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La désinformation, un leurre des médias traditionnels

Au cours des très intéressantes « Premières rencontres du 5e pouvoir » le samedi 24 mars à Saint-Denis, il a été souligné forcément à plusieurs reprises qu’un site d’information comme AGORAVOX devait son succès en partie au discrédit des médias traditionnels. Il est surprenant, cependant, que cette défiance paraisse épargner leur « théorie promotionnelle de l’information », truffée de leurres, qu’ils ne cessent de répandre et que l’école a adoptée les yeux fermés.

On a ainsi entendu revenir souvent, dans les échanges de samedi, le terme de « désinformation » qui était opposé bien sûr à son contraire, celui d’ « information », sans que nul ne songeât à contester la validité de ce couple antagoniste ni à y voir un condensé de cette théorie promotionnelle des médias traditionnels qui leur a valu pour partie ce discrédit.

Un terme venu des services secrets

Selon V. Volkoff, dans « Désinformations par l’image » (Editions du Rocher, 2001), le mot « désinformation » provient d’un mot russe « desinformatsiya  » forgé par les soviétiques après la Seconde Guerre mondiale et devenu vers 1972, chez les Anglo-Saxons, « disinformation ». Dans ce contexte particulier de l’espionnage et du renseignement, le mot « information » a un sens très différent de celui qu’emploient couramment les médias traditionnels.
- Il ne s’agit pas de « l’information donnée », c’est-à-dire celle qui est livrée volontairement à longueur de journaux et d’antenne ou encore par l’interlocuteur que l’on a devant soi. Chacun sait - ou oublie - que, sans être fausse obligatoirement, cette variété d’information n’est jamais fiable, tout simplement parce qu’elle passe au crible des intérêts de son auteur, et que nul être sain ne livre volontairement une information susceptible de lui nuire.
- Dans ce contexte particulier de l’espionnage et du renseignement, l’information doit donc être entendue exclusivement comme « l’information extorquée » qui est obtenue à l’insu ou contre le gré des émetteurs ; et, dans ce cas de figure, le degré de fiabilité de cette variété d’information est proportionnel aux méthodes rigoureuses employées pour l’obtenir. « L’information extorquée » est un accès par effraction au secret jalousement gardé par l’émetteur qui, selon le contenu découvert, devient vulnérable. Elle fait donc l’objet d’une traque de tous les instants entre tous les acteurs du monde politique et économique qui financent des services spécialisés dans la recherche du renseignement, tant pour leur défense que pour leur accroissement de puissance par affaiblissement de leurs concurrents ou ennemis.

Un exemple de désinformation réussie

Et on comprend que son contraire ait été nommé « désinformation » pour désigner une information erronée, diffusée afin d’égarer l’adversaire sur une fausse piste.
- Ainsi, en avril 1943, les services alliés ont-ils trompé l’ennemi nazi sur le lieu de débarquement choisi en montant « l’opération Mincemeat » (Ewen Montagu, « L’homme qui n’existait pas », Ditis, 1969). Vu d’Afrique du Nord où les Alliés avaient pris pied, la Sicile apparaissait tellement comme le site idéal le plus accessible avec ses plages de sable. Un cadavre de major britannique échoué sur une plage de Huelva dans le sud de l’Espagne, avec, attachée à son poignet, une serviette de documents secrets scellés, a pourtant persuadé l’ennemi nazi que les Alliés projetaient de débarquer en Grèce et en Sardaigne - sites très difficiles d’accès - tout en révélant qu’ils feraient croire à un débarquement en Sicile qu’ils rejetaient comme trop évident ; il s’agissait de discréditer habilement par avance des informations ultérieures de leurs propres agents qui finiraient tôt ou tard par découvrir que l’objectif effectivement visé était bien la Sicile.
- L’erreur des nazis est d’avoir pris pour argent comptant cette aubaine tombée du ciel : car le cadavre en question - a-t-on appris en 1996 - n’était jamais qu’un SDF gallois déguisé en major britannique - avec tickets de métro, de théâtre et photo de fiancée en maillot de bain dans les poches -, mort d’ingestion de mort aux rats ; on l’avait acheminé par sous-marin près des côtes espagnoles pour rendre crédible une fuite organisée miraculeuse par la vertu du hasard d’un accident d’avion. « L’information donnée » par les Alliés (un accident d’avion abîmé en pleine mer) a été un peu vite convertie en « information extorquée » par l’ennemi nazi au terme d’un raisonnement sans doute logique mais fondé sur une hypothèse autovalidante, c’est-à-dire non démontrée : le cadavre d’un officier retrouvé sur une plage avec ses documents est la conséquence d’un accident en haute mer. Quatre-vingt dix-neuf fois sur cent, il est vrai, cette observation se vérifie, sauf quand un stratège use de ce fond commun d’idées convenues qui gouvernent paresseusement la vie quotidienne de chacun pour induire en erreur un adversaire.

Un usage promotionnel par les médias

Les médias traditionnels ont tout de suite vu le parti qu’ils pouvaient tirer, pour leur promotion, de la mise hors-contexte de ce couple de mots antagonistes.
- En qualifiant de « désinformation », une information erronée, le seul mot d’ « information » doit, en effet, obligatoirement être entendu, par pure symétrie inversée, comme « un fait avéré ». En somme ce couple de mots est devenu synonyme d’un autre couple de rêve : le mensonge et la vérité. Quand on se nomme « journal d’information », on rivalise ainsi avec la Bible, l’Évangile ou le Coran.
- Malheureusement, cet usage hors-contexte est irrecevable car, comme l’a rappelé, samedi, une universitaire de Nantes à propos du vote électronique qu’elle dénonçait, on n’accède jamais à la réalité, mais seulement à « une représentation de la réalité ». Ainsi, une information n’est-elle pas "un fait" mais "la représentation d’un fait". Il ne faut pas confondre la carte que l’on a sous les yeux et le terrain qu’elle représente, dit encore Paul Watzlawick. Avant lui, Magritte avait illustré magistralement cette leçon par deux toiles : celle d’une pomme et celle d’une pipe avec cet avertissement paradoxal : « Ceci n’est pas une pipe », « Ceci n’est pas une pomme ». Eh oui, ce n’est que la représentation d’une pipe et d’une pomme !

Le contexte des médias de masse conduit donc à préférer au mot « désinformation » le terme de « désorientation  ». Il serait dangereux pour les nouveaux médias de faire l’impasse sur une réévaluation des notions erronées qu’à force de répétitions, les médias traditionnels, et l’école avec eux, ont inculquées dans les esprits et rendues quasiment « naturelles ». Ce serait prendre le risque de retomber dans les ornières où ils se sont embourbés et continuer à participer inconsciemment cette fois à une bien réelle désinformation pour assurer leur promotion.

N.B. L’ensemble des autres compte-rendu de cette journée sont disponibles à partir de cet article de Carlo Revelli.

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14 réactions à cet article    


  • JL (---.---.73.200) 27 mars 2007 11:49

    Très bonne analyse. Je voudrais la prolonger par une ou deux réflexions. Vous écrivez :

    «  » (…) nul être sain ne livre volontairement une information susceptible de lui nuire«  »

    Cette affirmation me semble un peu réductrice. Les individus n’ont pas tous les mêmes notions de leurs intérêts : le porte monnaie ou les idées ? Les gens sont opportunistes ou pragmatiques, désintéressés, idéalistes, philanthropes, etc …

    Cependant, dans ce contexte des médias dont l’intérêt est évident, elle est très pertinente. Et je crois que l’on peut parler de désinformation même s’il n’y a pas tromperie manifeste.

    Vous écrivez :

    «  » Les médias traditionnels ont tout de suite vu le parti qu’ils pouvaient tirer, pour leur promotion, de la mise hors contexte de ce couple de mots antagonistes.- En qualifiant de « désinformation », une information erronée, le seul mot d’ « information » doit, en effet, obligatoirement être entendu, par pure symétrie inversée, comme « un fait avéré ». En somme ce couple de mots est devenu synonyme d’un autre couple de rêve : le mensonge et la vérité. Quand on se nomme « journal d’information », on rivalise ainsi avec la Bible, l’Évangile ou le Coran.«  »

    C’est tout à fait ça ! Et cela ne surprendra pas ceux qui comme moi, pensent que la déification du marché est le symptôme d’un ’retour du religieux’. La pensée unique - le politiquement correct - au fond n’est ni de droite ni de gauche (voir les débats actuels sur la collusion dénoncée des partis majoritaires), ’a-religeuse’. La pensée unique est LIBERALE ! Et tout ce qui s’y oppose, est par définition antilibéral, iconoclaste, lèse-majesté.

    C’est pourquoi aucun de ces médias de l’establishment ne donne la parole à ces courants de pensée, c’est pourquoi des millions d’électeurs sont privés d’un porte parole qui les rassemblerait.


    • Paul Villach Paul Villach 27 mars 2007 12:15

      Votre commentaire est intéressant.

      Quand au principe qui fonde la relation d’information - « Nul être sain ne livre volontairement une information susceptible de lui nuire » - il se décline bien sûr en fonction des êtres et des situations. Vous pouvez préférer avouer une faute à votre interlocuteur parce que vous souhaitez garder sa confiance pour l’avenir, quitte à subir ses foudres au présent.

      Mais je crois que ce principe est vraiment le fondement de « la relation d’information », expression que je préfère car on ne sait plus ce qu’il faut entendre par « communication » depuis que les publicitaire s’en sont emparé.

      On prête à Churchill cet aphorisme qui est une transcription de ce principe : « En temps de guerre, la vérité est si précieuse qu’elle devrait toujours être protégée par un rempart de mensonges ». Seuls les mots « vérité » et « mensonges » sont impropres, en raison de leur résonnance morale. D’ailleurs, Churchill le montre : le mot « mensonge », chargé négativement, a ici une fonction positive. Il doit donc être remplacé par « leurre ». Cordialement, Paul VILLACH


    • JL (---.---.73.200) 27 mars 2007 13:00

      D’accord avec cette réponse sur ma première remarque.

      J’ai écrit : «  »la déification du marché est le symptôme d’un ’retour du religieux’«  ».

      Pour me faire bien comprendre, j’aurais du dire :

      «  »La déification du marché est le symptôme d’un ’retour du religieux’ dans les démocraties occidentales".


    • L'enfoiré L’enfoiré 27 mars 2007 22:50

      @Jl, J’ai lu ton commentaire et la réponse de l’auteur et pourtant je reviens sur ceci :

      «  » (...) nul être sain ne livre volontairement une information susceptible de lui nuire«  »

      >>> Je pense que c’est faux et je le prouve. J’associe mon idée au dicton « Qui aime bien, châtie bien » ou « qui joue dans l’autre camp peut apprendre beaucoup ».

      Je suis un européen convaincu et j’ai écrit ici un article qui s’intitulait : « En manque d’europlanisme » dans lequel j’ai rassemblé une série de critiques assez acerbes. D’autres articles que l’on pourrait dire « altruistes » et contraire à mon opinion interne, sont tombés sous ma plume. Je ne suis pas mazo. Ce n’était pour démolir mon moi mais pour faire réfléchir et prêcher le vrai par le faux. Cela permets de rassurer l’adversaire et lui faire croire que je suis dans son camp pour lui donner confiance. Une technique ?


    • JL (---.---.73.200) 28 mars 2007 09:49

      à l’enfoiré : oui, une technique probablement payante en face d’un psychopathe avéré. Je ne crois pas que cela soit sain avec des interlocuteurs a priori ouverts à la discussion.

      Dans les autres cas, cela relève sans doute des stratégies de communication ou de négociation, que j’ignore. smiley

      La deuxième partie de mon commentaire voulait soulever davantage de problèmes, et l’article d’ici me paraissait en fournir une bonne occasion.

      Cette dualité ’information / mensonge’ est évoquée actuellement sur un autre fil au sujet des attentats du 11/9 sous l’aspect ’version officielle / révisionnisme’.


    • Paul Villach Paul Villach 28 mars 2007 10:21

      Pardonnez-moi, mais, quoi que vous en disiez, vous confirmez ce principe fondamental de la relation d’information : « Nul être sain ne livre volontairement une information susceptible de lui nuire ».

      Comme vous le dites si bien, le leurre que vous employez pour convaincre - précher le faux pour avoir le vrai, ce qui se nomme une provocation - , ne vise pas à vous nuire, bien au contraire, mais à provoquer la vulnérabilité de l’adversaire et à justifier le bien-fondé de vos thèses...

      Ce principe se décline selon tous les stratégies que vous voudrez, de la plus grossière jusqu’à la plus subtile. Paul VILLACH


    • JL (---.---.73.200) 29 mars 2007 10:19

      En 4ème de couverture de son livre ’Big Mother’ (dépot légal janvier 2005), M. Schneider a écrit : « La France est malade de sa politique comme certains enfants de leur mère : dirigeants n’osant plus diriger, citoyens infantilisés attendant tout de l’état … ».

      Je cite cet ouvrage, d’une part parce que l’auteur a été reçu il y a peu à la radio (FI ou FC ?), d’autre part, parce que j’en conteste les thèses, enfin et surtout parce que cette citation introduit malgré son auteur, un aspect de la question qui nous préoccupe ici.

      Freud (ou un autre ?) a dit, je résume de mémoire : « l’activité séductrice de la mère est aliénante, sature entièrement le désir de l’enfant ».

      Avant Internet les média traditionnels occupaient entièrement l’espace de l’information, et déployaient une activité séductrice évidente, en collusion avec le pouvoir. On a même dit qu’un journal d’information télévisé (le ’20 heures’) était structuré comme une dramatique. Qui sait aujourd’hui ce qu’est une dramatique, tant ce genre s’est banalisé dans la logorrhée ’comique’ médiatique, pas comique du tout hélas.

      Par le fait que les grands média saturent entièrement notre désir d’information, ils pratiquent effectivement une sorte de désinformation. Et nous infantilisent.


    • JL (---.---.73.200) 30 mars 2007 13:31

      Un excellent exercice d’école nous est fourni par l’actualité.

      La première version médiatisée du nouveau ministre de l’Intérieur des événements récents de la gare du Nord présentait le fameux voyageur sans billet, comme un multirécidiviste dont on pouvait se demander ce qu’il faisait encore hors prison.

      La nouvelle version le présente comme quelqu’un de beaucoup plus fréquentable.

      La pratique du mensonge est un exercice périlleux pour les novices. François Barouin nous le démontre à ses dépens.


    • L'enfoiré L’enfoiré 28 mars 2007 10:02

      @Demian,

      J’aurai un jour un article sur ce mot « à la mode ». Il est prêt mais il murit encore. smiley


    • Rocla (---.---.248.66) 27 mars 2007 13:32

      Monsieur Villach Paul ne manque pas de culot pour dire que ceci n’ est pas une pipe . smiley

      Rocla


      • Paul Villach Paul Villach 27 mars 2007 14:24

        Il faut vous y faire, cher Rocla ! Même les dés sont pipés ! Paul Villach


      • CAMBRONNE CAMBRONNE 28 mars 2007 19:44

        @ PAUL VILLACH

        Encore moi pour parler d’un sujet que je pense connaitre de façon professionnelle : La désinformation ;

        Je suis tout à fait d’accord avec vous sur la définition du terme et aussi qu’il faut éviter de mélanger une mauvaise information voire une désorientation avec la DESINFORMATION qui est une arme de guerre OU DU MOINS DE DOMINATION .

        Vladimir Volkof que j’ai eu l’honneur de rencontrer et dont j’ai lu à peu prés tous les bouquins est une encyclopédie de la désinformation .Et la lecture de ses livres montre que LA MEILLEURE DESINFORMATION PASSE PAR LA PRESSE . Il est mort avant qu’internet ait atteint son développement actuel .

        C’est pourquoi il est de plus en plus coton de démeller le vrai du faux et les discussions sur le « Nine eleven » n’ont pas fini de faire couler de l’encre sans amener beaucoup de lumière car qui manipule qui ?

        Le grand art de la désinformation par voie de presse consiste à faire sortir une information par un organe de presse non soupçonnable d’être votre partisan . Le KGB faisait cela trés bien avec des journaux indiens ou sud africains . Cela circulait un peu et était repris de façon neutre par les grands organes d’informations et une fois bien mures de vagues rumeurs étaient considérées comme la Bible .

        Tous les services de renseignements de tous les pays ont des spécialistes de la désinformation qui soit écrivent directement dans des journaux soit ont des correspondants soit sont sur le net . A ce propos AGORAVOX ne saurait être immunisé contre ce virus là . Notre AGORAVOX est un excellent vecteur de désinformation dans la mesure où il est trés facile d’écrire une info que l’on est allé pécher un peu n’importe où et à force de circuler elle devient vérité vraie .

        L’anonymat est de plus un excellent masque .

        Pour limiter la portée de mes propos je dirais que l’on trouve surtout en ce moment de la propagande qui est aussi une arme de services spéciaux plutot que de la désinformation au, sens strict du terme .

        Un autre sujet mériterait toute notre attention : Les agents d’influence .

        En conclusion je pense que si la désinformation ne doit pas être confondue avec de la mauvaise information ou de la désorientation elle existe et continuera à exister tant que l’information permettra de modeler les esprits comme l’histoire le fait .A ce sujet relire la révolution française de Michelet est un vrai régal .

        Vive la république quand même .


        • Paul Villach Paul Villach 28 mars 2007 19:53

          Merci, cher Cambronne, pour ces observations pertinentes. Mais voyez, ce sujet si important n’a pas passionné les lecteurs d’AGORAVOX qui se jettent au contraire sur mon article « Belleville et Gare du Nord : des provocations délibérées », sans s’intéresser à l’hypothèse d’une stratégie de la peur que je développe et qui pourtant prend tout son sens quand on connaît l’article sur la désinformation : on pourrait y voir une application pratique. Dur, dur ! Paul Villach


        • CAMBRONNE CAMBRONNE 28 mars 2007 23:29

          CET article est beaucoup, plus interressant mais comme vous dites il attire moins .

          Demain matin je vous parlerai des agents d’influence .

          Bonne nuit

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