Le club des geôliers du Net s’agrandit
Reporters sans frontières dénonce la complicité des entreprises privées dans l’élargissement de la zone mondiale de cybercensure et d’emprisonnement pour cyberdissidence. Alors que seuls la Chine, le Vietnam et les Maldives détenaient des cyberdissidents en 2003, depuis lors, le groupe des geôliers du Net a été rejoint par plusieurs États dont l’Iran, la Libye, la Syrie, la Tunisie...
La Tunisie ? Le pays hôte du dernier Sommet mondial sur la société de l’information maintient en prison un avocat, depuis mars 2005, simplement pour « avoir critiqué, dans un bulletin électronique, la corruption du gouvernement », dénonce RSF.
En Iran, une vingtaine de blogueurs et de cyberjournalistes ont été écroués depuis septembre 2004. En Lybie, un blogueur a appris à ses dépens qu’il n’était pas bon de se moquer du président Khadafi.
Non seulement tous ces États surveillent ce que leurs citoyens écrivent sur le Net, mais encore ils parviennent à des degrés élevés d’expertise en matière de contrôle du réseau.
Après le commerce des armes, qui permet à des États qui feraient mieux de consacrer leurs budgets nationaux à d’autres priorités, et à des factions rivales de s’entretuer joyeusement un peu partout sur la planète, voilà que le commerce des technologies de surveillance, le plus souvent le fait d’entreprises américaines, permet aux États despotiques d’endiguer, voire de tarir cet espace prometteur de liberté qu’est l’avènement d’Internet.
Parmi les entreprises complices figurent la société Secure Computing qui a fourni au gouvernement tunisien la suite logicielle SmartFilter (la même qu’utilise l’Iran, illégalement selon Secure Computing) et, surtout, Cisco Systems, à qui la Chine a confié la mise sur pied de son infrastructure Internet. Cisco fournit même à la Chine des équipements faits sur mesure pour la police, écrit RSF.
Sur son blog, Rebecca MacKinnon du Berkman Center for Internet & Society à la Harvard Law School écrivait en juin 2005 : « It’s important to consider the way in which US technology is being used to stifle free speech in China - and the extent to which US companies are responsible for this usage. This includes not only Microsoft, but also Cisco Systems and others. » (Confirmed : All Typepad blogs blocked in China)
Toute cette question du degré de complicité d’entreprises privées, prospères grâce à Internet et aux besoins croissants de surveillance électronique, avec les États qui surveillent et censurent le Net (Outre Secure Computing et Cisco System, la liste comprend Yahoo, Google, Microsoft, la canadienne Nortel...) est au coeur d’une vive polémique sur leur degré de responsabilité.
Déjà en 2001, Greg Walton du Centre international des droits de la personne et du développment (depuis lors devenu Droits et démocratie) écrivait, dans China’s Golden Shield : « In a world where the rules of international trade are unconnected to international human rights law, technology’s promise of democratization is threatened by economic priorities. »
Walton révélait alors les dessous d’échanges commerciaux, avec la complicité du gouvernement canadien, de technologies de surveillance électronique que recherchait la Chine pour édifier un Internet sous haute surveillance.
Le rapport annuel de RSF sur la liberté de presse confirme malheureusement la tendance à donner priorité aux échanges commerciaux, au détriment des libertés individuelles.
Voir aussi la section du site de RSF sur Internet.
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