Médiamétrie est-il devenu archaïque ?
En 2005, 9700 entreprises (appelées dans le jargon professionnel « annonceurs ») ont dépensé, pour soutenir leurs marques, 5,5 milliards d’euros en publicité télévisuelle et 2,5 milliards en radio (source Yacost).

Pour déterminer l’écoute et donc la survie des émissions TV et radio, un baromètre a été créé en 1985, appelé Médiamétrie. Afin d’assurer la pluralité et l’impartialité de l’institut, le capital de l’entreprise privée est réparti entre différents intervenants : 62% par les médias (France Télévision 22,79%, Radio France 13,34%, TF1 10,75%, RMC et Europe1 5,38% chacun, RTL 2,69% et Canal+ 1,4%), 23,28% par les publicitaires (Publicis Conseil et Aegis France 6,67% chacun, Havas 6,67%, DDB et FCB 1,61% chacun), 11,72% par l’UDA (Union des Annonceurs), 2,79% par l’INA et enfin 0,44% par Jacqueline Aglietta, la présidente de l’institut de sondage.
Chaque matin, au sein des médias, un rituel se crée, l’analyse, par Mediamétrie, des chiffres d’audience des programmes diffusés la veille. Un rituel lourd de conséquences, un mauvais score et c’est la mort à court terme pour l’émission qui n’a pas réussi à séduire le public visé. A l’inverse, un bon score assure des revenus publicitaires en hausse. Ainsi va notre univers cathodique et radiophonique. Pourtant, depuis quelques mois, la zizanie règne au sein de ce monde consensuel et feutré, et il aura fallu la conjonction de 3 événements pour délier les langues.
Tout d’abord, la mise en place, par l’opérateur Free, à la rentrée 2005, d’une mesure d’audience d’un nouveau type identifiant la chaîne regardée par les foyers abonnés, à la seconde près. L’information ainsi disponible en temps réel est une véritable révolution, certes limitée aux équipements numériques et donc non représentative de l’ensemble de la population. Mais cette nouvelle approche rend totalement obsolète le panel Médiamat qui analyse quotidiennement, via un boîtier, 3150 foyers, l’audience télé. Certes, ce panel dans son principe est représentatif, mais l’outil est perçu par l’ensemble de la profession comme archaïque devant le chamboulement des habitudes télévisuelles de nos concitoyens. Les comités « audiométrie » passent leur temps à jongler avec des acrobaties statistiques, à gonfler certains échantillons pour les corriger ensuite. Médiamat tient compte de manière très partielle des transferts télé/Internet, des offres satellite et câble, du développement exponentiel de la TNT, de l’évolution de la consommation nomade (télé via téléphone, podcasting) et de l’extension de la bande FM.
Deuxième événement « anti-médiamétrie », l’arrivée à échéance du mandat de la présidente Jacqueline Aglietta et sa candidature (à 64 ans !) pour un nouveau mandat. Outre l’âge du capitaine, qui peut laisser perplexe face à l’ampleur des chantiers à mener, la reconduction de Mme Aglietti nécessiterait un changement de statut (limite d’âge à 65 ans). Or il semblerait que France Télévision, Radio France et les différents actionnaires de l’orbite Bolloré (Aegis et Havas) souhaitent le changement. Ils représentent, réunis, 49 % des actionnaires et plus de 50% des voix.
Enfin le dernier événement de cette révolution annoncée, étroitement lié aux 2 précédents, se situe au niveau de la fronde des intervenants de la TNT. Selon eux, le panel Médiamat n’arrive pas à suivre l’équipement croissant des adaptateurs TNT estimés à ce jour par GFK à 1,4 millions et par MPG à 2,4 millions. Bertrand de Lestapis, PDG de cette dernière estime, dans Le Figaro « qu’on peut s’interroger sur la fiabilité d’une mesure réalisée par un échantillon de 150 audimètres alors que 2,5 millions de récepteurs TNT sont déjà en circulation (...) Le système français est à bout de souffle ».
Le doute est semé. L’objectivité de Médiamétrie, véritable monopole, est de plus en plus remise en cause. L’organisme doit-il jouer un véritable rôle d’arbitre en créant les outils le plus pertinents possible, ou bien continuer à ne fournir que les chiffres favorables à leurs clients et actionnaires ? En clair, doit-il et peut-il casser l’instrument qui a fait la fortune des médias ? D’un autre côté, on assiste à la grogne des publicitaires, et surtout de leurs clients annonceurs, lassés de disposer d’informations tronquées ou incomplètes. A l’heure où le retour sur investissement du moindre euro doit être établi, les informations fournies aux publicitaires et surtout à leurs clients, les annonceurs (ceux qui paient !), devraient être d’une fiabilité totale. Mais « admettre aujourd’hui que l’outil de mesure est imparfait serait reconnaître que, depuis des années, ils paient pour quelque chose qui n’en vaut pas le prix, c’est impensable », lâche-t-on en off au siège d’une chaîne de télévision.
Est-il inenvisageable de mettre en place en 2006, comme le demande l’UDA, une base unique d’audience de la télé qui réunirait les chaînes historiques, celles de la TNT, du câble et du satellite, quelles que soient leurs plates-formes de réception ? Une évidence, la redéfinition de la mesure d’audience est rendue nécessaire par la multiplication des supports et des modes de consommation de la TV.
6 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON