Oui à une information équitable
C’est un virage on ne peut plus positif dans le monde des médias. Les télévisions et les radios roumaines pourraient êtres invitées prochainement à diffuser des journaux composés pour moitié d’informations positives. Craignant pour la santé morale des Roumains, les sénateurs viennent d’adopter à l’unanimité une loi en ce sens.
« Les programmes d’actualités des télévisions et des radios devraient, dans la même proportion, contenir des informations positives et négatives », prévoit la législation, qui a été adressée au président Traian Basescu pour être éventuellement promulguée. Les sénateurs qui ont lancé ce projet ont évoqué « l’extraordinaire nocivité » des informations « négatives » et leurs « effets irréversibles sur la santé et sur la vie des gens ». L’objet de la législation serait « d’améliorer le climat général et d’offrir au public la chance d’avoir des perceptions équilibrées de la vie quotidienne, psychiquement et émotionnellement ».
La loi a été immédiatement critiquée par les journalistes qui espèrent qu’elle ne sera pas promulguée. Ces derniers lui reprocheraient de leur imposer une forme de dictature positive, à l’écart des grandes problématiques de ce monde. Or, du point de vue du consommateur de l’information, devrions-nous trouver plus normal que cela soit les médias qui imposent leur loi par la prédominance des mauvaises nouvelles ? De quel droit la presse serait-elle la seule à juger de l’importance d’une nouvelle ? Le monde vu par les journalistes s’arrête à la perception que ces mêmes journalistes ont sur le monde. Ils décrivent leur réalité, passée au tamis de leur éducation, de leur culture, croyances, vécu et expériences. Leur vérité n’est pas La Vérité et, pourtant, le plus naturellement du monde, nous la digérons comme telle.
En outre, la loi proposée par les sénateurs roumains n’impose en rien une information positive unilatérale, mais une juste répartition entre bonnes et mauvaises nouvelles. Il faut que nous puissions avoir le choix de recevoir une information équitable et qu’ensuite chacun se nourrisse de la part dont il a besoin. C’est au citoyen de pouvoir choisir et non aux têtes de médias d’imposer une actualité catastrophe au nom de la rentabilité. Détourner l’actualité sur ce qu’elle présente de plus sombre est une manipulation par omission. Ceci a un effet désastreux sur notre vécu car elle banalise la violence, dresse un tableau sinistre des comportements humains, creuse les fossés d’incompréhension entre les cultures. Et, surtout, cela nourrit le phénomène de la peur qui nous rend si vulnérable, voire contrôlable, voire des acheteurs compulsifs de tout ce qui pourrait nous rassurer, des loisirs aux assurances en passant par les traitements médicaux ou l’acquisition de biens matériels. Car toutes les études l’ont montré : lorsqu’on est bien dans sa peau, on est un très mauvais consommateur. Nous n’avons besoin de rien (ou presque) car nous n’avons aucune frustration. Et cela, les publicitaires, comme les éditeurs, le savent très bien.
Le vrai débat ne se situe donc pas dans « faut-il imposer ou non une actualité positive », mais bien plus dans le rôle que les médias devraient jouer dans la société : désirent-ils aider les hommes à sortir de leurs souffrances, à contribuer au progrès et au bonheur de l’humanité en proposant une actualité porteuse de solutions, d’initiatives de paix ou de victoires sur la fatalité ? Ou préfèrent-ils céder aux études de marché au détriment d’une vision, d’un art de vivre, en insistant sur des nouvelles qui nous enfoncent dans nos angoisses - tout en se rassurant qu’ils le font à la demande des lecteurs ? Ce qui relève d’une croyance solidement enracinée. Il y a quelque temps, le quotidien La Croix avait publié une série de bonnes nouvelles sur plusieurs semaines et avait vu exploser ses ventes au numéro...
Cette nouvelle loi qui devrait faire boule-de-neige et inspirer d’autres Etats n’oblige aucunement les gens à aller mieux, mais elle propose de leur offrir la possibilité d’un territoire où ils pourraient aller mieux. Je souhaite une actualité qui me rende meilleure et plus humaine. Quand les médias reconquerront-ils la liberté et l’indépendance de traduire le monde tel qu’il est et non tel qu’on les incite, très subtilement et parfois à leur insu, à le voir et à le décrire au nom du dieu argent ?
Isabelle Bourgeois
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