Presse spectacle, politique spectacle : l’exemple du Zimbabwe
De nos jours, un bon politique n’est plus un bon gestionnaire du bien collectif : c’est un showman qui a besoin de la presse pour exister. Et à force, la presse n’est plus un corps professionnel qui informe mais également un métier où il faut faire le show.
On en arrive à des déclarations tonitruantes qui marchent sur la tête et où le journalisme d’aujourd’hui joue plus dans la désinformation que dans l’information. Il en résulte un nouvel équilibre où la presse n’est plus du côté du public et où l’information redevient de la propagande.
Tout le monde a encore en mémoire la fausse affaire des pédophiles d’Outreau. On a montré du doigt les institutions, et en particulier les institutions judiciaires, mais personne n’a pointé du doigt ni la presse dont le rôle a été essentiel dans la manipulation de l’opinion publique allant jusqu’à pousser des innocents à se suicider.
Evidemment, en parler maintenant n’émeut plus personne, car la presse d’aujourd’hui (presse écrite, télévisée ou radio) fait du spectacle sur l’émotion. Et toute affaire qui ne suscite plus d’émotion n’est plus intéressante. De plus pour chacun des journalistes, il est si facile de se dédouaner en pensant que ce n’est pas lui, mais l’autre. Et puis de toute façon, c’est la rédaction qui le veut.
Le sujet à la mode d’aujourd’hui, c’est le Zimbabwe.
LES POLITIQUES
Les politiques, toujours égaux à eux-mêmes, font de la surenchère verbale sans même se rendre compte qu’ils vont jusqu’à proférer des imbécillités. La tendance actuelle est de déclarer que les gouvernements (français, britannique, américain, Europe, Japon, ...) ne reconnaîtront pas le gouvernement zimbabwéien parce qu’il est illégal s’il y a un seul candidat.
C’est très évidemment une connerie.
Que le résultat des élections soit immoral parce que le parti majoritaire a un accès prioritaire à la presse du pays et que des violences ont lieu entre membres du parti majoritaire et membres du parti d’opposition est certain (c’est évident à l’aune de notre vision de la démocratie). Mais il y a une règle essentielle dans les pays démocratiques, c’est l’état de droit, et il n’y a pas d’illégalité dans le fait qu’il n’y a qu’un seul candidat si un des deux se retire, quelle que soit la raison que ce candidat qui se retire avoue ou n’avoue pas car la loi qui s’applique au ZImbabwe est celle du Zimbabwe approuvée par les habitants du Zimbabwe. De la même façon que la loi qui s’applique en France est celle de France, et certainement pas celle d’un autre pays même s’il s’autoproclame défenseur de la liberté.
Il y a des pays où le pluralisme des partis est interdit et où il n’y a jamais qu’un seul candidat. De notre point de vue, c’est certainement immoral et anti-démocratique, mais la communauté politique occidentale reconnaît ces pays. Il reconnaît d’ailleurs de nombreux pays, où le chef de l’Etat ne l’est qu’à la suite d’un coup d’Etat ou d’autres où il n’y a même pas d’élections.
Il y a même des cas où il y a des élections régulièrement et démocratiquement organisées (Palestine) que certains pays occidentaux (USA) ne reconnaissent pas parce que le président élu ne leur plaît pas.
Quand à la défense des droits de l’homme, c’est apparemment un argument à géométrie très variable, puisque les USA (de nouveau) viennent de retirer la Chine de la liste des pays violant les droits de l’homme en mai dernier. Ce qui - de nouveau à l’aune de l’opinion française - ne peut pas paraître vraiment normal et ne peut être interprété que consécutif à des considérations mercantiles.
Ce qui guide les déclarations des politiques n’est donc certainement ni la démocratie, ni la défense des droits de l’homme, mais tout simplement les intérêts économiques.
LA PRESSE
La presse n’est pas en reste sous deux formes d’ailleurs.
Toujours en prennant l’exemple du Zimbabwe (le sujet à la mode) :
Une première forme consiste à ne jamais citer que ceux qui sont contre le gouvernement du Zimbabwe en ignorant volontairement ou inconsciemment (ce qui serait pire d’une certaine manière) les informations qui vont dans le sens de la défense de ce gouvernement. Il n’y a guère que l’AFP qui semble rester neutre, tandis que la majorité de la presse qui rédige ses articles à partir du fil AFP filtre les échos positifs du gouvernement pour que personne n’en entende jamais parler.
Une deuxième forme consiste à écrire des choses évidemment inexactes, soit en se positionnant comme partisan d’un camp en mentant délibérément (grave pour la presse quand même), soit en étant tout simplement incompétent (ce qui ne me parait pas très positif pour quelqu’un supposé informer les autres).
Ainsi, par exemple, dans un papier de France-Soir, le journaliste fait voyager un cargo de munitions de Chine en Afrique du Sud en à peine plus d’une semaine. Ce qui est du niveau de déclarer froidement qu’il faut deux heures de voiture pour aller de Paris à Perpignan par l’autoroute.
La presse n’est désormais plus que dans le sensationalisme dans un esprit de faire des coups et non plus d’informer. Et il est probable que c’est un des facteurs qui entraînent la crise de la presse, même si ce n’est certainement pas le seul. Malheureusement, ceux qui sont victimes de cette presse ne s’en remettent souvent pas bien. De nouveau, je pense aux accusés à tort dans l’affaire d’Outreau, mais aussi aux victimes du Darfour dont la presse ne parlait guère. En tout cas, il y a autant, sinon plus d’articles sur le Zimbabwe et malheureusement la centaine de morts dans les bagarres électorales que sur les 400000 morts du Darfour.
Et même vous, lecteurs, êtes influencés gravement par cette presse car je suis certain que nombre d’entre vous ont sursauté quand j’écris "centaine de morts dans les bagarres électorales" en pensant que j’étais pro-Mugabe, car personne (à part l’AFP) ne s’est fait l’écho des cadavres des représentants officiels du parti au pouvoir qui ont été trouvés assassinés.
Beaucoup savent que Mugabe a suspendu l’action des ONG car certaines faisaient du prosélitisme pour le MDC, mais presque personne ne sait que celles qui distribuent de la nourriture ou luttent contre le sida ont été réautorisées à peine plus d’une semaine plus tard.
Certains savent qu’il y a 3000 morts par mois du sida au Zimbabwe, mais personne ne sait que ce chiffre est en baisse alors que les 6000 morts par mois en Afrique du Sud sont en hausse depuis 5 ans.
CONCLUSION
Au delà du Zimbabwe qui n’est que le sujet à la mode, je crains que la conduite du monde ne s’oriente avec le nouvel équilibre presse/gouvernants vers une nouvelle forme de dictature où les deux systèmes ne gouvernent ensemble l’opinion.
Avant la presse, les gouvernants prenaient les décisions sans vraiment laisser le choix à leurs subordonnés. La période de transition d’équilibre de pouvoir entre les deux avec souvent un certain antagonisme doit désormais être considérée comme révolue, et le mensonge des uns devient la plupart du temps le mensonge des autres.
L’exemple le plus frappant est probablement la fabrication de fausses preuves d’armes de destruction massives et de la campagne active et conjointe du gouvernement américain et de la presse pour faire la guerre en Irak avec pour partenaires ceux qui avaient un intéret économique fort à cette guerre.
Mais c’est aussi le peuple de la Corée du Nord qui meurt de faim et reste profondément convaincu que c’est de la faute de l’Occident, USA en tête.
C’est le peuple chinois, convaincu que leur forme de gouvernement est le meilleur qui soit, et celui des USA où progressivement, on se rend compte qu’il n’est plus le pays de liberté qu’il voulait être mais dérive lentement vers un régime totalitaire.
Ce que le pouvoir politique n’a jamais pu faire à la presse, à savoir la museler et la mettre au pas est arrivé par le pouvoir économique. Il n’y a plus de presse indépendante, et vous, nous, je, sommes manipulés au mépris de la vérité et de l’information. C’est ainsi que les politiques sont en train de reprendre le pouvoir dans le monde entier.
Il n’y a actuellement guère d’espoir d’indépendance que dans le "cinquième pouvoir", celui de la communication directe par les moyens technologiques nouveaux comme internet. Et il n’est pas étonnant que tous les pouvoirs dans le monde entier tentent de juguler cette indépendance et de la contrôler. Et par pouvoir, entendez aussi bien lespouvoirs politiques que la presse ...
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