Lettre ouverte à Michel Denisot
Une fois de plus, le sujet des "Indignés" a été traité de façon plus qu'approximative... L'objet de cette tribune est de recadrer le débat ayant eu lieu sur le plateau du Grand Journal.

Cher Michel Denisot,
Je ne regarde plus la télévision depuis quelques temps déjà, mais j’ai reçu un message offusqué me demandant de m’intéresser à la partie de votre émission « Le Grand Journal » consacrée au mouvement des Indignés et à Stéphane Hessel. A vrai dire, j’ai été plutôt surpris par votre entrée en matière.
http://www.canalplus.fr/c-divertissement/pid3349-c-le-grand-journal.html (Partie 2, 5’00)
En montrant le nombre d’éditions du petit livre d’Hessel à travers le monde, vous affirmez qu’il a eu « une influence sur les mouvement d’indignation ». Mais quelle relation de cause à effet pouvez-vous démontrer ? A vous entendre, Hessel se serait comme muni de la seringue hypodermique de Tchakhotine pour répandre son idéologie aux quatre coins du monde. Thèse pour le moins fantaisiste ou en tout cas, non démontrée par une quelconque enquête ou donnée empirique.
Par contre, ce qui est démontré empiriquement, et ce qui se trouve sous vos yeux, ce sont les conséquences désastreuses du système actuel, et les mouvements citoyens qui sont en train de naître à votre porte.
Car vous semblez vous étonner : « Il n’y a que les français qui ne sont pas Indignés ? », comme si vous ne saviez pas que pendant plusieurs mois, des Assemblées populaires, des actions ont été menées par des citoyens dans de nombreuses villes du territoire… Des initiatives castrées par des opérations de police souvent illégitimes et d’une violence disproportionnée au regard de l’aspect pacifique du mouvement, ainsi que par la violence symbolique des media, qui jusqu’à présent, ont (quand ils ont daigné s’intéresser à ceux souhaitaient un débat démocratique) mal compris, méprisé, et même désinformé au sujet des Indignados.
D’autant plus qu’entre le 17 et le 21 septembre, vous n’êtes pas sans savoir que les marches venant d’Espagne et de France ont fait étape à Paris, ont mené une grande (suffisante pour attirer les caméras de télévision et les radios en tout cas) manifestation le samedi, avant d’entamer un séjour ponctué par le harcèlement des forces policières qui leur ont même interdit l’accès à l’abris qu’ils avaient obtenu sur autorisation (à Champigny) provoquant la colère d’Evelyne Perrin. Mais ceci n’était rien comparé au déchainement de violence sans fondement du lundi 19 septembre sur le boulevard Saint Germain qui a été couvert par LCI de façon désastreuse (voir mon article ici : http://www.agoravox.fr/actualites/medias/article/lci-pris-en-flagrant-delit-de-101209) ou bien les arrestations qui ont eu lieu place de la Bourse le mercredi 21, là encore sur des motifs motivés par des décisions obscures, qui ont conduit onze des marcheurs à être gardés à vue, avant d’être remis en liberté dans l’attente de leur procès qui aura lieu le 31 octobre prochain. Pour quelle raison ? « Dégradation » d’un véhicule de police, comprendre qu’ici, une vitre s’était dégondée sous les paumes des arrêtés, dans le bus qui devait les mener au commissariat. Notez aussi que certaines personnes poursuivies n’étaient même pas dans ledit bus…
Ce jour là, l’AFP, qui se trouvait en face de la place, a publié un communiqué et une vidéo qui a été timidement reprise par certains media. Néanmoins dans sa grande partie, ce contenu a été ignoré. Pourtant, la démocratie était foulée aux pieds dans notre pays dit « démocratique », comprendre ici celui qui se permet d’aller faire la leçon aux « dictatures » du Moyen Orient en leur disant de laisser leurs peuples s’exprimer, sans que personne ou presque ne cille. Quelle crédibilité peuvent avoir nos media et nos gouvernants s’ils n’ont même pas l’initiative de s’exprimer sur ce qu’il se passe au cœur de la capitale de leur pays ?
Hessel dit d’ailleurs très justement : « nous vivons un moment d’interrogations et d’inquiétudes (…) on ne sait pas comment s’en sortir. Votre réponse à son argument, au lieu de vous intéresser au fond du problème, est de présenter sans transition le nouveau livre de votre invité. Au moins, cela a le mérite de clarifier la raison de sa venue.
Confucius disait « Je ne cherche pas à connaître les réponses, je cherche à comprendre les questions ». Voilà le genre de philosophie que vous, entre autres, devriez appliquer. Vous attarder sur les racines qui ont mené ces jeunes et moins jeunes à sortir dans la rue, à remettre en question la légitimité du pouvoir politique ainsi que la pertinence du surnom de Quatrième pouvoir concernant le système médiatique. Car non, les élus ne représentent plus les intérêts du peuple, et non, les media, qui étaient autrefois le dernier rempart de la démocratie et du citoyen face aux différents pouvoirs, ne remplit plus son rôle d’objecteur de conscience.
Alors certes, je vous concède une certaine honnêteté, votre émission est rubriquée dans la partie « divertissement ». Mais tout de même, vos téléspectateurs n’ont-ils pas intérêt à être informés de ce genre de questions ? Peut être êtes-vous vous-même ignorant des faits que j’ai énoncé plus haut, mais dans ce cas, comment préparez-vous une émission sur un thème, si vous ne cherchez pas à comprendre ce thème ? Cela serait du non-sens journalistique complet…
Je préfère tout de même croire que vous saviez ces choses, et que vous n’avez simplement pas « jugé bon » de les intégrer à votre émission. Cela ne fait pas suffisamment rêver peut être…
Pourtant, votre invité souligne lui-même qu’il « faut une réforme très profonde et le premier aspect doit être l’éducation ». L’éducation se fait-elle simplement pas l’école ? L’esprit critique des citoyens ne doit-il pas être stimulé par une information impitoyable avec les faits ? Au lieu de cela, on ne cesse de caresser les spectateurs dans le sens du poil, leur disant que dans la globalité tout va bien, et que même si certaines choses vont mal, « il n’y a pas d’alternative ».
En tant que citoyen, je refuse que l’on traite d’un sujet si crucial d’une façon si légère et simpliste. En vous écrivant, j’intellectualise ma colère, tout comme ceux qui aujourd’hui, des Etats Unis à Israël, en passant par la France, la Belgique ou encore l’Italie et la Grèce, ont décidé de ne plus subir le sort qui leur est réservé. Car voilà à quoi nous assistons aujourd’hui, à un réveil des consciences.
Ceci dit lorsque j’entend que cette indignation est « un peu vide », et que l’alternative à celle-ci serait Martine Aubry (c’est à peine sous-entendu) je réalise que certains ont encore un long chemin de réflexion devant eux.
Si mon ton est aujourd’hui si acerbe, c’est que j’en ai assez des non-dits, des sourires et des paillettes qui camouflent une réalité bien plus complexe qu’il n’y paraît. J’aurai pu m’adresser à quelqu’un d’autre, mais cela est tombé sur vous… Je vous invite néanmoins à me répondre, car je crois soulever des questions pertinentes. Cela est un des avantages de l’Internet, ce nouveau media donne la parole à chacun. A vous de voir si vous considérez cette tribune.
PS : Je n’ai pas lu le livre de Stéphane Hessel, et mon « indignation » se porte bien…
Au lecteur qui sera allé au bout de ce papier, je vous invite à commenter, critiquer (je n’affirme pas avoir la science infuse), compléter, et surtout partager ceci si vous l’avez trouvé pertinent. De nouvelles voix, aux angles différents, ont besoin de naître dans l’espace démocratique.
J. M.
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