Les élections législatives au Cambodge vues par les sites internet de trois quotidiens français
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Le 25 juillet, Florence Compain pour Le Figaro dresse un portrait de l’homme fort du pouvoir cambodgien, Hun Sen. Elle revient notamment sur l’arrivée au pouvoir du Premier ministre actuel : "l’ancien petit commandant khmer rouge, qui s’était enfui en 1978 au Vietnam pour échapper aux purges qui déchiraient la dictature polpotiste, a su s’imposer au sommet à force d’intrigues, de coups de théâtre et de conspirations".
Francis Deron choisit le même angle le même jour dans Le Monde. Même constat quant aux méthode et caractère du maître du Cambodge : "Peu osent s’élever contre ses méthodes à l’occasion brutales, ou contre l’appropriation de biens publics par plusieurs de ses proches, dont son épouse, Bun Rany. Il s’est dit prêt à rester au pouvoir jusqu’à l’âge de 90 ans. Les scrutins, où népotisme, achat de voix et intimidation ont leur part, ne l’ont jamais désavoué. Son caractère colérique passe pour s’être accru avec les années, surtout face aux attaques personnelles".
La veille pour Libération, Arnaud Vaulerin axe son article autour du leader de l’opposition Sam Rainsy : "devant 300 personnes, le candidat de centre droit de 59 ans multiplie les promesses attrape-tout : « Quand on sera au pouvoir, Sam Rainsy vous rendra vos terres et vos droits. Et parce que je suis un spécialiste en économie, je ferai en sorte que tous les jeunes aient du travail. » L’ex-ministre des Finances (1993-1994), diplômé de Sciences-Po Paris, n’oublie pas que 80 % des moins de 30 ans sont au chômage".
Le journaliste du Monde publie toujours le 25 juillet un autre article sur l’ambiance général de ce scrutin. Il fait état du manque de démocratie autour de ces élections législatives, et dépeint la résignation des électeurs cambodgiens. "La formation postcommuniste domine le paysage depuis plus de deux décennies, sous la houlette implacable du Premier ministre, Hun Sen. La question est seulement de savoir si, à force de laminer ses opposants, réduits à une dizaine de petites formations désunies, M. Hun Sen, 56 ans, ne va pas se retrouver pour cinq ans de plus à la tête d’une chambre monocolore entérinant de façon trop visible le règne de facto d’un parti unique".
Deux articles encore de Francis Deron dans Le Monde le 26 juillet. Tout d’abord les conditions de construction du barrage d’irrigation de Komping Puoy : "l’’ouvrage de huit kilomètres de long a été construit vers 1977 par une population asservie sous la garde de militaires en armes obéissant à l’Angkar, "l’Organisation" - soit le Parti communiste dirigé par le khmer rouge Pol Pot". Au total, une dizaine de milliers de morts estimés pour la construction de ce seul barrage. Le second article est le portrait d’une vieille femme khmère de 80 ans, exilée en Thaïlande durant le régime des khmers rouges.
Le 26 juillet (veille du scrutin), Arnaud Vaulerin de Libération nous emmène à Pailin, à la frontière thaïlandaise. L’occasion pour lui aussi de revenir sur l’époque du régime de Pol Pot, Pailin étant le fief des khmers rouges. Pailin, ville-clé de trafics en tout genre. Mais la ville, aujourd’hui dirigée par Ee Chhean, se recycle et évolue : "ce sont surtout les casinos clinquants que l’on voit sortir de terre à quelques mètres de la frontière avec la Thaïlande. Ces machines à blanchir l’argent sale font tourner les affaires de la clique du richissime Chhean".
Ce lundi 28 juillet, lendemain des élections et de la victoire attendue du PPC, François Hauter pour Le Figaro s’emploie à faire une synthèse économique du Cambodge. Et rédige son article autour des problèmes économiques principaux du pays. La corruption : "tout est à vendre au Cambodge". La misère : "une main-d’œuvre taillable et corvéable à 56 dollars US par mois". La ruée vers la pierre : "les jeunes gens de la City débarquent donc de leur jet d’affaires à Sihanoukville et achètent des blocs de plusieurs kilomètres de sable fin" dans le Sud, mais aussi "les Sud-Coréens ne sont pas en reste : ils ont transformé Siem Reap, la ville d’Angkor, en Côte d’Azur pour les retraités de Séoul". Un espoir, le riz : "la flambée des cours du riz devrait avantager les paysans, qui vivent à 87 % de cette monoculture. D’autant que les superficies de terres exploitées sont celles de 1970, c’est-à-dire largement sous-développées (il y a 10 millions d’hectares inexploités au Cambodge)".
Pour Libération, Arnaud Vaulerin relate la victoire de Hun Sen qu’il qualifie de magicien en pointant le doigt sur le manque de démocratie : "Sam Rainsy a estimé hier soir que 200 000 de ses partisans étaient absents des listes alors que 100 000 personnes décédées ou ayant déménagé y demeuraient".
Dans Le Monde, Francis Deron revient également sur l’une des raisons de la victoire de Hun Sen : "le Premier ministre a surfé sur le sentiment national dans une crise frontalière avec la Thaïlande pour écraser une opposition morcelée".
Grâce aux envoyés spéciaux de Libération, du Monde et du Figaro, nous avons pu suivre à distance ces élections législatives au Cambodge. Très probablement un nombre de lecteurs très restreints pour ces articles. Probablement, un coût élevé pour réaliser ces enquêtes. Une rentabilité vraisemblablement inexistante. Cependant, les amoureux du Cambodge et du peuple khmer ne peuvent que remercier ces trois quotidiens. Les défenseurs du droit à l’information applaudir la qualité de ces papiers. Et si les unes et articles à foison sur les chaussures de Carla Bruni et les chansons d’amour de Nicolas Sarkozy permettent de financer ces informations passionnantes, alors, que les quotidiens continuent...
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