'utilisation d'armes chimiques tout en oubliant ceux commis avec des armes conventionnelles.
Les réactions politiques à cette affaire surfent sur l'émotion et sont alarmantes : Claude Bartolone, président de l'Assemblée Nationale, affirme qu'« il y a la loi. Mais il y a aussi des valeurs avec lesquelles la Gauche ne saurait transiger. Sous peine de perdre son âme. » Par ces paroles, il affirme clairement que les valeurs de la gauche sont supérieures à la loi française. Étonnant pour le président du parlement. Jean-Luc Mélenchon (FG), François Baroin (UMP), Noël Mamère (EELV)... Qu'importe la couleur politique, ils appellent tous à la démission de Manuel Valls. Mais comment en est-on arrivé à ce niveau de réaction ? Une mauvaise gestion de cette affaire par quelques policiers du Doubs doit-elle entrainer la démission du ministre de l'Intérieur ? Mais bon, il est vrai que nos dirigeants nous ont habitué à ce genre de répliques et ce n'est pas avec cette histoire que l'on découvre le niveau de notre classe politique.
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Ce qui est véritablement désolant est l'importance et le traitement que nos médias donnent à cette affaire. Elle inonde les unes de journaux, les matinales de radio, les plateaux de télévisions, occupent les conversations des gens, au grand damne d'actualités bien plus décisives mais certes moins croustillantes à cause de leur radotage : la Syrie, Fukushima, l'Union Européenne, les plans sociaux et j'en passe. Elle éloigne aussi du vrai débat sur l'intégration des Roms en France, seulement 20 000 alors que l'Espagne en compte plus du double et parvient à intégrer ces populations, avec notamment un taux de presque 100% d'enfants qui terminent l'école primaire. Tous ces médias donneurs de leçons à nos politiques, tous ces chroniqueurs qui répandent leur bonne parole chaque jour ; les voilà tombés dans une actu-téléréalité.
L'émotion fait vendre, mais en ces temps crépusculaires où des enjeux majeurs ont lieu, il s'agirait de rehausser le niveau des informations et sujets abordés, au risque nous abrutir encore un peu plus. À l'heure où nos politiques nous délaissent, les médias se doivent d'assumer leur véritable rôle, quitte à perdre un peu d'audience, et d'arrêter avec toutes ces mises en scènes dignes d'une mauvaise émission sur W9.
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