Mixi : le réseau social du futur ?
Dans le monde des médias sociaux, il est un réseau qui préfigure peut être l’avenir de ce secteur : il s’agit de Mixi.
Pour comprendre pourquoi Mixi est différent, il faut d’abord comparer ses audiences à celles de Myspace et Facebook, ainsi que nous l’avons fait dans le tableau ci-dessous :
On le voit, un membre Mixi consulte mensuellement près de 2 fois plus de pages Mixi que ne le fait un membre Facebook sur son réseau, et 4 fois plus qu’un membre Myspace ! (sans compter que pour Myspace, nombre de pages sont visibles mêmes pour les non membres, ce qui réduit encore le nombre de pages Myspace vues mensuellement par un membre Myspace).
En d’autres termes, l’implication des internautes sur Mixi est beaucoup plus élevée que sur Facebook ou Myspace : chaque membre produit et consulte plus de contenu que sur ces deux derniers.
Et de fait, sur Mixi, l’activité ne se borne pas à amasser les « amis » ou à envoyer des messages : sur le réseau japonais, le blogging est au centre. On y écrit beaucoup sur sa vie et ses goûts, et l’on y réagit beaucoup…
Un investissement communautaire élevé qui a des conséquences financières pour le moins importantes : Mixi, dont les revenus sont constitués par la publicité et la vente de services payants, peut se targuer d’un revenu annuel par membre bien plus élevé que celui de Facebook ou de Myspace. Avec un CA 2007 de 82,4 millions de dollars chez Mixi, contre 150 millions de dollars pour Facebook, le revenu annuel par membre Mixi est donc de 5,5 dollars, contre 1,7 dollars par membre Facebook… soit un revenu plus de trois fois supérieur !
Quelle est la recette de Mixi pour obtenir un tel investissement de la part de ses membres ? Elle réside probablement dans les spécificités de Mixi, lesquelles peuvent être résumées en un mot : la fermeture. En effet, contrairement à nos réseaux sociaux occidentaux, l’accès à Mixi est extrêmement fermé. D’abord parce qu’il fonctionne exclusivement par cooptation (si vous voulez vous y inscrire sans être parrainé par un membre, c’est tout bonnement impossible). Mais aussi parce que Mixi est en japonais. Uniquement en japonais. Ce qui restreint de fait l’utilisation de ce réseau aux seuls utilisateurs nippons (même si, depuis cette année, Mixi a commencé à s’intéresser à la Chine. Une fermeture qui s’est d’ailleurs encore accrue récemment, puisqu’en début 2008, Mixi a de fait restreint l’accès au réseau aux seuls japonais, en obligeant tout nouvel inscrit à disposer d’un numéro de téléphone portable nippon !
Résumons nous : d’un côté, un investissement communautaire de l’utilisateur Mixi particulièrement important, et de l’autre, un accès au réseau extrêmement fermé… Un paradoxe, vraiment ? Pas tant que cela, si l’on pose cette hypothèse : le climat « d’entre-soi » créé par ce haut niveau de fermeture accroitrait la confiance et l’échange au sein du réseau. Cette hypothèse tient-elle la route ? Il semble bien que oui, si l’on en croit les résultats de nombre d’expériences menées en psychologie sociale sur ce phénomène (l’une des plus récentes est par exemple celle-ci). Un phénomène pour lequel les chercheurs ont même créé un terme spécfique : le in-group bias , soit la tendance à faire confiance et à échanger préférentiellement avec les membres de son groupe d’appartenance (in-group) plutôt qu’avec des gens de l’extérieur (out-group).
Autre probable mécanisme psychologique en jeu, vieux comme le monde là encore : la rareté créatrice de valeur. Ici, l’accès difficile à Mixi lui confèrerait l’aura d’un lieu « précieux », où des choses ayant plus de valeur qu’ailleurs y sont partagées. D’où une propension à utiliser le réseau plus intensément une fois inscrit.
En d’autres termes, durcir les conditions d’accès semble intensifier :
- le sentiment d’appartenance et la proximité entre membres : chaque membre est en effet passé par les mêmes épreuves « qualifiantes » que les autres (à savoir être choisi par un membre de la communauté), et chaque membre est assuré de n’y croiser que des personnes proches d’elle culturellement via l’accès rendu possible aux seuls japonais). Ce qui augmenterait au sein de la communauté la confiance réciproque
- le sentiment que ce qui est partagé au sein du réseau a plus de valeur qu’ailleurs
… ce qui augmente la propension de chaque membre à y échanger un plus haut volume de contenus qu’ailleurs.
Et il est un autre constat chiffré qui vient renforcer cette hypothèse : le fait que l’investissement des membres Facebook est lui-même plus élevé que celui des membres MySpace (on a vu dans notre tableau qu’un membre Facebook consultait 2,5 fois plus de pages sur son réseau qu’un membre MySpace ; pour plus de détails là-dessus voir ici ). Or, Facebook est lui-même un réseau plus fermé que MySpace. En effet, pour consulter les pages des membres Facebook, il faut s’être préalablement inscrit (et encore, il faut que ces pages aient été rendues publiques pour les membres non « amis »), alors que pour MySpace, l’accès aux pages des membres est accessible aux non inscrits (seule la consultation des galeries photos nécessite généralement d’être inscrit). Là encore, un niveau de fermeture plus élevé semble donc bien générer un niveau d’implication plus élevé de la part des membres.
En utilisant ces constatations, on peut même dresser le petit graphique suivant :
Si ce raisonnement est opérant, alors on peut s’attendre à ce que l’évolution générale des réseaux sociaux aille effectivement dans le sens d’un accès plus fermé. Car à l’heure où des inquiétudes pointent leur nez au sujet de la rentabilité de MySpace et Facebook , il devient évident que ce n’est plus seulement le volume de l’audience qui déterminera la valeur d’un réseau social, mais surtout le revenu généré par utilisateur (notons au passage que si Facebook n’est toujours pas coté en bourse, Mixi et ses 5,5 dollars annuels de revenu par membre, l’est en revanche depuis 2006, ce qui n’est probablement pas un hasard). Lequel revenu généré par utilisateur est directement lié au taux d’utilisation du réseau par le membre (si j’utilise beaucoup mon réseau, alors la probabilité pour que j’y remplisse des formulaires opt-in, ou y achète des services payants, sera plus élevée). Dès lors, si le niveau de fermeture s’avère bel et bien un stimulant de l’implication du membre sur le réseau, alors le durcissement de l’accès aux réseaux sociaux pourrait dès lors devenir une évolution possible.
En poussant cette logique jusqu’au bout, cela dessinerait alors la typologie suivante :
Et vous ? Pensez-vous que le modèle Mixi préfigure l’avenir des réseaux sociaux ?
—> Nicolas Revoy est journaliste, consultant médias & nouveaux médias chez Think-Out Research & Consulting
—> Retrouvez toutes les analyses de Think-Out sur la mutations des médias dans le blog de Think-Out
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