Presse écrite : une industrie en panne
A l’heure de l’internet, de l’avènement des grands groupes de journaux gratuits, la presse papier se voit contrainte de repenser son modèle, ainsi que le métier de journaliste, qui, malgré la précarité et l’instabilité qui règne autour de cette profession séduit toujours autant les jeunes...
Déficitaires pour la plupart, les titres quotidiens papier subissent plusieurs exceptions françaises qui ont amené progressivement au déclin ce milieu depuis la Libération.
Seuls La Croix (groupe Bayard), L’Equipe (Groupe Amaury) et Les Echos (FT Group) sont des titres rentables, des cas isolés au vu de la difficulté qu’éprouvent la plupart des quotidiens nationaux à couvrir leurs frais d’exploitation.
Ainsi, alors que le prix de revient d’un quotidien national oscille entre 1,10 et 1,60 €, il est commercialisé en kiosque entre 0,75 et 1,20 €. La dépendance à l’égard de la publicité devient alors très forte, souligne la professeur d’économie des médias Nadine Toussaint Desmoulins.
Une presse écrite dépendante de la publicité
Pourtant, la publicité dans les quotidiens nationaux ne représente que 17,4 % du marché de la pub dans les médias ; alors que ce chiffre culmine à 32 % outre-Rhin ! Et nos voisins allemands ne font pas figure d’exception puisqu’en Grande-Bretagne et en Espagne, avec 22 et 24 %, la presse quotidienne occupe une place nettement plus enviable qu’en France dans ce domaine, qui, en dépit de l’expansion du marché de la publicité sur le net, reste toutefois autant prisée par les annonceurs.
Actuellement, la part de la publicité dans les revenus de la presse payante se situerait à 48 %, une forte dépendance souvent dénoncée au même titre que la concentration des médias, détenus par des grands groupes de presse tels Lagardère et Dassault, qui en parallèle de leurs activités journalistiques sont présents dans d’autres secteurs, un danger pour le pluralisme estiment certains.
Mais produire de l’information coûte cher et actuellement il n’y a pas de survie possible en dehors des grands groupes, explique l’économiste Nathalie Sonnac qui juge la concentration d’autant plus inévitable que la plupart des titres de presse font face à une érosion régulière du nombre de leurs lecteurs.
Un lectorat infidèle
Effectivement, sur la période 1995-2005, les dix premiers quotidiens français ont assisté à une baisse de leur lectorat de l’ordre de 5 %. Cette conjoncture a causé des baisses de vente extrêmement conséquentes, notamment pour France Soir qui en l’espace de dix ans a vu ses ventes chuter de plus de 71,2 % ; et, alors que le quotidien d’Olivier Rey occupait la quatrième position du classement des quotidiens les plus vendus, France Soir se voit relégué à la dixième position.
Libération et L’Humanité, aux lignes éditoriales clairement engagées à gauche, chutent respectivement de 12,2 % et 16,2 %, alors que L’Equipe, Le Figaro et Le Monde évitent la chute et maintiennent des ventes annuelles aux alentours de 320-340 millions d’exemplaires.
Aujourd’hui en France-Le Parisien, avec une hausse de 11,7 %, a opéré une régulière ascension et cela malgré la rénovation du Parisien qui s’est lentement dirigé vers une approche plus régionale.
Enfin, les quotidiens économiques La Tribune et Les Echos, avec une augmentation de leurs ventes de l’ordre de 13,6 et 16,4 % ont su bénéficier de la non-concurrence des gratuits et se sont hissés à la 8e et 6e place du classement des ventes, alors qu’ils occupaient auparavant la 7e et 9e position de ce même classement.
L’émergence des gratuits
Mais, outre ces trois exceptions que sont Le Parisien, Les Echos et La Tribune, la presse quotidienne a assisté ces dernières années à un repli de son lectorat dont la cause se trouve notamment dans l’émergence des journaux gratuits, qui représentent 17 % du marché des journaux en Europe et plus de 51 % en Espagne, 33 % au Portugal, 32 % en Italie et 29 % au Danemark. En France, si la proportion de journaux gratuits distribués est en constante hausse, les chiffres déconcertants observés en Espagne sont loin d’être atteints : 1 742 000 quotidiens gratuits sont distribués chaque jour dans l’Hexagone contre 2 365 000 en Espagne.
Les leaders sur ce marché émergent sont incontestablement les Scandinaves Kinnevik (Metro) et Schibsted (20 minutes) qui sont désormais présents sur la quasi-totalité du territoire européen. De fait que, depuis 2006, Metro revendique plus de lecteurs que Le Monde ! Le chiffre d’affaires des gratuits a augmenté de 300 % en l’espace de trois ans et toujours plus de Français sont séduits par ce nouveau concept qui parcourt une actualité au jour le jour par le biais de brèves courtes et concises.
La neutralité prédomine dans ces brèves, d’autant plus que les dépêches brutes des agences de presse sont elles aussi publiées dans ces quotidiens 100 % financées par la publicité. Mais la simplicité de leur contenu ne saurait contenter qu’une minorité de Français, et l’avenir de la presse écrite sera certainement dissocié de ce concept révolutionnaire.
Une solution pour entraver le déclin d’une presse écrite pourtant indispensable ? Le développement des abonnements sur internet via PDF permettrait de réduire considérablement le prix de revient et donc le prix de vente des journaux. En effet, les coûts d’impression sont deux fois plus élevés en France que dans le reste de l’Europe et représentent 10 % des dépenses annuelles des journaux. Elles ne seraient alors plus nécessaires avec le PDF. Internet, souvent décrié, souvent accusé d’avoir précipité le déclin de la presse écrite deviendrait alors le seul moyen de recours d’un média dont la rénovation est aujourd’hui urgente...
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