Pédagogie du complexe ou rhétorique du simplisme ?
Parmi les mots qui reviennent le plus souvent dans le discours des hommes politiques, il en est un qui me semble particulièrement mal à propos. Il s’agit du mot pédagogie.
Parmi les mots qui reviennent le plus souvent dans le discours des hommes politiques, il en est un qui me semble particulièrement mal à propos. Il s’agit du mot pédagogie. Monsieur le ministre Xavier Bertrand a martelé : “Il faut faire preuve de pédagogie sur ces sujets” à l’émission Mots croisés sur France Télévision. Il nous a confié que “sans un effort de pédagogie son propos ne peut pas passer auprès des Français”.
À l’origine, le mot pédagogie désigne (cf. lexilogos) la “science de l’éducation des jeunes, qui étudie les problèmes concernant le développement complet (physique, intellectuel, moral, spirituel) de l’enfant et de l’adolescent”. Par extension, ce terme englobe également l’ensemble des méthodes “dont l’objet est d’assurer l’adaptation réciproque d’un contenu de formation et des individus à former”. Bref. Il est question de formation et d’individus dont il faut assurer le développement. Hier soir, sur France 2, il devait certainement s’agir du développement intellectuel et moral des citoyens français, tous en stage de formation continue avec monsieur le ministre en formateur.
Quelles étaient les leçons à l’ordre du jour ? Le service minimum et le contrat de travail unique. Pour ma part, j’estime que ces sujets sont des messages politiques forts, des sujets propices au débat et à la négociation avec les partenaires sociaux, des enjeux futurs pour notre pays. En aucun cas des leçons à recevoir. Ce “message à faire passer aux Français”, que les politiques affectionnent, ne doit pas être de nature à former, mais de nature à convaincre, car il est politique. C’est pourquoi, je ne comprends pas le recours au mot pédagogie. Il me semble que la rhétorique est bien plus utile dans ce cas précis. Les hommes politiques useraient-ils de la rhétorique en se cachant derrière le masque de la pédagogie ? Si l’élite de notre pays confond ces deux termes, et c’était bien le cas hier soir, les Français ne sont pas dupes. Mais, à force d’user de “pédagogie”, ils pervertissent à petit feu les efforts de milliers d’enseignants en assimilant peu à peu un acte formateur utile à un discours creux de propagande, digne des plus grands sophistes.
Paradoxalement, le seul à avoir fait preuve de pédagogie dans cette émission était monsieur Alain Finkielkraut. Son discours passionné passe néanmoins pour de la propagande aux yeux de nombre de téléspectateurs (cf. le forum de "Mots croisés"). On peut critiquer sa pensée et ne pas être d’accord avec lui, mais il faut reconnaître la puissance de son propos et les efforts de clarté qu’il offre à ceux qui l’écoutent et le lisent. À l’opposé des discours simplistes, précisément imprécis et volontairement courts de nos hommes politiques, le discours d’un philosophe est complexe, nuancé et profond. La rhétorique efficace du simplisme tue dans l’oeuf les efforts de pédagogie. Mais tout ceci, Socrate le savait déjà...
Messieurs le politiques, de grâce, les médias ne sont pas immuables, et vous pouvez les faire évoluer. Pour peu que vous exigiez d’eux un temps de parole conséquent et que vous ne méprisiez pas les capacités de votre auditoire à vous comprendre, la politique en sortira grandie.
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