Manif anti-censure en direct sur le blog de Télérama
Un commentaire supprimé sur le blog TV de Télérama a suscité vendredi la révolte des internautes. Il évoquait le « roman » de David Angevin intitulé Boborama. L’ouvrage écrit par cet ancien journaliste de l’hebdo bobo raconte en partie les dessous de Télérama. Le coup de gueule des internautes face à cette censure a incité Bruno Patino, patron du Monde.fr et de Télérama, à réagir.

LE WEBMASTER de Télérama.fr n’a pas dû comprendre ce qui lui arrivait. Vendredi après-midi sur le blog TV du site, une avalanche de commentaires très NRV vient bousculer une note banale (un peu plan-plan, mais ce n’est que mon avis) sur la Fête de la musique.
Cinq, puis dix, vingt et plus de trente posts très en colère, en l’espace de moins d’une heure...
L’objet du courroux des blogueurs : un commentaire posté sur le blog TV venait d’être censuré, purement et simplement supprimé.
Ce commentaire évoquait le livre de David Angevin Boborama, roman à clés d’un ancien journaliste de Télérama qui raconte en partie les coulisses du journal. Pas forcément à l’avantage dudit journal, bien évidemment.
UNE EXPERIENCE EN DIRECT
Ce que ne savait pas le webmaster du site, c’est qu’il faisait l’objet d’une expérience précisément sur la censure. Initiée par un blogueur facétieux (Fulcanelli), curieux de savoir si l’hebdo Télérama pouvait accepter qu’on le critique sur son propre site.
Résultat : coup de ciseau sur le commentaire critique, suivi d’une avalanche de protestations. Une manifestation spontanée sur un blog, au nom de la liberté d’expression.
Débordé, le webmaster a dû publier en catastrophe un communiqué, pour se justifier de la disparition du commentaire. Il évoque le fait que le blog de Télérama n’est pas conçu pour accueillir des propos diffamants et plutôt que le terme de censure, il préfère celui de responsabilité éditoriale...
Plus tard dans l’après-midi, on apprend que Bruno Patino - patron du monde.fr et président de Télérama (!) - interviendrait le lendemain, samedi, pour apporter ses explications sur l’incident. Autrement dit, l’affaire est montée en haut lieu. (sa réponse sur l’incident ICI, accompagnée des commentaires des internautes)
A L’ORIGINE, SUR UN BLOG TRES NRV
Mais pour comprendre le mouvement de masse qui s’est produit hier, il faut revenir à la source, c’est-à-dire sur le DEL (Domaine d’extension de la lutte), le blog NRV de Guy Birenbaum.
Guy est un homme de médias : chroniqueur radio (RTL) et presse écrite (VSD entre autres), scénariste mais, surtout, il est le boss des éditions Privé. Sa maison d’édition publie des livres reliés à l’actualité (le dernier en date est consacré à une contre-enquête qui remet en cause la théorie de l’accident de Coluche).
Or, vendredi matin, sur son blog, il décide d’évoquer le "roman" de David Angevin - Boborama - publié chez un confrère et néanmoins concurrent, les Editions du Rocher.
Pas un coup d’autopromotion, non, mais l’envie de parler du fonctionnement des médias, sous le titre Boborama, l’impossible promo.
Il donne donc la parole à l’auteur. Extrait : Les journalistes n’aiment pas beaucoup, d’une manière générale, qu’on parle de l’arrière-boutique, des dessous de la profession. C’est comme ça. Il s’agit de ne pas briser l’image du métier. De ne pas écorner le mythe de l’incorruptible détenteur de carte de presse, sorte de surhomme au service de la vérité [...].
David Angevin - ancien journaliste à Télérama - raconte les conflits d’intérêts, "l’omerta" qui règne parmi les journalistes en matière de critique de leur mode de fonctionnement.
On parle déontologie de la presse, ou comment sauver une "espèce en voie de disparition", les journalistes...
Au fil de la matinée, comme chaque jour sur le DEL toujours très commenté, les témoignages et autres réflexions s’empilent. La discussion avance, ponctuée de blagues. Bref, la routine.
A 12 h 14 "Fulcanelli" signale qu’une copie du texte de David Angevin a été copiée-collée sur le blog TV de Télérama (c’est signé "Les frères Goncourt").
Puis à 13 h 47, ce message : Tiens, le post sur David Angevin signé des "freres goncourt" (voir le message de Fulca un peu plus haut a disparu du site de Telerama). Curieux non ? (meuhhhhhh non, ce n’est pas de la censure) Ce qui fait qu’une brave dame (tissot) repond a un post fantome :
blogtv.telerama.fr/
sont taquins quand même a telerama".
LES INTERNAUTES EN COLERE
Les commentaires fusent sur le DEL.
Grabuge : "Mékissonkonmékissonkon.....". Rep Ban s’énerve : "tain, ils vont pas comprendre chez Télerama, y’a des gens qui osent les critiquer". Il cite le commentaire de "Jack Baweur", un des piliers du blog de Télérama : "Ha ben, où est passé le commentaire de M. David Angevin qu’il y avait tout à l’heure ? Ha non, ha non, alors là, c’est pas joli joli. Là je ne suis pas d’accord. Stop, on ne joue plus." Grabuge : "Je sens que ça va chauffer...".
Le ton monte et c’est celui de l’indignation. Sacha, une des internautes régulières du DEL, va craquer l’allumette :
"@ Tous
Je suis en plein boulot là mais j’ai pris 2 mn pour polluer le blog de l’ennemi en demandant la réhabilitation du message concernant D. Angevin.
Ce qui serait cool, c’est que vous en fassiez tous autant, juste pour voir, juste pour lui faire de la pub. Ils ne vont quand même pas pouvoir censurer tous les messages, si ?
On tente l’expérience ?"
La suite vous la connaissez. Une protestation massive, manif spontanée d’internautes sur le blog de Télérama, hurlements contre la censure ordinaire.
Une première, à ma connaissance, qui montre la puissance de l’internet, la réactivité de ses utilisateurs, leur pertinence. Le blog, l’arme de démocratie massive... Voire.
Une chose est sûre. Les blogs véhiculent les notions de dialogue, transparence et débat. Or, les entreprises qui utilisent des blogs pour se rapprocher de leurs clients (lecteurs) vont devoir s’habituer à parler de leurs dysfonctionnements, utiliser un langage de vérité, essuyer la critique le cas échéant, et y répondre autrement qu’avec une paire de ciseaux.
C’est particulièrement vrai et nécessaire pour la presse qui ne cesse - à juste titre - de défendre la liberté d’expression.
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