« Poutine est à la manœuvre » derrière les Gilets jaunes : le complotisme débridé de Brice Couturier, journaliste à France Culture
Vous connaissez sans doute l'histoire du bon et du mauvais chasseur. Laissez-moi vous conter l'histoire du bon et du mauvais complotiste...
Samedi 1er décembre 2018, en pleine manifestation des Gilets jaunes sur les Champs-Élysées, à Paris, le journaliste Brice Couturier, qui officie sur France Culture, balance ce tweet aux relents complotistes :
"Poutine est à la manœuvre. Une petite guerre civile en France ferait bien ses affaires."
L'économiste Jacques Sapir lui répond alors tout de go :
"Cher Brice Couturier,
Ne changez rien ! Vous êtes un magnifique spécimen de l'Homo Macronicus.
On vous conservera,
Dans le formol...
Bisous"
Homo Macronicus... Il est vrai qu'en décembre 2017, ne ménageant pas ses efforts, Brice Couturier cirait les pompes du nouveau président de la République : "Chez Hegel, Macron a trouvé la pensée de la rupture", déclarait-il solennellement. Fichtre !
Naufrage intellectuel
Suite à son tweet ridicule, le journaliste de France Culture se fit gentiment moquer. Florilège de réactions :
"La paranoïa et le délire de persécution, ça se soigne. Et quand on dit une grosse connerie, on assume."
"C'est étonnant d'être aussi bête. Ça force le respect."
"Quand je pense que mes impôts servent à payer ce suppo du capital, cet hystérique du système qui tient son crachoir sur une radio d'Etat. Et oui Brice, Twitter représente 100 fois plus le réel qu'une salle de rédaction où 99% vote pour leur maître Macron."
"Brice le complotiste... Au prochain épisode, vous nous direz que les Américains ne sont pas allés sur la lune ou que le 11 Septembre est un coup des francs-maçons. Vous rendez-vous compte à quel niveau vous êtes tombé ?"
Brice Couturier vit derrière cette avalanche de critiques la confirmation de son délire (en vertu du célèbre biais de confirmation) ; il crut voir par milliers des trolls de Poutine venir lui mordiller les mollets. Ainsi lança-t-il à Jacques Sapir :
Le 4 décembre, en pleine crise de paranoïa, il lance, excédé :
"Que les trolls de Poutine nous lâchent les baskets !"
L'homme se croit pourchassé sur Twitter par des hordes de Poutiniens, qui n'auraient qu'une obsession : le faire taire. Certains twittos tentent de le ramener à la raison :
"Les trolls de Poutine / agent de l’étranger. Rhétorique nauséabonde pour diffamer ceux qui ont le culot de ne pas être d’accord avec vous. Les trolls sont des personnages de légende hier comme aujourd’hui."
Mais rien à y faire. Brice Couturier s'enfonce dans son délire. Et peine à trouver du soutien sur Twitter... Heureusement, il trouve un allié inespéré en la personne de l'éditocrate Jean-Michel Aphatie, qui vomit - comme lui - sur les Gilets jaunes :
"Bravo, Jean-Michel Apathie. Vous faites partie du petit nombre de journalistes qui est en train de sauver ce qui reste d'honneur dans notre profession. Il faut du courage pour résister à la meute, je le sais."
Seul contre tous (ou presque), Brice Couturier poursuit sa croisade contre les Gilets jaunes et pour la défense de l'ordre établi.
Complotisme et fakenews sur la radio d'État...
Le 7 décembre, le journaliste montre qu'il a de la suite dans les idées, dans sa chronique diffusée sur France Culture, intitulée "Ne pas laisser des acteurs étatiques et non étatiques déstabiliser nos démocraties !" :
"(...) Poutine a été l’un des premiers dirigeants politiques à saisir les potentialités de ce fantastique outil de manipulation que constitue internet. Il utilise des « usines à trolls » et des « bots » pour faire passer sa propagande. Il l’a démontré durant les dernières élections américaines.
(...) Steve Bannon, le grand manipulateur de médias largement utilisé par Donald Trump durant sa campagne électorale, est dorénavant à la manœuvre en Europe… Il faut rester vigilants. (...)
L’ère du numérique, avec les réseaux sociaux, favorise la polarisation des opinions, la violence des propos, l’extrémisme sous toutes ses formes. (...)
Le problème, écrit Joseph Nye, l’un des plus importants théoriciens des relations internationales, qui a servi sous Bill Clinton, le problème, c’est que des acteurs, étatiques ou non étatiques, ont compris depuis longtemps comment ce système pouvait être utilisé pour déstabiliser les démocraties.
Les Américains savent à présent que les élections américaines de 2016 ont été préparées longtemps à l’avance par le Kremlin (...).
La violence peut se donner libre cours sur les réseaux sociaux. On s’y habitue. Ce à quoi il ne faut pas s’habituer, c’est à ce que la violence virtuelle devienne une violence réelle. Que les appels à l’émeute débouchent sur un bain de sang. Parce qu’alors, la démocratie ferait le jeu de ses ennemis. Tant de puissances aimeraient voir l’Europe à feu et à sang !"
Dans un tweet, publié le lendemain et faisant la promotion de sa chronique, Brice Couturier persiste et signe :
Immédiatement, il est épinglé par Fabrice Epelboin, enseignant à Sciences Po Paris et spécialiste des réseaux sociaux :
"Complotisme et fakenews sur la radio d'Etat... On en est là."
Mais il est, en revanche, soutenu par Laurence Parisot, l'ancienne présidente du Medef (à qui on ne la fait pas...) :
"Cette alerte formulée par Brice Culturier doit être prise très au sérieux. Je suis sidérée du nombre de personnes autour de moi qui se laissent piéger. On attend des grands médias qu’ils jouent pleinement leur rôle, ce qu’ils font peu ou mal."
On a les alliés qu'on peut...
"J'avais raison" ! "J'avais raison" !
Ce 8 décembre, un peu plus tard, le journaliste trouve enfin de quoi argumenter son idée fixe, avec trois articles, en provenance du Times, de Bloomberg et du Parisien.
Ainsi commence l'article du Times (partie accessible gratuitement) :
"Des centaines de comptes de médias sociaux liés à la Russie ont cherché à amplifier les manifestations de rue qui ont secoué la France, selon une analyse vue par le Times.
Le réseau de comptes a diffusé sur Twitter des messages mettant l’accent sur la violence et le chaos provoqués par les gilets jaunes ou les émeutes des gilets jaunes. Lorsque les troubles ont commencé le mois dernier, un groupe d'environ 200 comptes contrôlés publiait environ 1600 tweets et retweets par jour. Une grande partie des comptes semblent être des "faux nez", qui sont supposés être dirigés par des Occidentaux.
Selon une analyse de New Knowledge, une société de cybersécurité, les comptes auraient répandu la désinformation, utilisant des photographies de manifestants blessés d'autres événements pour renforcer le récit de la brutalité de la police française."
Comme le dit Nicolas Tenzer, ancien président de l'Institut Aspen, qui commente cet article : "Personne n'a dit qu'ils [les Russes] étaient derrière ou ont créé les protestations. Ils les alimentent et ils l'ont fait ailleurs en Europe et aux États-Unis."
Pourtant, Brice Couturier, sur la base de cet article, s'empresse de dire : "J'avais raison". Il faut toujours se méfier de ceux qui s'empressent de dire "J'avais raison", dès qu'un petit élément, même isolé, semble aller dans leur sens ; cela s'appelle céder au biais de confirmation. Et ce n'est pas une manière très rigoureuse de procéder.
L'article du Times ne montre pas que l'action des "trolls" russes a eu le moindre impact sur les manifestations des Gilets jaunes (et pour cause, le mouvement ne s'est pas structuré sur Twitter, mais sur Facebook). Il nous dit seulement que 200 comptes sur Twitter ont tenté d'amplifier le mouvement. Y ont-ils réussi ? On n'en sait rien.
Que nous dit l'article de Bloomberg ? Que la France a ouvert une enquête sur une "possible ingérence russe" derrière le mouvement de protestation des Gilets jaunes. En effet, "selon l'Alliance for Securing Democracy, environ 600 comptes sur Twitter, connus pour promouvoir les vues du Kremlin, ont commencé à se focaliser sur la France, augmentant leur usage du hashtag #giletsjaunes". "Une enquête est actuellement en cours", a déclaré à ce propos le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian. "Je ne ferai aucun commentaire avant que l'enquête ait apporté ses conclusions", a-t-il poursuivi. Autrement dit, l'article de Bloomberg n'apporte aucune certitude.
Que dit enfin l'article du Parisien ? Citons-le largement :
"Gilets jaunes : enquête sur une possible ingérence étrangère
Les services de renseignement vérifient le rôle de réseaux sociaux liés à l’étranger qui auraient pu tenter d’amplifier la mobilisation des Gilets jaunes.
Des activistes en ligne ont-ils cherché à amplifier depuis l’étranger la colère, bien réelle, des Gilets jaunes français ? C’est ce que cherche à savoir le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN).
Cet organisme dépendant du Premier ministre coordonne actuellement les vérifications des services de renseignement français, et notamment de la DGSI, pour faire la lumière sur une possible ingérence étrangère dans l’activité des réseaux sociaux. Les investigations portent sur les conditions dans lesquelles certains comptes ont été créés ainsi que sur l’activité suspecte de sites démultipliant l’information et le commentaire de manière automatisée.
Une ingérence russe ?
Le journal britannique The Times, se fondant sur une analyse à laquelle il a eu accès, évoque ce samedi le rôle de « centaines de comptes de réseaux sociaux liés à la Russie » ayant « cherché à amplifier les manifestations de rue qui ont secoué la France ». De source proche de l’enquête française, on se montre cependant prudent.
Si l’intérêt des médias russes pour ce phénomène social et politique apparaît évident, avec une couverture très critique de la gestion de la crise par le gouvernement français, « aucun élément objectif », selon un bon connaisseur du dossier, ne permet d’établir un lien technique entre l’effervescence sur les réseaux sociaux et les services russes. Pour l’heure, la justice n’est pas saisie."
Brice Couturier a beau répéter "J'avais raison", et présenter fièrement l'article du Parisien avec un "Enfin !" de soulagement, l'article en question lui donne tort. Rien n'indique, à ce jour, que les services russes aient eu le moindre impact sur les manifestations des Gilets jaunes.
La leçon implacable du prof au cancre agité
Fabrice Epelboin tente de remettre Brice Couturier face à la faiblesse de son argumentation :
On peut tenter le buzz, mais l'analyse mystérieuse qu'évoque @leparisien ne relève qu'un bruit de fond d'un botnet russe opportuniste. Pas de quoi fouetter un chat. Analyste aux études passées discutables, qui plus est. https://t.co/C6XbH3FbvO #infowar pic.twitter.com/zsLXPpGWU1
— Fabrice Epelboin (@epelboin) 8 décembre 2018
Mais rien n'y fait, le journaliste, un tantinet agressif, traite d'agent de Poutine (rhétorique complotiste classique) tout contradicteur. Yves Pozzo di Borgo, sénateur de Paris, en fait les frais :
Au lieu d'éructer sur Twitter, Brice Couturier ferait décidément mieux d'écouter Fabrice Epelboin, qui rappelle, le 9 décembre sur RT, que "quelques milliers de tweets par jour, par rapport à ce qu'il y a sur les Gilets jaunes, ça ne représente rien de significatif" et que, "par ailleurs, ça n'a aucun impact sur le mouvement en lui-même, qui n'existe pas sur Twitter ; ce mouvement, il a lieu sur Facebook et uniquement sur Facebook".
Le complotisme bien-pensant... et populicide
Le 9 décembre, manifestement ignorante des propos de Fabrice Epelboin (qui, lui, contrairement à elle, est expert dans le numérique), Caroline Fourest vient alimenter la rumeur, usant d'une rhétorique complotiste très classique, raillant la "naïveté" de ceux qui ne pensent pas comme elle (la masse des moutons, sans doute...) :
"La naïveté de certains commentateurs, leur incapacité à comprendre le rôle que peuvent jouer 600 faux profils relayant en boucle de fausses informations en pleine crise, est assez désarmante. L’impact des « Fake news » est une réalité."
Olivier Costa, directeur de recherche au CNRS, directeur des Etudes politiques au Collège d'Europe, à Sciences Po Bordeaux, nourrit lui aussi la théorie du complot sur un site pourtant universitaire, The Conversation :
"On en saura sans doute plus d’ici quelques semaines sur le rôle des réseaux antirépublicains d’extrême gauche ou droite, royalistes, anarchistes ou ultra-catholiques, dans la mobilisation des gilets jaunes (ce qui n’implique pas, bien entendu, qu’ils souscrivent à leurs idées).
Il ne serait guère surprenant d’apprendre que des pays qui voient d’un mauvais œil l’existence d’un pays stable et progressiste comme la France – et d’un ensemble pacifique comme l’Union – se sont mobilisés sur le sujet aussi, pour favoriser la diffusion des revendications des gilets jaunes et soutenir leur mobilisation."
C'est un festival !
Sans preuves, le député LREM Florian Bachelier accuse, lui, Steve Bannon (l'ancien conseiller de Donald Trump) de manipuler les Gilets Jaunes. Il est remarquable que, lui aussi, use d'une rhétorique conspirationniste très classique, expliquant qu'il faut sortir de la "naïveté" et rejettant la possibilité du hasard : "Vous croyez que c'est un hasard ? [la présence de Steve Bannon aux côtés de Marine Le Pen] Pas du tout ! [ils préparent un mauvais coup...]."
Théorie du complot : Le député LREM Florian Bachelier accuse Steeve Banon de manipuler les #giletsjaunes. pic.twitter.com/qt2LecqJM3
— Pierre Sautarel (@FrDesouche) 9 décembre 2018
Le journaliste Jean Quatremer, qui officie à Libération, succombe lui aussi à la théorie du complot russe :
Le point commun de tous ces complotistes, c'est qu'ils ne semblent pas apprécier la France des Gilets jaunes. Le complotisme se nourrit en effet de la haine ou de la répugnance que l'on éprouve envers les supposés comploteurs.
Brice Couturier n'aime tellement pas les Gilets jaunes qu'il estime (c'est un comble) que les médias leur sont trop favorables :
"Le Parti des Médias (qui roule à gauche) joue un jeu très dangereux, en favorisant visiblement les reportages favorables à des Gilets Jaunes qui relèvent de plus en plus nettement de l'extrême-droite."
Ce propos a de quoi surprendre, les médias (BFM TV en tête) étant devenus une cible pour certains gilets jaunes, qui leur reprochent précisément leur manque d'impartialité et leur parti pris flagrant dans ce conflit en faveur d'Emmanuel Macron.
Opération Gilets Jaunes : 3 papys à l'assaut de l'Élysée !
Le 12 décembre, Brice Couturier s'enfonce encore un peu plus dans le conspirationnisme. Prenant connaissance d'un article du Canard enchaîné, relatant les velléités de prise de pouvoir d'une poignée de généraux à la retraite, le journaliste de France Culture ose proclamer :
"L'opération Gilets Jaunes est en train de révéler son véritable objectif."
Il existerait donc une "opération Gilets Jaunes" (!), dont l'objectif inavoué, depuis le début, serait la prise de pouvoir d'anciens militaires... Les généraux Villiers, Tauzin et Piquemal auraient donc ourdi un obscur complot pour prendre l'Elysée et auraient, à cette fin, instrumentalisé les Gilets jaunes sur tous les ronds-points de France avec l'aide secrète du Kremlin... Voilà donc la fable à laquelle croit notre éditocrate.
Évidemment, sur Twitter, les réactions virent à la consternation :
"S’emporter à propos des fakenews, mais s’y adonner soi-même. Voilà qui n’est guère cohérent !"
"Vous vous appuyez sur un article complètement creux, qui n'apporte aucun élément concret. C'est malhonnête. Votre naufrage, d'intellectuel, devient moral ; on n'est jamais si servile sans une dose conséquente de vice."
"Attention le délire est proche ! Pourquoi faire un tel amalgame ? Ecoutez, j’ai une information importante : sur un rond point tenus par des gilets jaunes j’ai vu un gendarme. C’est un signe, la gendarmerie prépare un putsch !"
"Vous sombrez dans le complotisme le plus crasse."
Un individu n'a cependant pas renoncé à éduquer le journaliste à la dérive (béni soit-il...) :
"Vous confondez une conséquence et un objectif."
Gilets jaunes et jihadistes : un même danger ?
Brice Couturier, incapable de reconnaître son égarement, cherche désespérément un moyen d'échapper à l'accusation de conspirationnisme, qu'il reçoit de la part de nombre de twittos. Le 14 décembre, en fin de journée, le journaliste croit avoir trouvé de quoi sauver sa réputation et lui donner enfin raison : il s'agit d'un article des Echos.
L'article commence de manière plus que ronflante :
"Sous les pavés des manifestations, se cache une gigantesque manipulation numérique que certaines enquêtes en cours sont en train de mettre à nu."
Attention ! Énormes révélations en vue !
Continuons la lecture (ici, vous avez accès à tout l'article gratuitement). Ben mince alors... L'article ne révèle en fait rien du tout. Aucune info digne de ce nom. Aucune preuve de la "gigantesque manipulation" que des enquêtes sont, paraît-il, en train de mettre à nu. Du coup, cet articulet se révèle être lui-même une intox.
Quel est donc le grand journaliste d'investigation qui l'a écrit ? Un certain Matthieu Courtecuisse... qui n'est pas journaliste, mais fondateur de SIA Partners, un cabinet de conseil en management et stratégie opérationnelle (l'homme a, soit dit en passant, une fortune estimée en 2018 à 240 millions d'euros). Et l'article n'a pas été publié directement sur le site des Échos, mais sur "Le Cercle", une section du site dédiée au débat où, est-il précisé, "les textes publiés (...) proviennent de notre communauté de contributeurs extérieurs".
Brice Couturier n'est donc pas fichu de distinguer l'article d'un journaliste d'investigation de celui d'un contributeur extérieur sur un site annexe, qui, en l'occurence, raconte n'importe quoi. A noter, dans ce papier peu sérieux, une déploration de la "décrédibilisation des médias consciencieux et des leaders d'opinion traditionnels"... Et cet appel énergique à la résistance oligarchique contre les Gilets jaunes :
"Il faut donc que tous les acteurs responsables de la société civile se mobilisent pour contrer l'émergence des mouvements factieux ultra-minoritaires.
(...) il leur revient de protéger l'essentiel : la démocratie libérale. En commençant par deux points d'attention : la lutte contre les phénomènes de contagion dans les médias traditionnels et la protection des médias professionnels et des leaders d'opinion face au harcèlement.
Les acteurs de la tech ont un devoir d'alerte. Ils doivent développer des outils d'anticipation et de mesure de ces phénomènes. Google a pris l'initiative depuis plusieurs années grâce à une start-up dédiée, Jigsaw, qui observe ces mouvements populistes mais également le recrutement dans les mouvances islamistes radicales - ce sont des procédés similaires.
Les citoyens soucieux du respect des règles du débat public doivent exiger et soutenir le déploiement de ces nouveaux outils d'alerte et d'autorégulation."
On appréciera de voir les Gilets jaunes ("populistes") et les islamistes radicaux rangés dans la même case... celle des ennemis de l'oligarchie (en novlangue, on appelle ça "démocratie libérale"), qu'il convient de surveiller, et dont il convient d'anticiper les mouvements, pour les empêcher, les neutraliser.
Ce quatrième article, que Brice Couturier a sorti de sa manche, le ridiculise encore plus que les autres, mais révèle, semble-t-il, le fond (très dur) de sa pensée.
Les chasseurs oublient (malencontreusement) Brice le conspi...
Évidemment, les "chasseurs de conspis" patentés n'ont pas relevé les outrances complotistes de Brice Couturier, appuyées par Caroline Fourest, un député LREM, un directeur de recherche au CNRS, ou encore le très européiste Jean Quatremer. Eux pratiquent, en effet, un conspirationnisme autorisé. Dans les milieux autorisés à penser, comme disait Coluche, on s'autorise ce genre de conspirationnisme. Dirigé contre le peuple et ses Gaulois réfractaires (l'ennemi intérieur) et la Russie (l'ennemi extérieur).
Le 3 décembre, Le Monde a trouvé le temps de pondre un article sur un présentateur de la télé russe, qui voit derrière les Gilets jaunes... les Américains à la manœuvre. Mais pas un mot sur le collègue de France Culture qui se répand sur Twitter pour nous assurer, sans un début de preuve, que derrière les Gilets jaunes, il y a les Russes à la manœuvre.
"Les « gilets jaunes » vus de Moscou : une « révolution de couleur » fomentée par les Etats-Unis
Selon Dmitri Kisselev, présentateur vedette de la chaîne russe Rossiya 1, il semblerait que, tout comme lors de la « révolution orange » en Ukraine, les Américains sont à la manœuvre en France."
Et Conspiracy Watch ? Il a bien dû faire un article sur Brice Couturier ? Ou, au moins, épinglé ses tweets dans sa veille quotidienne sur Twitter ? Eh bien non... Sans surprise, cet observatoire a surtout pointé son doigt accusateur sur des défenseurs des Gilets jaunes, tels Emmanuel Todd et Jean-Claude Michéa, qui ont donné crédit à l'idée de la présence d'agents provocateurs dans les manifestations, et sur les Gilets jaunes eux-mêmes. Rudy Reichstadt a certes noté, très discrètement, les propos complotistes de plusieurs députés LREM et a peut-être répondu, dans le passage qui suit, sans le nommer, à Brice Couturier :
"Le complotisme a toujours été utilisé comme réflexe d’auto-défense et, à ce titre, il est trans-courants même si, il faut le préciser, avec des intensités différentes. Il ne signe pas seulement le désarroi de ceux qui sont à court d’arguments. Il est aussi la marque d’une paresse intellectuelle. Des députés de la majorité ont été tentés d’utiliser le thème du complot de l’étranger pour affaiblir les Gilets jaunes à peu de frais. Ils ont rapidement dû rétropédaler. Il n’y a aucune conspiration internationale à l’œuvre ici, simplement une colère populaire désordonnée. Que des acteurs étatiques tentent de jeter de l’huile sur le feu est tout à fait probable, il faudrait être naïf pour l’écarter a priori. Mais jusqu’à preuve du contraire, personne ne fût à la manœuvre, dans les coulisses, pour faire émerger ce mouvement."
Brice Couturier sait donc ce qui lui reste à faire : sortir de sa paresse intellectuelle et apprendre à apprivoiser son réflexe d'auto-défense (anti-russe et anti-populo).
La bienveillance et le mépris
Dans un texte publié le 13 décembre, le philosophe Michel Onfray, à la différence des anti-conspirationnistes professionnels, s'est efforcé de comprendre (avec bienveillance) pourquoi le petit peuple pouvait être amené à aller dans le sens du complotisme (car il en a soupé de la désinformation et de l'idéologie mainstream), au lieu de le condamner avec le mépris et la condescendance dont sont coutumiers nos donneurs de leçons habituels. Cela fait toute la différence. Le peuple peut être corrigé par des intellectuels qui le respectent - et le peuple se sent respecté par des hommes comme Michel Onfray ou Étienne Chouard. Mais le peuple refuse toute correction venant d'individus hautains, si ce n'est infects, chez lesquels aucune empathie n'est perceptible. Inutile de donner des noms. Et il faut un sacré mépris pour penser que le peuple français ne peut pas se révolter sans être manipulé par des trolls russes.
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