Là-bas si je n’y suis plus !
Mon sang n’a fait qu’un tour en entendant cette nouvelle, alors que j’écoutais mon émission favorite, sur France-inter, en refaisant le papier peint de ma chambre.
Pas "le jeu des mille euros", mais " Là-bas si j’y suis " , avec Daniel Mermet et son équipe.
« Les rumeurs inquiétantes circulent toujours et nous attendons de connaître précisément les intentions de la direction. Nous vous informerons dès que possible. Pour cela, laissez-nous votre adresse mail sur le site www.la-bas.org.
Chers AMG, nous avons besoin de tout votre soutien, faites circuler le plus possible, partout.
N'oubliez pas que France Inter vous appartient ! »
"Bon dieu ! Ils ne vont pas quand même oser supprimer cette émission !"
J’étais près de la fenêtre, me débattant dans un lai de papier peint.
Un avion passait très haut dans le ciel.
J’avais entendu comme à l’habitude, avec un certain plaisir le jingle de l’émission. Un titre de Cole Porter, interprété par Cannonball Adderley. Du jazz, et du bon, avec un bon piston vibrant dés l'allumage !
Cette pétarade synchronisée ensuite de la vieille Harley Davidson, suite du générique, qui vous invite à prendre le large, en lâchant les chevaux, d’une autre façon qu’avec un camping car !
C’est drôle comment en quelques secondes, comme dans un bon roman, ou un bon film, ou une bonne rencontre, un certain ton est donné….
On aime ou l’on déteste, en tout cas ça ne vous laisse pas indifférent.
C’est pas que j’aime beaucoup Julien Clerc, mais quand j’étais môme, son tube, « la cavalerie », avait fait mouche dans mon imaginaire, déjà pas mal formaté par les œuvres de Jack Kerouac.
« Quand je vois les motos sauvages
Qui traversent nos villages
Venues de Californie
De Flandres ou bien de Paris
Quand je vois filer les bolides
Les cuirs fauves et les cuivres
Qui traversent le pays
Dans le métal et le bruit
Moi je pense à la cavalerie….. »
Et à la liberté, bien sûr.
S’il y a une émission qui vous invente des yeux entre les oreilles, c’est bien celle ci !
Pas seulement à cause d’un ton spécifique, de la voix un peu gouailleuse de Mermet, vieux grigou, marin aimant toujours autant la mer, malgré pas mal de désillusions et de naufrages, parfait conteur, et qui vous ferait facilement le coup de la mille et deuxième nuit.
Non, il y a encore autre chose, qui tient au choix d’une certaine ligne éditoriale atypique, qui donne la parole aux sans grades ( et non aux cent grades), aux utopistes, aux imbéciles heureux vivant des endroits oubliés de la jet set, et pourtant ouvrant chacun leur petite fenêtre radiophonique, pour nous faire vivre leur différence.
La déférence, bien sûr, c’est un autre domaine, qui est à peu près couverte à chaque heure que dieu fait, France inter ou non.
Dans l’émission de ce 26 juin, où l’on rediffusait des extraits d’émissions passés, qu’on peut écouter sur postcast http://www.la-bas.org/article.php3?id_article=3030, il y en avait une assez croustillante, avec pléthore d’invités de tous bords politiques et journalistiques invités, ( Boniface, Jean Daniel) lors du départ de l’ex ambassadeur du Qatar à Paris. On ne sait pas si Claude Guéant a un verre de champagne à la main, quand il accepte cet interview d’un journaliste de « Là bas si j’y suis » .
En tout cas, mis en difficulté par des questions qu’il juge impertinentes, il ne cache pas son irritation.
Au moins une chose qu’il ne cache pas, me direz vous !
C’est un peu le principe de l’émission. Un concept du désembuage, voir du « désembusquage », de la parole vraie, dérangeante, plus familière il est vrai aux Etats Unis ou dans les pays anglo-saxons en général qu’en France, où il est bon ton de flatter les puissants.
En tout cas de ne pas les irriter.
« C’est pas correct ! » Conclura Guéant…..( 3.12 du post cast)
« Au cours de ces extraits, choisis par l’équipe, au passage, trouverez vous peut être des raisons, pour laquelle cette émission est aujourd’hui menacée » Nous suggère Daniel Mermet…..
« Je hais vos idées, mais je me battrais jusqu’au bout pour que vous puissiez les exprimer ! » Nous dit Voltaire, toujours aussi vivant grâce à sa modernité.
Il est vrai que cette émission ne fait pas dans le consensuel, et c’est tout son charme et sa valeur. Si vous êtes dérangé, comme vous pouvez l’être sur Agoravox, cet espace de publication, ne passant pas par les arcades d’une censure ne disant pas son nom, se contentant de vous dire que vous n’êtes pas dans la ligne rédactionnelle, c’est bon signe.
Pour vous, pour la presse, pour la liberté d’opinion, pour la diversité d’un monde qui puisse continuer a exister en dehors des critères commerciaux publicitaires, tous droits sortis de l’esprit « united colors of Benetton »
Ce jour, plusieurs rédacteurs s’inquiètent, est ce un hasard du temps, d’une presse sirupeuse, aux ordres, ou pire, à qui l’on a même plus besoin de donner des ordres de conformité pour qu’elle prenne la posture du garde-vous, ou du silence.
« Les médias ont remplacé le prêtre d’autrefois, qui, depuis sa chaire, nous disait quoi faire et ne pas faire. Ils contrôlent notre culture de manière très pernicieuse, en marginalisant les discours alternatifs. La pensée radicale ne suscite que la méfiance, elle parait excentrique, déplacée, absolument pas crédible » Nous dit Ken Loach, dans un interview au Télérama de la semaine.
Dans le journal mensuel Le Monde diplomatique, le journaliste Jean-Claude Guillebaud écrit en février 2000 : « Là-bas si j’y suis n’est pas seulement une magnifique innovation radiophonique que plusieurs prix ont récompensée. C’est aussi quelque chose comme un contre-pouvoir médiatique, un lieu unique de résistance à l’air du temps. Les oubliés de la grande information y retrouvent les vaincus du système, les sans-grade et sans-paillettes, les anonymes du bout de la France ou les copains de bistrot que les reporters de l’équipe Mermet savent écouter avec une fraternité sans chichis » 2.
Ce n’est pas la première fois que l’émission rencontre des difficultés.
Déjà en 2006, la direction de France inter avait décidé de déplacer la plage de l’émission, de 15 à 16 heures, au lieu des 17-18heures habituelles. Une volonté manifeste de diminuer l’audience de cette émission populaire et dérangeante, sans aucun doute. 200 000 signatures ne seront pas suffisantes pour faire changer de décision le polit bureau.
Aura-t-il fallu attendre la nomination de monsieur Normal à la présidence, et ses postures de bibendum Michelin, « Moi président », pour que le bruit d’échappement de la vieille Harley s’échappe dans la nuit, sans espoir de retour ?
Même Sarko n’avait pas osé supprimer cette émission phare !
Phare au mileur de la mer des sarcasmes, et des esprits formatés, elle brille par sa différence, répondant exactement au slogan de cette radio.
On voudrait bien que ce soit pas qu'un slogan publicitaire, une coquille vide, à l'intérieur de laquelle on écoute la mer, et son bruit de vagues incessant.
« Quand s'éloigne la tourmente
Quand retombe la poussière pesante
Et que sombre le pays
Dans le sommeil et l'ennui »
Alors, si c’est le cas, nous resterons orphelins.
Mais nostalgiques de la vieille Harley, et furieux envers l’escroc, monté à l’arrière du scooter, avec cette pétarade lamentable de robot moulinex tentant de monter les blancs en neige !
Pour la moto, comme pour le reste, méfiez vous des imitations !
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