Malek Chebel : « Il y a un principe non négociable, c’est la liberté d’expression »

L’anthropologue Malek Chebel (2e à gauche) coanimera bientôt « Les enfants d’Abraham », une nouvelle émission de Direct 8 (1).
En compagnie du Père Alain de la Morandais et du Rabbin Haïm Korsia, ce
spécialiste de l’islam y analysera chaque mois l’actualité à travers le
prisme de la religion. Avant le lancement de ce programme, leblogmedias
a demandé à Malek Chebel si, selon lui, la religion musulmane est
capable d’accepter la critique.
Propos recueillis par Gaël Lombart
A la suite de sa tribune virulente contre l’islam publiée dans Le Figaro, Robert Redeker a reçu des menaces de mort. Y a-t-il un danger pour la liberté d’expression ?
Oui,
très clairement. Il y a un principe non négociable, c’est la liberté
d’expression. Mais pour que ce principe soit bien respecté, il faut
que la personne qui critique accepte d’être critiquée à son tour. On ne
pourrait pas accepter que l’islam se fasse insulter et que le
christianisme et le judaïsme ne soient jamais critiqués.
Personnellement, je n’ai pas d’icône. Allah, on pourrait l’insulter du
matin au soir, ça ne me gênerait pas. Parce qu’il est transcendant.
C’est lui qui a créé le monde. Là où je suis un peu blessé, c’est quand
on touche aux gens, quand on insulte les musulmans.
Le discours du pape à Ratisbonne a provoqué un tollé. Peut-on, comme il semble l’avoir fait, associer islam et violence ?
Le
pape a fait une citation. Il a ensuite fait son autocritique. Sa
citation renvoie au Moyen Age, à un moment où les religions étaient au
pouvoir. A l’époque, ces religions étaient violentes. C’est voir les
choses avec une mauvaise focale que considérer que le pape avait
l’opinion qu’on lui a attribuée.
On
l’a vu avec l’affaire des caricatures, une infime partie de musulmans
en colère est capable de créer un événement. Pourquoi l’islam modéré
arrive-t-il si peu à se faire entendre ?
Parce que
l’islamisme fait peur, il devient une affaire collective. Les gens
n’ont pas peur des musulmans modérés. Pourtant, j’affirme que les
musulmans qui luttent pour la paix, ceux que j’aime, sont infiniment
plus nombreux que ceux qui répandent la haine. Mais il y a peu de
reportages réalisés sur les musulmans modérés, parce que les médias
traduisent avant tout ce qui est, à leurs yeux, l’angoisse de leur
public.
Cette histoire de caricatures vous a-t-elle incité à parler de l’islam avec plus de prudence ?
Je
suis un observateur neutre. Je ne me sens pas du tout changé. Cela fait vingt-cinq ans que je travaille sur l’islam et j’ai montré depuis longtemps
qu’il était libre. J’ai travaillé sur le corps, la femme, la sexualité,
l’homosexualité, le tabou de la virginité. Après les caricatures, j’ai
sorti Le Kama-Sutra arabe. J’aurais eu tout le loisir de l’édulcorer, d’en faire quelque chose de tiède.
A Berlin, un opéra de Mozart a été déprogrammé parce qu’il
aurait pu choquer des musulmans. Comment réagissez-vous à l’autocensure
?
C’est à la suite du discours du pape que les directeurs
de cet opéra ont eu peur de l’effet que cela aurait pu produire. A
Berlin, cette affaire avait rendu sensible l’opinion publique. Mais
c’est une peur ponctuelle, ça ne va pas s’installer. Ce sont les
dommages collatéraux de la controverse. Peut-être dans ce contexte
avaient-ils raison de supprimer cette pièce. Certes, il ne faut pas
d’autocensure, sinon on donne raison aux fondamentalistes. Mais encore
faut-il que tout le monde soit à la hauteur, les responsables
politiques, les policiers, pour maîtriser un climat qui peut dégénérer.
(1)
« Les Enfants d’Abraham », émission présentée par Mikaël Guedj, chaque
dernier dimanche du mois, à 18 heures, sur Direct 8. Première émission
: dimanche 29 octobre.
Article paru sur www.leblogmedias.com
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