Le journalisme économique selon un chien de garde
Axel de Tarlé, porte-voix du MEDEF sur Europe 1 : manque de compétitivité, baisse du coût du travail, flexibilité et ragnagna et ragnagna …
Il y a quelques semaines, j’avais évoqué sur ce même site une courte émission d’Europe 1 au cours de laquelle Alexandre Adler avait expliqué aux auditeurs que la Chine n’était pas une dictature malgré l’absence d’élections libres mais que Hugo Chavez était un tyran bien qu’il soit élu et réélu lors d’élections libres. Pour Alexandre Adler, le critère de la dictature n’était pas l’absence d’élections libres et de séparation des pouvoirs mais le refus de l’ordre économique libéral.
http://www.agoravox.fr/actualites/medias/article/la-dictature-selon-un-chien-de-120390
Ce matin, toujours sur Europe 1, j’écoutais le « zoom éco » d’Axel de Tarlé qui débriefait l’émission « Des paroles et des actes » de la veille avec Jean-Marc Ayrault.
http://www.dailymotion.com/video/xtxf6n_la-tva-et-la-csg-ne-vont-pas-augmenter_news
Axel de Tarlé se désolait que le Premier Ministre ne se soit pas montré convainquant sur la question de la baisse des charges dans les entreprises alors que, selon le journaliste, « le coût du travail est une question clé » et d’enchainer, pour que tout le monde comprenne bien qu’il n’y a pas débat en la matière, en affirmant qu’une heure de travail en France (salaire + charges) coute 34 € alors qu’en Allemagne cette même heure coute 30 €.
Arrêtons-nous un moment sur cette affirmation qui démontre « évidemment » que la France a un gros problème de compétitivité. En cherchant un peu sur le net, on trouve de nombreuses sources sur la question et on se rend vite compte que les choses sont plus nuancées que ce que veut bien nous faire croire Axel de Tarlé. Je vous invite notamment à aller voir ces deux sources :
http://archives.lesechos.fr/archives/2012/LesEchos/21129-023-ECH.htm
On découvre que dans certains secteurs de l’industrie le coût (on devrait plutôt parler de prix) du travail en France est plus bas qu’en Allemagne et notamment dans l’industrie automobile … (Vous rappelez-vous de Carlos Ghosn et consorts se plaignant il y a quelques jours du fait le coût du travail était trop important en France …. A croire finalement que ce n’est pas l’ouvrier qui est trop payé mais la direction qui n’arrive pas à sortir des modèles qui séduisent la clientèle …) C’est essentiellement dans le secteur des services que le coût du travail est plus bas en Allemagne.
On apprend aussi que pour l’INSEE, l'indicateur important est le coût salarial unitaire qui mesure le coût moyen de la main d'œuvre par unité produite. En prenant en compte non seulement le salaire et les charges mais aussi la productivité des salariés, les performances françaises et allemandes dans l'industrie manufacturière sont comparables, avec une même tendance à la réduction, et des rythmes respectifs de -0,5% et de -0,7% par an. Autant dire que le coût du travail baisse en France et en Allemagne.
Voilà comment on commence une chronique radio en affirmant quelque chose qui est, au mieux très approximatif au pire franchement faux.
Voilà aussi comment on montre un pays (l’Allemagne) en exemple tout en oubliant le prix que paient ses habitants pour être aussi exemplaires : développement de la pauvreté, de la précarité …
http://www.nouvelle-europe.eu/l-allemagne-un-pays-o-les-pauvres-meurent-de-plus-en-plus-jeunes
Passons à la suite. Tarlé indique que Jean-Marc Ayrault a fait remarquer qu’il n’y avait pas que le coût de travail qui entrait en jeu mais aussi l’innovation et la recherche (Tient, Carlos, prend encore ça !). « Certes » concède le journaliste mais il écarte bien vite l’argument en disant que la baisse des charges se fera sentir immédiatement alors que l’innovation ce sera dans longtemps.
Remarquez bien que quand il s’agit de déshabiller le salarié pour habiller l’actionnaire c’est tout de suite et que quand il s’agit de réduire les dividendes en investissant dans la recherche et le développement c’est pour plus tard …
Axel de Tarlé se plaint ensuite que la baisse des charges annoncée ne soit pas réalisée demain en une seule fois (le fameux choc de compétitivité) mais par étapes dans le temps alors qu’il s’agit d’un « chantier primordial pour l’avenir de nos industries ».
Il enchaine en rappelant que pour le MEDEF, le coût du travail n’est pas le seul problème et qu’il ne faut pas oublier la flexibilité.
Pour résumer :
- Le coût du travail en France est trop élevé,
- Il faut baisser les charges tout de suite et fortement,
- Il faut plus de flexibilité.
Après avoir entendu cette chronique, tout auditeur moyen, c'est-à-dire n’ayant aucune connaissance dans le domaine économique et ne s’étant jamais penché sérieusement sur ces choses de toute façon trop compliquées, est convaincu du bien fondé de ces mesures si brillamment expliquées par un journaliste économique et donc digne de foi …
Si vous vous intéressez un peu à l’économie, vous aurez peut-être trouvé qu’Axel de Tarlé a une vision quelque peu « unilatérale » des choses et que Madame Laurence Parisot , patronne du MEDEF, n’aurait pas mieux dit. Et il est vrai que si on compare la chronique de Tarlé avec la position du MEDEF, on ne trouve guère de différence. Que dit le MEDEF au fait ? Demandons-le donc à notre journaliste. Dans une chronique précédente, consacrée au peu glorieux passage de Jean-Marc Ayrault à l’université d’été du MEDEF, on peut entendre Tarlé énumérer les revendications du patronat. Tient … C’est exactement les mesures défendus par le journaliste dans sa chronique d’aujourd’hui !
http://www.dailymotion.com/video/xt5jex_virage-a-180-degres_news?start=0
Comme Alexandre ADLER défendait au niveau international l’ordre économique néolibéral, Axel de Tarlé le défend au niveau français en relayant les positions du MEDEF tout en passant pour un journaliste parfaitement indépendant et donc digne de foi.
Axel de Tarlé fait bien partie de la « respectable » meute des chiens de garde nécessaire à « l’entretien » permanent de l’opinion publique.
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