Libération, un avenir en fuite ?
Quoi qu’on en pense, difficile de ne pas s’accorder sur le fait que le journal de la rue Béranger occupe une place historique dans le paysage des médias français. Libération a été fondé par l’illustre Jean-Paul Sartre, Serge July, Philippe Gavi, Bernard Lallement et Jean-Claude Vernier le 18 avril 1973. De cette extrême gauche, tendance maoïste, il va évoluer vers un format nettement plus social-démocrate dans les années 80. Titre animé longtemps par Serge July qui en parlait comme d’un journal « Libéral-libertaire ».

Aujourd’hui, après de nombreux épisodes, dont celui du départ de Serge July et Louis Dreyfus en juin 2006 à la demande du nouveau propriétaire Édouard de Rothschild, le journal continue inlassablement à perdre de l’argent. Ce sont donc, désormais les hommes d’affaires Édouard de Rothschild et Bruno Ledoux qui sont à la manœuvre … dans un contexte de crise financière et morales … Le titre est au bord du dépôt de bilan, la vente au numéro s’effondre de 30 %, la relance du titre et du site internet n’ayant pas pu enrayer la chute, les actuels actionnaires se refusent à recapitaliser le titre.
Les relations se tendent de plus en plus entre la direction, les actionnaires et les journalistes. Les ébauches de « relance du titre Libération » font bondir la rédaction qui réplique par : « Nous sommes un journal. Pas un restaurant, pas un réseau social, pas un espace culturel, pas un plateau télé, pas un bar, pas un incubateur de start-up... ».
La rédaction ayant obtenu le départ de Nicolas Démorand, les actionnaires le remplace par Pierre Fraidenraich …. Le fond du puits semble être ainsi atteint.
Quelques extraits de l’échange, mercredi entre le nouveau directeur, fraichement désigne et la rédaction à l’occasion du rituel de présentation, dans la grande salle du hublot.
« Je viens parce que je suis absolument convaincu de la puissance de la marque, de ceux qui la produisent, des titres qui sont édités. […] J’ai comme mission de vous porter sur d’autres terrains qui ne sont pour l’instant pas explorés, où l’on gagnera le pari de la profitabilité. […] Voilà, je n’ai pas beaucoup plus de choses à vous raconter. » tels sont les propos de Pierre Fraidenraich … libération est mort !
De son côté le nouveau président du directoire François Moulias finit d’achever le sale boulot en parlant de réduction des charges, de déménagement et surtout en évoquant la construction du « Flore du XXIe siècle ».
Un journaliste prend la parole pour tenter de remettre les pendules à l’heure en expliquant que « Libération n’est pas un lieu que l’on monétise, mais un bout de société française ».
La suite est violente dans le procès en incompétence qui lui est fait à diriger Libération. Il poursuit par ces mots : « Je n’ai pas grand-chose à répondre. Je suis très surpris. Déjà, avant même d’avoir à me présenter à vous, on a esquissé les contours d’un portrait... Je n’ai même pas envie de le qualifier parce que je trouve ça tellement bas et assez minable. ».
Ajoutant alors que son engagement à droite est mis en cause : « « Qui vous autorise à dire que je suis sarkozyste ? En quoi ça vous concerne ? […] Le rituel initiatique d’accueil est très pestilentiel. […] Je ne suis ni de gauche ni de droite. […] Je suis ici pour relever un défi industriel. […] Je n’ai pas d’autre moteur que celui de vous accompagner, en tout cas de vous diriger, de vous mener à un projet dans un écosystème compliqué qui est celui de la presse, à gagner le défi de la profitabilité. »
Défi industriel, profitabilité, l’incompréhension est totale, pour enfoncer le clou, il ajoute : « on peut maximiser la performance de la marque ».
Sémantiquement et politiquement les actionnaires et la rédaction n’ont plus rien à partager, si ce n’est à faire valoir, pour ceux qui peuvent se le permettre la clause de départ.
A suivre …
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