Le langage abusé
Comme si les mots n’avaient plus de valeurs, comme si la parole avait été usée, comme si les promesses non tenues avaient assommé le sens ? Marketing, publicités, politique, médias, télés continues et réalités discontinues. Enchères d’une très chère société de consommation ou tous les superlatifs sont utilisés et autorisés pour faire voir, croire, entendre ou vendre, montrer ou démonter. Capter l’attention, monter le son, exciter nos neurones ou nos sens. Le relatif a disparu, par trop fade et somnifère, le superlatif est là, omniprésent, tentant de réveiller les esprits abrutis par des écrans sans fins.
N’est-ce pas sensationnel, unique, exceptionnel ? Le peuple est en liesse aux abords des stades, des arènes et la foule en délire dans les rues capitales. La nuit n’existe plus, l’alcool se répand dans les bars bondés et les places débordantes. La joie inexprimable explose en tous sens, la mine est cernée mais comblée. Historique, hallucinant de mémoire d’homme ! Quand doit-on à nouveau célébrer les héros modernes ?
Viennent des drames, des pleurs comme des chutes niagaresques, des cris immenses, et puis la souffrance qui se montre, s’étale, se filme dans l’horreur absolue. Les barbares ou les traitres sont ici puis là ; le cauchemar revient, infamant, odieux, abject, traumatisme universel. Mais soyons sereins, bientôt, le plaisir va revenir, intense et gourmand de vie faisant vibrer nos âmes ou hérisser nos poils.
De l’émotion à s’en donner mal au cœur, du sensationnel, du plaisir extrême, de l’angoisse en barre, de la peur au ventre, de l’ultra flippant au maxi bonheur. De fait, le langage perd alors son sens et les mots sont perdus, sans profondeur ni portée. Le "je t’aime" s’est évanoui, l’adieu n’est plus qu'un au revoir, et notre conscience paisible s’en est allée dans la confusion répétée.
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