Le journalisme Participatif : une nouveauté assez ancienne pratiquée par erreur.
Nous nous réclamons tous du "journalisme participatif", emblème du Web 2.0. Pourtant, que savons-nous de ce terme ? D’où vient-il ? Quel but a-t-il ?
L’histoire de la théorie générale du journalisme actif est intéressante. Parce que la société semble découvrir ce mode d’information alternatif, beaucoup en ont conclu que le phénomène était nouveau. Pourtant, cette pratique généralisée sur le Web est assez ancienne.
En quelques lignes, nous tenterons de revisiter les courants de pensée. Aussi, cet article invite un grand nombre des lecteurs à débattre, à s’exprimer.
Un article qui naît d’abord d’une étude personnelle sur le journalisme : ses critiques, ses évolutions envisagées. Le journalisme est un grand élément de mesure de la démocratie et doit représenter un libre accès à l’expression pluraliste. Différentes alternatives avaient été envisagées pour justement conforter ce métier de l’information dans son rôle premier.
Or, tout au long de mon travail de recherche, un deuxième aspect s’est imposé, celui du non respect des théories mères d’évolution, passées aux oubliettes. Aussi, un manque de connaissance sur les points forts de ces écrits entraîne une dérive importante : celle d’une mise à l’écart consentie.
La théorie générale du journalisme actif remonte aux années 1920. Tanni Haas, auteur de « the poursuit journalism » retrace l’histoire d’un courant de pensée hors de son temps. L’élément le plus marquant restera, selon lui, les débats par livres interposés entre le journaliste Walter Lippmann et le philosophe John Dewey. Une histoire qui commence par la rencontre des deux hommes dans les couloirs du journal « New Republic » où ils sont tous deux journalistes.
Walter Lippmann était déjà un journaliste, écrivain et commentateur politique très influent. Il travaillait en grande partie sur les manques et les problèmes de la Démocratie. Au fur et à mesure de ses travaux, il en vint à publier « Le public Fantôme », livre dans lequel il explore l’attitude du citoyen face à l’engagement politique. Il y décrit une tendance de plus en plus forte des Américains à se désengager du débat public et de la politique pour se contenter d’un simple rôle de spectateur.
John Dewey constate la même tendance. À ce moment, tous deux vont débattre, tenter de trouver une explication, puis une alternative. C’est dans cette discussion qu’émerge l’idée d’un journalisme médiateur : celui qui fera le lien entre la sphère civile et la sphère dirigeante, tout en intégrant le citoyen, afin de le rendre plus responsable, plus impliqué dans les choix de société.
Depuis, il y a eu Galtung, Gillmor, et bien d’autres. Ces auteurs qui, au fur et à mesure, ont divisé le journalisme en trois modes alternatifs :
- Le journalisme public. Il concerne les médias locaux en tant que médiateurs dans la politique locale. Un rôle dont le but est d’encourager la participation citoyenne lors de débats publics ou forums organisés par les collectivités. Activités qui, pour atteindre un niveau suffisant de participation, doivent avoir un écho dans la PQR.
- Le journalisme de paix. Il défend un certain traitement d’angle lors de la couverture de guerre ou de conflit. Les journalistes se contentant d’une simple dualité « oppresseurs » et « oppressés » doivent envisager un recul qui expliquerait les multiples facettes d’un conflit : histoire, géopolitique... Ce type d’étude apporterait une information tampon, une réflexion et une prévention.
- Le journalisme participatif. C’est celui que nous tentons de pratiquer. L’idée originale étant d’inclure le citoyen dans le processus de production de l’information. Proposer des sujets, participer aux débats de l’actualité ou exprimer des besoins de couverture de faits, voilà ce qui, pour plusieurs auteurs, pourrait réconcilier l’audience et les médias – fâchés depuis quelques années.
Concentrons-nous sur ce dernier point : celui du média participatif. On entend beaucoup de supports se réclamer de cette tendance, pourtant, il semble y avoir une confusion.
À l’origine, le journalisme participatif veut intégrer pleinement le citoyen dans le processus de production et de diffusion de l’information. Or, les supports web ne représentent pas les médias de masse. Ainsi, la plupart des participants se retrouvent en marge, obligés de commenter l’actualité sur des supports alternatifs. Ce type de participation ne concerne pas la presse, la radio et la télévision, elle ne modifie en rien les habitudes de ces médias et ne remet aucun modèle traditionnel en question.
Le citoyen peut participer au processus d’information, mais à l’écart. En fait, les structures participatives du web réduisent la collaboration entre sphère médiatique et sphère publique à une simple expression de besoin d’information.
On est donc bien loin des pensées établies il y a plusieurs années, bien loin d’un nouveau journalisme. La plupart des sites qui se réclament du « journalisme participatif » ne sont en fait qu’un mode parallèle de commentaire, une sorte de café du commerce où l’on discute, approuve ou désapprouve le travail des médias traditionnels.
Ainsi, pour exercer pleinement le journalisme participatif, il faut que le citoyen ait un accès direct aux médias de masse. Une utopie. Car internet a justement éloigné cette idée là, il a concentré le citoyen dans un « garde-fou » et il permet encore aux journalistes et aux médias traditionnels de pratiquer les mêmes modes d’information que l’on critique tant.
Pour un journalisme participatif efficace, investissez les médias de masse.
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