Le Festival Immédiat dans son organisation. Le «
Centre Media Local » qui organise cet évènement, a voulu dans la conception de ce festival être d’abord dans la symbolique contemporaine. Aussi, une partie des festivités aura lieu au Théâtre de Verre à Paris et verra son alter égo se dérouler à Saint Denis, permettant un trait d’union culturel entre Paris et sa banlieue. Pour souligner cette volonté de désenclaver la zone périurbaine, les concepteurs ont trouvé une ribambelle d’artistes de rues et de vidéastes qui feront le parcours entre les deux pôles de projections et d’activités, dans l’idée de montrer que la culture peut faire le liant que la politique n’arrive pas forcément à concrétiser.
Alors qu’un jury composé de vidéastes, de journalistes, de personnes passionnées par « l’Agora-vidéo » devra sélectionner les productions les plus originales, le
Festival Immédiat permettra à chacun de découvrir des œuvres courtes, populaires et souvent permettant de découvrir la vie de l’autre, l’engagement d’autrui. Au-delà de cette perception de ce festival, on peut considérer qu’il y a une forme de prise de conscience qui peut faire déclic au travers des visionnages. En effet, dans le déballage fragmentaire de ces « OFNI, objet filmiques non identifiés », on pourra connaître au plus prêt la vie d’un quartier, dans sa réalité, dans son quotidien, dans son émotion et dans sa naïveté… au plus prêt de l’habitant, de l’acteur « Embedded » dans les tribulations d’une rue ou d’un arrondissement. On sera loin d’un journal télévisé qui aura été coupé par les désirs d’un rédacteur en chef affilié à un parti dominant comme c’est de plus en plus fréquent. Les OFNI d’une dizaine de minutes permettront d’aller au cœur d’une action et sans élagage. On pourra donc sentir l’angoisse, la peur, l’amour. On redécouvrira une fraternité citoyenne montrant l’universalisme des sentiments de chacun…
L’engagement citoyen filmé sur la durée. La Maison de Quartier « La plaine Saint Denis » poursuit un labeur filmographique depuis plus d’un an pour venir projeter les instants de vie qu’on ne verra « Nulle par ailleurs ». En résonnance avec cet investissement de cinéastes dont les acteurs sont partout, le théâtre de Verre préparera donc les installations vidéos, des projections, des forums et mêmes des soirées plus endiablées avec des groupes musicaux lointains pour permettre une découverte plus en phase avec ces habitants qui auront été les héros du quotidien de ces vidéos.
Tout cela permettra donc de continuer la semaine une compétition axée sur des films axés l’Economie Sociale et solidaire et une autre focalisé sur des films de « citoyens reporter ». En phase avec ces options filmiques, des invités de marques seront reçus par les organisateurs. Ce sont des TV locales de Santiago du Chili très en pointe avec cette notion d’Agora-vidéo. Ainsi,
Señal 3 montrera en inédit des pans entiers de la vie d’un bidonville. Rappelons que ce média était né d’une constatation citoyenne révélant le peu d’intérêts des médias nationaux pour la vie des « habitants » rarement consultés et souvent stigmatisés. Ce média a aussi reçu toute l’influence de la résistance à Pinochet qui fut menée par les bidonvilles les plus sensibilisés à une culture alternative et citoyenne.
Un festival pour tous les gouts. Souvent lorsqu’on croise des festivaliers, on sent l’uniformité des gens qui sont venus s’asseoir pour visionner soit des films d’épouvantes, soit des films très classieux comme on peut célébrer les avènements annuels à Cannes ou à Venise. Dans ce festival immédiat, l’origine éclectique, l’aspect fragmenté des films conduira à un parcours qui permettra à chacun de s’y retrouver.
Ainsi, il est probable que certains puissent retrouver quelques videos des années 30, produites dans le même esprit par Medvekine, Gosvoenkino et Mikhail Guindie. Ces derniers s’étaient lancé dans un train qui traversa l’URSS faisant tout sur leur passage, video, montage, production et diffusion… L’histoire d’un peuple d’un bout à l’autre de l’URSS avec les vies d’ouvriers et des kolkhozes.
Plus proche en distance, la vague « Newsreel » qui elle fut menée aux USA dans les années 60-70. Une focalisation sur la guerre du Vietnam, les protestations anti-guerre et ces nouvelles diffusées avant les projections de films plus Hollywoodiens.
Plus culturel, ce sont les premiers Godard (
groupe Dziga Vertov) qui crèveront l’écran… ceux qu’on connaît peu et qui furent produit lorsque le réalisateur était dans une phase de critique de la société et filmait encore en 16 mm… voulant sortir de la logique commerciale de distribution et faire du cinéma pour tous.
Plus militant, il sera aussi très intéressant de revoir la France d’en bas au travers de marche… celle pour l’égalité et contre le racisme en 1983, celle des chômeurs en 1993, celle des femmes en 2010…
En conclusion, un festival à la portée de tous. Loin de faire l’apologie d’un festival, je crois qu’il y a un point incontestable qui se joue autour de cette émergence de la video immédiate. Alors que tout le monde peut lancer un format video depuis son portable, le rapport de l’homme au quotidien a évolué profondément. Il peut être acteur, réalisateur et diffuseur du meilleur ou du pire dans une société qui tend à fonctionner par l’explosion de l’information virtuelle. Ce Festival Immédiat qui sera largement couvert par bon nombre de média traditionnels a le mérite de montrer au plus prêt le sens de l’engagement de chacun. Il y touche du doigt la « fraternité » que l’ambiance politique actuelle essaie de diviser par la haine de l’autre, la peur de l’autre. En toute sincérité, cet évènement est pleinement en phase avec ce qu’Agoravox peut construire depuis des années.