Les médiaticoligarchiques subventionnés par le mougeon
Notre système actuel ressemble à s’y méprendre à la Rome antique et son insatiable besoin d’extension qui déboucha, in fine, sur son autodestruction. Pour les politiques au service du Club, il ne s’agit pas de résoudre les problèmes insurmontables de notre temps, mais juste de ralentir le processus autodestructeur et de faire encore illusion. Le roi est nu et pour cacher sa nudité, la presse joue un rôle primordial : le quatrième pouvoir a été vassalisé par le Club.
La presse écrite
Avant la Première Guerre mondiale, la presse comptait plus de 300 quotidiens qui tiraient parfois à 2.5 millions d’exemplaires par jour ; aujourd’hui, c’est moins de 50 quotidiens qui appartiennent tous à des groupes de presse, eux-mêmes propriété de financiers internationaux et dont les ventes diminuent comme peau de chagrin. L’avènement d’Internet et des quotidiens gratuits (subventionnés par la publicité) a sonné le glas des journaux papiers : plus un seul quotidien n’est capable de trouver un équilibre financier ; cette presse ne survit que par de larges subventions de l’Etat. Par exemple, les chiffres catastrophiques de ventes du journal Libération de M. Rothschild (80 000 exemplaires par jour) reflètent parfaitement la situation : personne ne veut plus payer pour des journaux qui ne nous apprennent rien et se contentent de reprendre, à 95%, les dépêches de l’Agence France Presse (AFP). Comme dans toutes les entreprises privées, les effectifs des rédactions ont payé les restructurations au prix fort et un cercle vicieux s’est enclenché : plus d’argent pour le journalisme d’investigation, plus de vente donc plus de revenus publicitaires.
Dans son livre Arnaud Lagardère : l’insolent, le journaliste Thierry Gadault écrit : « C’est quoi l’indépendance en matière de presse ? Du pipeau. Avant de savoir s’ils sont indépendants, les journalistes feraient mieux de savoir si leur journal est pérenne. »
L’AFP, agence de presse très dépendante de l’Etat
Même si l’AFP n’est pas une entreprise publique, car disposant de capitaux propres, elle dépend fortement de l’Etat : 40% de ses revenus sont assurés par des abonnements d’organismes publics, son matériel et les réseaux informatiques ne lui appartiennent pas et son conseil d’administration est composé de 16 membres :
- 8 représentants des directeurs de journaux quotidiens
- 2 représentants du personnel de l’AFP élus à bulletins secrets
- 2 représentants de la radio et de la télévision française
- 3 représentants des services publics : le Premier ministre, le ministre de l’Économie, des finances et de l’industrie et le ministre des Affaires étrangères nommant chacun un représentant.
- son PDG, choisi par le conseil d’administration en dehors de ses membres, élu par au moins 12 voix sur 16, pour un mandat de 3 ans renouvelable.
L’AFP revendique 3700 collaborateurs à travers le monde dont la majorité ne sont que des pigistes, par conséquent, 95 % des informations traitées par les journaux français et des chaînes de rédactions ne dépendent que des assertions d’un journaliste trié sur le volet, ou d’une personne en free-lance.
L’AIL, au cours de ses multiples reportages, a recueilli de nombreux témoignages de personnes dépendantes de ces rédactions, nous informant qu’elles étaient submergées de brèves AFP si bien qu’il leur était impossible d’en traiter l’ensemble.
Les nombreux stagiaires, utilisés comme de vrais journalistes par l’AFP, provoquent parfois des situations ubuesques : tout le monde se souvient de l’annonce de la mort de Martin Bouygues en février 2015, relayée immédiatement par toutes les rédactions sans vérification. Plus grave encore, la manipulation de l’information avec l’épisode de la visite de Mahmoud Ahmadinejad au Venezuela en janvier 2012[1]. Ce scandale avait contraint l’AFP à retirer précipitamment la vidéo, sous la pression des internautes, sans jamais faire le moindre démenti, comme le prévoit la Charte du journalisme.
La presse audiovisuelle
En ce qui concerne l’audiovisuel, après la suppression du ministère de l’information, en 1974, par Valéry Giscard d’Esteing, on note un début de libéralisation des médias, même si l’État garde son monopole. C’est ainsi que des radios libres ou pirates ont commencé à émettre et, même si, en 1982, sous François Mitterrand, quelques-unes obtinrent le droit légal de diffuser leurs émissions, il fallait garder un certain contrôle. C’est ainsi que fût créé le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) en 1989 qui doit » garantir l’exercice de la liberté de communication audiovisuelle en France », dont le fonctionnement ressemble à s’y méprendre au ministère de l’information et qui bénéficie aujourd’hui d’un budget de 39 millions d’euros.
Autant dire que l’État s’est donné, en la matière, les moyens de contrôler les médias autorisés à coup de grasses subventions, si nécessaire et de censurer homéopathiquement ceux qui n’appartiennent pas au prêt à penser.
Les revenus de l’audiovisuel proviennent essentiellement de la publicité, mais il faut savoir que le droit de diffusion de chaque station radio et de chaque chaîne TV est délivré par le CSA. C’est le président de la République, en personne, qui nomme directement un nouveau président du CSA tous les six ans, quant à ses six conseillers, trois sont nommés par le président de l’Assemblée nationale Nationale et trois autres par le président du Sénat. En 2007, François Hollande, alors député, s’était plaint de la nomination de Michel Boyon à la présidence du CSA, par Jacques Chirac. « Cet organisme va être exclusivement composé d’hommes et de femmes nommés par la droite. Qui pourra croire que le pluralisme est respecté ? Je veux dire ici combien nous sommes inquiets, consternés par cette nomination » déplorait-il. Six ans plus tard, François Hollande en tirait toutes les conséquences en nommant Olivier Schrameck, ancien directeur de cabinet de Lionel Jospin à Matignon, à la tête de cette institution. Il est bien connu que les injustices, les escroqueries les plus flagrantes sont celles dont on ne profite pas.
Avec le lancement de la Télévision Numérique Terrestre (TNT) en 2005 et la création d’une dizaine de chaînes supplémentaires, les Français allaient enfin avoir accès à d’autres programmes. Espérance de très courte durée car les grands groupes ont rapidement compris le danger de ces nouveaux arrivants qui ont grignoté leurs parts de marché et donc leurs revenues publicitaires. Toutes ces nouvelles chaînes ont été rachetées : D8 et D17 par Canal+, W9 et 6ter par M6, TMC, NT1, HD1 par TF1. Terminée la diversité, place aux programmes de téléréalité made in USA. Il va de soi que les financiers, servis en crédits illimités par les banques centrales, peuvent s’offrir n’importe quoi à n’importe quel prix et le mettre sous la coupe de n’importe quel groupe audiovisuel à condition qu’il soit servile. Pour mémoire, Vincent Bolloré s’invite dans la censure de Canal+ quand on ose égratigner le vernis de ses pompes[2].
Quel avenir pour la presse et la télévision ?
Face à Internet, le secteur de la presse est en pleine effervescence et nous assisterons inéluctablement à des fusions-acquisitions. Déjà, l’homme d’affaires israélien, Patrick Drahi fait beaucoup parler de lui : depuis 2014, il a racheté les journaux Libération, L’Express, L’Expansion, le groupe NextRadioTV (RMC, BFM TV) après avoir créé la chaîne d’informations continue israélienne, i24news, et tout cela sans le moindre fond propre, mais avec 45 milliards d’euros de dette, gracieusement prêtée par on ne sait quelle banque, mais immanquablement, avec les billets de Monopoly, fraîchement imprimé par une banque centrale offshore ! À moins que Patrick Drahi, dont le nom apparaît dans le fameux dossier des panama papers, ne soit freiné, celui-ci ambitionne de passer l’ensemble de ses acquisitions sous la coupe de SFR afin de bâtir le premier opérateur français mêlant télécoms et médias.
Autre personnalité qui revient souvent à la une, c’est Xavier Niel, connu pour avoir cassé le marché de l’Internet avec Free et qui déclarait en 2011 : « Quand les journaux m’emmerdent, je prends une participation dans leur canard et ensuite ils me foutent la paix ». Peut-être qu’en tant que nouveau riche, il n’avait pas encore assimilé ce lieu commun depuis l’avènement de la IIIe République. Voilà certainement ce qui l’a décidé à s’acquitter du journal Le Monde en juin 2010, en compagnie de Pierre Bergé et Matthieu Pigasse.
Ces personnages seront les grands acteurs de demain dans l’inévitable convergence TV/Internet.
Sur Internet, on a tout et n’importe quoi, mais au moins on a tout, alors que la télé, ce n’est que du n’importe quoi !
Jadis utilisé pour le divertissement ou pour échanger des fichiers, Internet s’est largement diversifié grâce aux améliorations technologiques ; cet outil nous offre désormais des moyens presque illimités dans l’échange rapide d’information ou comme médiathèque planétaire. En France, sur 66 millions de personnes, 83% sont internautes. 42% sont inscrits sur Facebook, soit 28 millions de membres. 72 millions de téléphones sont activés. Les Français passent en moyenne 4h07 devant leur ordinateur sur Internet chaque jour et les mobinautes y passent 58 minutes. 68% de la population est inscrite sur les réseaux sociaux. 1h29 sont consacrés chaque jour à la consultation des réseaux sociaux. Tous les acteurs de la presse écrite ou audiovisuelle l’ont compris : demain, tout se passera sur Internet.
Encore hors de contrôle de nos politiques (même si ceux-ci font tout pour mettre la main dessus pour des raisons évidentes de sécurité post-attentats), Internet est devenu un véritable défouloir pour certains se croyant en sécurité derrière leur écran et caché derrière une adresse IP. Cet espace infini a très rapidement été investi par divers blogs d’informations avant un réveil tardif des médias traditionnels. L’impact de ces milliers de blog a longtemps été ignoré, voir mésestimé, mais aujourd’hui, devant la défiance des internautes envers le système politique et médiatique, la contre-attaque est ultra violente : en 2014, l’Union européenne a donné le coup d’envoi de cette riposte en octroyant de larges crédits pour contrer l’euroscepticisme grandissant sur la toile. Il faut dire que l’histoire de la création de l’Union Européenne nous a réservé de joyeuses surprises.
Déjà en France en 2008, le ministère de l’Éducation Nationale de Xavier Darcos avait publié un appel d’offre commun avec le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche de Valérie Pécresse, d’une valeur totale de 220 000 euros par an. L’objectif affiché était l’identification des sources d’information et des lieux de débats, sur Internet, qui pouvaient constituer un « risque opinion » et provoquer des crises impliquant les ministères[3].
Aujourd’hui, c’est une armée de trolls qui a envahi la toile, s’en font les grands inquisiteurs avec des moyens financiers dont certains s’imaginent encore que leurs auteurs agissent par pur altruisme, comme Street Press sponsorisé par la Street Scholl du très altruiste George Soros[4].
Chaque homme politique qui se doit aujourd’hui de communiquer par la toile, possède désormais son compte tweeter dont quelques messages sont parfois de véritables perles, à garder pour la postérité.
Tous les médias possèdent désormais un site internet ultra fonctionnel qui prend inéluctablement le pas sur le papier, mais surtout, ils ont mis à disposition des blogs pour permettre à tout un chacun de rédiger son propre article sur le sujet de son choix. C’est précisément le reproche que tous les sites et blogs non consensuels ont essuyés : l’absence de journalistes professionnels. Nous avons donc d’un côté les blogs internet méprisés et rapidement qualifiés d’extrême droite/fasciste/conspirationniste et de l’autre nos gentils « médias citoyens ».
La liste de ces médias non autorisés est dressée par le directeur de publication de l’Express : Christophe Barbier. Celui-là même qui déclarait en janvier 2014 : « Ça se régule, aussi, Internet. Entre nous, les Chinois, ils y arrivent bien. Si les dictatures y arrivent, il faut que les démocraties fassent l’effort, aussi, de faire respecter la loi sur Internet, sinon, ce sera dictature ou dictature. »
Dernière trouvaille pour reprendre le contrôle des esprits déviants, la mise en place d’émissions diffusés exclusivement sur la toile, censés reprendre les grands sujets sociétaux de l’heure présente. À l’inverse des émissions poubelles de début de soirée, on a offert une nouvelle forme de culture pernicieuse. Aux frais des contribuables, une émission comme DataGueule a bénéficié de moyens techniques professionnels en essayant de se faire passer pour des trublions amateurs mais, très bien informés. DataGueule dénonce des lieux communs pour se faire une caution morale et discrètement s’attaque à toutes les « déviances » complotistes et conspirationnistes. Pour clore sur cette émission, il demeure étrange que DataGueule n’approfondit jamais les sujets qu’ils prétendent dénoncer, serait-ce par peur de déplaire à leurs maîtres. Le piège fonctionne malheureusement parfaitement car leur chaîne Youtube compte 215 000 abonnées et leur websérie a été vue plus de 15 000 000 de fois.
Les médias oligarchiques, terrorisés à l’idée de perdre la main sur les esprits, tentent de les frapper. Malheureusement, comme il ne reste plus que des chiens de Pavlov, les moyens financiers mis en œuvre, qu’ils soient colossaux et/ou discrets, ne peuvent frapper que trois sortes d’esprits, comme se plaisait à le dire Machiavel : « Il y a trois sortes d’esprit. Les uns entendent par eux-mêmes ; les autres comprennent tout ce qu’on leur montre ; et quelques uns n’entendent, ni par eux, ni par autrui. Les premiers sont excellents, les seconds sont bons, et les derniers inutiles ».
David Bonapartian et Denissto
[1] https://youtu.be/i0v2c_5DQiA
[2] voir Lettre AIL n°5.
[3] http://www.lesmotsontunsens.com/files/ccp57-aoo-veille-opinion.doc
[4] http://www.ojim.fr/streetpress-site-vitrine-mais-entreprise-reelle-de-formatage-ideologique/
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