Nouveau « bain de foule » sarkozyen factice au 20H de France 2 !
La journaliste de France 2 évite soigneusement de faire allusion à la présence des militants UMP, pourtant déterminants dans le « dispositif sarkozyen », Pujadas garde un silence complice.
Cela pourrait sembler une blague, mais non !
Mardi 6 juillet 2010, cinq jours seulement après le précédent « bain de foule » sarkozyen analysé ici-même, et alors que les "Une" titrent partout, y compris dans la presse étrangère, sur l’affaire Bettencourt-Woerth-Sarkozy, nouveau « bain de foule » présidentiel au 20H de France 2 ! (1) A Brie-Comte-Robert en Seine-et-Marne, et, cette fois, avec le concours d’un véritable chœur de militants UMP.
(1) Ayant négligé de programmer le magnétoscope du 2 au 5 juillet, nous ne sommes pas en mesure d’affirmer que le 20H de France 2 fut exempt d’autres « bains de foule » présidentiels au cours de cette période.
Analyse plan par plan
Note. Le site @rrêt sur images se refusant pour l’instant à faire de "l’arrêt sur images" (en particulier de l’analyse détaillée de journaux télévisés), il faut bien que certains s’y mettent.
1. Présentation Pujadas (16 secondes, 1 plan) (1)
David Pujadas : « Alors on l’a compris Eric Woerth n’est plus le seul visé par cette affaire, Nicolas Sarkozy lui aussi est concerné : il a évoqué publiquement cette affaire pour la première fois, lors d’un déplacement où son agacement vous allez le voir, était perceptible. Valérie Astruc, Jean-François Monnier. »
Comme dans sa présentation du reportage du 1er juillet analysé précédemment, Pujadas ne signale aucun « bain de foule » dans le reportage à venir (sa grande éthique professionnelle lui fait sans doute préférer éviter de se compromettre publiquement à évoquer même de loin ces soi-disant « bains de foule », animés par des militants UMP - son scooter a d’ailleurs déjà assez souffert comme cela). Le reportage présenté par Pujadas commencera néanmoins par 21 secondes d’images montrant un Sarkozy triomphalement soutenu et acclamé (ceci en pleine débâcle Woerth-Bettencourt, et alors qu’il vient de battre une nouvelle fois son record d’impopularité - on peut déjà juger de la plausibilité, de l’hypothétique véracité, de tels "faits de rue").
(1) En langage cinématographique, « un plan est tout morceau de film compris entre deux changements de plan » (Jacques Aumont, Michel Marie, Dictionnaire théorique et critique du cinéma, Nathan, 2001, p. 157).
Dans le cinéma moderne décadent dont l’emblème est en France Luc Besson (cinéma contemporain de la généralisation du zapping télévisé), un plan aura en général une durée comprise entre 1 et 2 secondes (cet artifice masquera aux spectateurs non avertis l’indigence de l’interprétation, du scénario, et enfin du film tout entier). A l’inverse, le premier plan du film La soif du mal (Orson Welles, 1958) est resté fameux en ceci qu’il consiste en un audacieux plan-séquence (succession de cadrages par mouvements de la caméra mais sans interruption de la prise de vue), de plus de 3 minutes.
2. Reportage France 2, séquence 1 : « Bain de foule » sarkozyen (21 secondes, 3 plans)
Plan 1 (7 secondes)
(à 0’16 de la vidéo)
Photo 1 (cliquer sur l’image pour l’agrandir)
Militant UMP 1 ("off" (2), voix tonitruante) : « Bon courage, Nicolas ! Bon courage, Nicolas ! »
Militant UMP 2 ("off", voix un peu en retrait, dans une sorte de basse continue) : « Courage ! Courage ! Courage ! »
Journaliste 1 ("off") : « Des encouragements et un bain de foule, rien de tel... »
(2) On qualifie de "off" un élément sonore dont la source se situe hors-champ (c’est à dire pas à l’image). On parle par exemple de voix off à propos de la voix d’un personnage - ou d’un commentateur - n’étant pas physiquement présent à l’image ("pas dans le champ", autrement dit hors-champ).
Les deux militants UMP, hélas non présents à l’image, forment un assez remarquable duo, avec notamment un subtil contrepoint : le militant 2 choisit de faire son entrée (« Courage ! »), précisément sur le premier « Nicolas ! » déclamé par le militant 1.
Comme dans le reportage du 1er juillet analysé précédemment, la journaliste de France 2 n’hésite pas à prononcer le mot « bain de foule », alors même qu’elle ne peut ignorer la manipulation consistant à fabriquer ces « bains de foule » au moyen de militants UMP.
Rappelons ces propos du Monde (26 janvier 2010) :
« Les villes visitées par le président sont sous haut contrôle policier. (...) Les rares bains de foule ont lieu avec des militants UMP. Et la police, pesante, empêche toute manifestation d’opinion divergente. »
En repassant les images de ce plan 1, on s’aperçoit que la « foule » n’est en fait qu’un petit groupe de personnes, semblant comme "parquées" sur la droite de l’image. Le tout début du plan (photo 1) montre d’ailleurs un grand vide sur la gauche (excepté les sbires et Sarkozy lui-même).
En examinant les images on s’aperçoit que les deux femmes prenant des photos au premier plan (photo 2) ne prennent pas de photos : elles font semblant de prendre des photos. Elles ne cherchent pas à viser Sarkozy avec leurs appareils : tout au long du plan elles prennent la pose en tant que "dames qui photographient le président" !
Photo 2 (cliquer sur l’image pour l’agrandir)
On remarque aussi deux mystérieuses créatures (photos 3 à 5), semblant "encadrer" la « foule » (tout en y figurant) : deux brunes à chignon, lunettes et veste sombre . Leur comportement, mi-distancié/impassible mi-scrutateur, fait penser à celui de gardes du corps. Ces deux créatures ne sont sans doute pas de simples "militantes UMP" destinées seulement à garnir le plan : plus probablement des préposées à l’encadrement et à la supervisation de ce « bain de foule » sarkozyen.
Photos 3 à 5 (cliquer sur les images pour les agrandir)
A la fin du plan (photo 6), Nicolas Sarkozy serre une main surgie du côté de la caméra - peut-être celle d’un des deux militants UMP s’étant illustrés sur la bande son au début du plan. Les deux créatures en noir restent impassibles, les deux "dames photographes" gardent la pose. On remarque d’ailleurs que Sarkozy fait semblant de ne pas voir la créature brune de droite. Il lui passe devant, serre des mains avant et après elle, mais pas à elle (la créature reste remarquablement impassible tandis que le président se tient absolument face à elle à une distance d’un demi mètre). Cette créature (comme sa collègue) n’est pas une simple figurante UMP sensée figurer une participante à une foule enthousiaste. Son rôle précis dans le dispositif sarkozyen, reste à préciser.
Photo 6 (cliquer sur l’image pour l’agrandir)
Cette fin de plan (photo 6) montre sans doute à droite la limite droite du petit groupe de personnes sensées figurer une « foule » (limite droite d’ailleurs masquée par la créature brune de dos). Or à ce moment on voit encore dans le plan la limite gauche de cette « foule » (limite correspondant au bord de mur en brique rouge).
On le voit, cette « foule » n’est en fait qu’un simple petit groupe de personnes regroupées là, et facticement constitué : sans doute par au moins un bon nombre de militants UMP. Ce plan est un trucage complet. Sa brièveté (7 secondes), sa rapidité d’exécution (le mouvement de Sarkozy et celui de la caméra), permettent de masquer aux yeux du téléspectateur son caractère calamiteux et factice, son vice de fabrication (cf. note (1) dans le chapitre 1 "Présentation Pujadas" ci-dessus).
Question : qui a tourné ce plan 1 ? Une équipe privée sarkozyenne, selon la pratique en vigueur durant la campagne présidentielle (les chaines de télévision récupérant ensuite les images pour construire leurs "reportages") ? Question accessoire : y a-t-il eu plusieurs prises ?
Dans le cas où ce plan serait l’œuvre d’un caméraman de France 2, sa conscience professionnelle a du en prendre un sacré coup... Il n’aurait dans ce plan absolument pas agi en caméraman (cherchant à filmer "ce qui se passe" - et donc s’intéressant à la réalité de ce qui se déroule sous ses yeux) : mais en simple employé d’une entreprise de propagande sarkozyenne, visant tel objectif prédéfini, respectant tel "cahier des charges" (à savoir : tourner un plan, prévu, et préparé à l’avance par les communicants élyséens, de « bain de foule » sarkozyen).
Plan 2 (3 secondes)
(à 0’22 de la vidéo)
Journaliste 1 ("off", finissant sa phrase) : « ...pour oublier les tracas du moment et échapper aux questions des journalistes. »
Rupture temporelle à l’image : ce plan 2 se situe maintenant dans une rue, avec quelques vrais habitants, tenus à distance par les molosses de sécurité (Sarkozy et ses 5 ou 6 sbires occupent le principal de l’image). Par contre, parfaite continuité de la bande son (ceci perceptible avec un bon casque) : la journaliste poursuit sa phrase amorcée à la fin du plan 1, et surtout on entend en bruit de fond les restes d’acclamations qui accompagnaient le plan 1, avec même un « au revoir » !
Comme dans le reportage du 1er juillet (cf. ici analyse du Plan 2), le monteur a choisi d’assurer la continuité de la séquence en faisant persister l’environnement sonore d’un plan sur le plan suivant (il aurait été plus intéressant ici de faire durer le plan 1, pour que l’on puisse apprécier le bord droit de cette « foule » !). La "manipulation" est moins grave ici que dans le reportage du 1er juillet (elle ajoutait une "ambiance" sonore à un plan visuellement totalement inanimé, accréditant par là l’idée d’un « bain de foule »), elle est néanmoins patente !
Au passage du président une jeune-fille en civil lui tourne le dos (elle évite aussi de montrer son visage à la caméra) : son rôle apparemment est de "contrôler" la « foule » de son côté (pourtant simplement composée, à vue d’œil, de quelques personnes du 3ème âge).
La présence de cette jeune-fille, après les deux créatures du plan 1, semble accréditer l’existence d’une "garde prétorienne femelle" au service du candidat UMP du chef de l’Etat.
Plan 3 (14 secondes)
(à 0’25 de la vidéo)
Journaliste 2 ("off", au président) : « Est-ce que vous avez reçu de l’argent de Liliane Bettencourt Monsieur le président ? »
Nicolas Sarkozy : « Merci... »
Une militante UMP ("off", au journaliste) : « Oh mais on s’en fout ! »
Chœur de militants UMP ("off", huant le journaliste et sa question) : « HAAAAAA ! OHHH ! OUOUAAAEUEUEUEUEU ! HOU !!! »
Journaliste 1 ("off") : « Faire comme si de rien n’était. Visiter un hôpital de proximité... »
Rupture temporelle peu importante par rapport au plan 2 : on reconnait les mêmes lieux, les mêmes sbires placés au même endroit.
Le « on s’en fout » de la militante UMP sur la bande son est particulièrement absurde et déplacé, en tant que sensé représenter la vox populi ("l’opinion du peuple") - et d’ailleurs clairement contredit un peu plus tard dans le même JT de France 2, par le témoignage de la candidate des Verts en campagne sur le terrain dans une élection partielle : « les gens ne s’intéressent qu’à ça [l’affaire Woerth-Bettencourt-Sarkozy]. On aimerait qu’ils s’intéressent aussi à notre programme ! »
Chose très remarquable, déjà notée dans l’analyse du reportage du 1er juillet : les militants UMP "hurleurs" prennent manifestement le plus grand soin de ne pas apparaître à l’image. Il y a là très certainement consigne, donnée à ces militants.
Autre chose très remarquable, et difficilement explicable : les militants UMP "hurleurs" ont l’air placés très près du micro (davantage que le journaliste 2 qui pose sa question au président, ou que Sarkozy lui-même). Comment un tel prodige est-il possible ? Ont-ils un micro spécialement dédié ? A moins qu’ils restent tout simplement agglutinés derrière et sur les côtés de la caméra, aboutissant ainsi à ce double résultat : ne pas apparaître à l’image ; et pouvoir facilement rugir en direction du micro traditionnellement fixé sur le dessus de la caméra.
Même conclusion que dans l’analyse du reportage diffusé le 1er juillet dans le 20H de France 2 : la chaine de télévision publique se rend complice, de façon plus ou moins active (le plan 1 a-t-il ou non été tourné par une équipe privée payée par l’Élysée ?), complice d’une entreprise de fabrication d’images factices (des « bains de foule » animés en fait principalement par des militants UMP). En clair : de la propagande. Puissent les journalistes et techniciens de France 2, refuser un jour de se prêter à pareille entreprise de désinformation (et David Pujadas cesser de couvrir d’un silence complice, ces peu reluisantes manigances).
***
La suite du reportage montre des extraits d’un discours de Sarkozy : ce dernier apparaît planant on ne sait où, comme déconnecté de la réalité (la vulgarité qui le caractérise et qui accompagne chacun de ses gestes ou paroles, n’est même plus la chose la plus frappante dans ces extraits de discours). Enfin dans ces images apparaît très clairement le fait suivant : Nicolas Sarkozy est totalement indigne de la fonction qu’il occupe.
Nicolas Sarkozy, Brie-Comte-Robert, lundi 6 juillet 2010 (à 0’53 de la vidéo)
Article d’origine avec mises à jour, à lire sur antennerelais
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Sur le même sujet :
« Bains de foule » de Nicolas Sarkozy : petits trafics au 20H de France 2 (02/07/2010)
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