La presse : en liberté surveillée ?
Trop de déclarations d’amour, trop de sollicitudes, trop d’observations de ce qu’elle peut écrire et faire, par de jeunes prodiges font peser une menace constante sur la liberté véritable de la presse.
Par Bertrand C. Bellaigue
En février dernier une affaire d’Etat a secoué les milieux gouvernementaux de la capitale. Un hebdomadaire, Le Nouvel Observateur venait de publier une information de type sensationnel concernant la vie privée du président de la République dont le prochain mariage venait d’être annoncé. Ce dernier avait introduit contre lui, une instance en justice « pour faux et usage de faux ». Mais tout vient de se terminer à peu près bien le 19 mars quand un éditorial publié dans Le Monde de Paris, intitulé « Halte à la calomnie ! » et attribué à Mme « Carla Bruni-Sarkozy, auteur-compositeur-interprète, épouse du président de la République ». Dans ce texte il était annoncé que le président avait décidé d’abandonner ses poursuites, avant de traiter de l’éthique nécessaire et des dangers dans le journalisme qui manque de rigueur dans l’information. : « Car, y affirmait-on, si, désormais, la rumeur sert d’information, si les fantasmes servent de scoops, où allons-nous ? Si les grands journaux cessent de faire le tri entre les ragots et les faits, qui le fera ? »
De tout temps, quelles que fussent les circonstances, les gouvernements ont redouté les informations diffusées par les médias et les réactions de ces derniers à l’égard de leur politique et les médias l’immixion du pouvoir dans leurs affaires.
En France, il est de coutume de reconnaître Théophraste Renaudot, présenté par les plus respectables institutions professionnelles comme le créateur du premier journal français La Gazette de France (1631). Mais, en fait, à y regarder de plus près, cet antique confrère n’a été qu’un propagandiste financé par le père Joseph, éminence grise du cardinal de Richelieu, au nom du roi Louis XIII.
Ce type de presse-là fut toujours de tout repos pour le souverain.
On a également constaté depuis, à travers le monde, que moins un gouvernement respectait les impératifs de la démocratie, plus il imposait son contrôle aux médias, qualifiés d’empêcheurs de danser en rond.
De nos jours, l’idée même - grâce à internet - que les citoyens vont pouvoir, en toute liberté, croient-ils, échanger, répandre leurs idées et leurs réflexions à travers le monde est devenue proprement insupportable à de nombreux hommes politiques.
Ceux-ci se croyaient investis du pouvoir suprême d’imposer aux peuples leur façon de concevoir la société et le monde. L’expression « politiquement correct » s’est même imposée un moment. Mais il avait été, quelques années auparavant, une époque où les machines à polycopier étaient interdites. Leur possession clandestine pouvait conduire directement en prison ou pire.
Aujourd’hui, une technologie révolutionnaire venue des Etats-Unis leur apporte un démenti cinglant.
Or, cette liberté est actuellement menacée par des mesures qui finalement adoptées, frapperaient durement, assure-t-on, les contrevenants.
Quand le président François Mitterrand avait décidé de faire établir des écoutes téléphoniques pour protéger des secrets familiaux et peut-être aussi contrôler les menées subversives dans le pays, la France presque tout entière et la presse d’opposition ont hurlé et crié au viol de l’intimité des citoyens.
Les années, les présidents se sont succédé dans le palais de l’Elysée. Les progrès de la télématique ont été stupéfiants. De telle sorte, annonce-t-on aujourd’hui, qu’un système de surveillance des activités au sein d’internet peut être aisément établi. C’est ainsi qu’un diplômé de 24 ans va être chargé de ratisser dans le net tout ce qui serait de nature à mettre en cause les plus hautes sphères de l’Etat.
Il devrait être capable de surprendre « en flagrant délit » de tels échanges sur internet. Il risque de ne plus exister aucun « pare-feu » pour dissuader un gouvernement et ses sbires - quels qu’ils soient et quelle que soit l’époque - d’aller fouiller, à leur insu, dans la vie privée et les ordinateurs de millions de Français. On sait que cela est parfaitement possible grâce à « l’IP », numéro matricule dont est affecté chaque ordinateur et chaque liaison.
Se refusant à croire à une telle perspective de contrôle d’un « Big Brother » au nom de la morale professionnelle - mais n’étant pas sûr de l’avenir -, on attend maintenant un démenti et un engagement ferme des plus hautes instances de l’Etat, garantissant aux citoyens que jamais dans ce domaine, - dans le respect de la Constitution -, la liberté d’expression et d’information ne sera violée.
© Bertrand C. Bellaigue
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