Le cas Stéphane Guillon
Certes c’est souvent méchant, insolent, débridé et excessif mais curieusement ça ne suffit quand même pas à me faire marrer, il manque quelque chose dont j’ai besoin, un je ne sais quoi, l’absurdité peut-être. Je ne parle même pas de ses railleries récurrentes sur le physique des gens qu’il entend pourfendre et qui sont d’un niveau que je croyais ne plus avoir à entendre depuis ma sortie triomphale des classes de l’école primaire.
Mais le cas Guillon est quand même intéressant.
On sait que la situation radiophonique du bonhomme est en péril notamment depuis l’arrivée de l’ancien patron de Charlie hebdo sur France Inter, Philippe Val. Ce dernier personnage est lui vraiment pitoyable, de ces types qui sans foi ni loi sont prêts à tout pour arriver, comme par exemple attaquer Siné sur le terrain de l’antisémitisme pour l’écarter de Charlie, qu’on aime ou pas Siné on ne peut au regard de son parcours que reconnaître et admirer sa constance dans l’expression libertaire et la provocation anti cléricale. Bref, passons sur Val qui ne mérite même pas l’effort musculaire de mes doigts à taper les 3 lettres de son nom sur mon clavier.
Selon certaines sources qu’on peut trouver ça et là sur le Net, le nanoprésident de la république aurait confié entre autres à Val la mission de dégommer Guillon des ondes matinales à la fin de cette saison.
Mais le problème aujourd’hui pour écarter Guillon c’est qu’il est soutenu non pas seulement par des gens qui trouvent qu’il réussit dans sa fonction d’humoriste mais également par ceux qui entendent de sa bouche, sur une station de radio nationale des propos virulents et parfois outranciers à l’encontre de diverses personnalités de la « majorité » présidentielle.
Guillon en rajoute ainsi à l’excès et ce n’est pas un hasard. Plus il va loin, plus il est sulfureux, plus il semble jouer avec le feu et être courageux et plus son bouclier protecteur se trouve renforcé, au point qu’un congédiement apparaîtrait aujourd’hui comme un acte politique à l’encontre de la liberté d’expression.
Guillon réussit donc le paradoxe assez exceptionnel de se sécuriser par ses « mises en danger » en faisant de la détestation du pouvoir en place à son encontre une argument publicitaire (cf par exemple les affiches de ses spectacles où il cite les propos de NS et d’autres à son encontre ) et reléguant ainsi au second plan la question de son talent réel et de son efficacité humoristique.
Peut-être Guillon bénéficie-t-il aussi de quelque chose d’encore moins glorieux : la lâcheté ordinaire et la soumission du bon peuple, qui n’a plus les moyens d’exprimer sa révolte puisqu’il en refuse les modalités.
Le cadre d’expression étroit laissé par les consensus mous obligés de la vie en société actuelle est devenu autant une prison qu’une protection car la vraie liberté fait peur. La violence est désavouée par tous, et on aurait du mal à en justifier une aujourd’hui, l’anéantissement du pouvoir fait peur, car il évoque un « désordre », l’entropie naturelle d’une vie libre sur terre étant plus redouté que l’ordre obtenu d’autorité voire même d’oppression.
Dans ces conditions Stéphane Guillon fait figure de Rambo intrépide dans la jungle sarkozienne, d’exutoire salutaire aux contestations ravalées et de soin palliatif aux frustrations ordinaires.
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