La délégation du Sénat aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes a présenté son rapport d’activité ainsi que ses travaux sur le thème « Femmes et hommes dans les médias ». Elle s’est particulièrement penchée sur l’image des femmes dans les médias et son utilisation, notamment dans la publicité et sur la place et les responsabilités occupées par les femmes dans le secteur des médias.
L’image de la femme dans les médias et plus particulièrement dans la publicité
La délégation se plaint des représentations de la femme attentatoires à
sa dignité, avec des images stéréotypées des rôles des femmes et des
hommes, ainsi qu’une prédilection pour une apparence physique marquée
par le culte de la minceur.
Un contrôle exercé par le Bureau de vérification de la publicité (BVP)
Malgré un cadre juridique et réglementaire très strict, des manquements
aux règles déontologiques de la publicité subsistent toujours dans
l’utilisation de l’image de la femme. Si l’on peut noter une diminution
régulière de ces manquements, le contrôle reste non exhaustif et
d’efficacité variable selon le mode de diffusion.
16 manquements aux
règles déontologiques ont été constatés par le BVP en 2005 (69 en
2001), tandis que 89 plaintes de consommateurs ont été déposées en 2006
(472 en 2003). On peut donc noter un ratio général de manquements
constatés par le BVP très faible, de l’ordre de 0,02 %.
La profession a fait un énorme effort et l’autorégulation mise en place s’avère plutôt efficace. Cependant, la délégation regrette le caractère non exhaustif du contrôle du BVP
qui se porte essentiellement sur les publicités télévisées dont le contrôle est systématique.
En 2006, le BVP a procédé à une étude spécifique des publicités
diffusées au plan national par voie d’affichage. Sur un total de 4 288
visuels diffusés en 2006, 8 ont été considérés comme constitutifs de
manquements à la déontologie en matière d’image de la personne humaine.
Certaines affiches de films ont présenté, selon le rapport d’activité
du BVP, « des problèmes
persistants ».
Pour la presse, le rapport d’activité de 2006 du BVP a été centré sur
les services de "chat", de rencontres ou de téléchargement de
logos-sonneries, secteurs présentant un nombre de visuels
problématiques supérieur à la moyenne. Après analyse de plus de 800
pages de publicités parues dans des publications grand public, 50 pages
ont été retenues en raison de contenus non satisfaisants au regard de
l’image de la personne humaine. « Le critère de dignité était au coeur des problèmes relevés : postures dégradantes, références à des stéréotypes sexistes (les
blondes), femmes et/ou hommes en tant qu’objet sexuel... ».
Des atteintes persistantes à la dignité humaine
Des associations de lutte contre la publicité sexiste dénoncent une
persistance de publicités choquantes et dévalorisantes pour la femme,
celles-ci étant plus insidieuses que par le passé. Elles dénoncent en
particulier la résurgence du "porno-chic", soutenues par le BVP qui a noté « une amorce de retour de cette tendance mêlant pornographie-violence-soumission,
apparue au début des années 2000 ».
La célèbre agence Euro RSCG explique ce phénomène par la logique très
particulière et complexe de l’univers du luxe, reliée au désir ainsi
qu’à une dimension sexuelle. Elle assimile le monde du luxe à un « monde de construction du désir », analysant le caractère tout à fait irrationnel de l’achat d’un objet extrêmement coûteux.
Les inquiètudes du Conseil de l’éthique publicitaire
Créé à la fin 2005, le Conseil de l’éthique publicitaire, présidé par Dominique
Wolton et composé à parité d’experts indépendants (sociologues,
philosophes, médecins...) et de professionnels, est chargé d’évaluer de
manière impartiale l’activité du BVP.
Le conseil a également noté et
s’inquiète du retour du "porno-chic", d’affiches de cinéma pouvant
heurter le public, du recours à la représentation de "femme objet",
mais aussi "d’homme objet" notamment dans la presse auto-moto.
Partageant les mêmes craintes que le Conseil, le BVP note que l’on est passé au cours des vingt dernières années d’une exigence sociale de décence à une exigence de sécurité pour les
femmes.
Il s’agit d’éviter qu’une publicité ne puisse être à l’origine d’un
passage à l’acte violent, soulignant que c’était là une question de
sécurité, et non de morale. Or, la suggestion de relations sexuelles,
utilisée de façon insidieuse par certaines publicités comme argument de
vente, peut à cet égard poser problème.
Les plaintes du grand public
Des publicités jugées dégradantes et vécues comme une atteinte au
respect de la dignité de la personne humaine ont également été
dénoncées dans le cadre de l’« espace public de
débat » mis en place par le ministère de la Parité.
Plus d’un millier de messages ont été enregistrés entre début février
et fin 2004, dont un quart des plaignants était des hommes.
38 % des publicités critiquées le sont pour des motifs de décence (atteinte à la pudeur, hyper sexualisation de la nudité féminine...).
40 % l’ont été pour des motifs de discrimination. C’est moins la vision du corps nu qui choquait que la présentation différenciée des corps de femmes et d’hommes et les
références au rapport de domination/soumission.
Enfin, 18 % des publicités critiquées l’ont été pour des problèmes de violence. Il s’agit en général de violence symbolique. Certains messages ont dénoncé la pression
psychologique sur les femmes qui se sentent obligées de se conformer à un modèle dominant d’esthétisme.
Surtout, de nombreuses contributions ont souligné que la fréquente
représentation par voie d’affichage de femmes dénudées ou hyper
sexualisées pouvait être interprétée comme une
incitation à un moindre respect des femmes, voire à la violence, notamment sexuelle, à leur égard.
Les publicités dénoncées par les associations de lutte contre la publicité sexiste
Auditionné par la délégation, le réseau « La Meute contre la publicité
sexiste », dit La Meute, a mis en ligne, en mars 2007, les publicités
particulièrement choquantes classées en trois catégories. Elles se sont
vues attribuer le « Prix Macho » de la publicité.
La première catégorie est celle des clichés sexistes, la deuxième est
caractérisée par l’utilisation de la nudité et de la sexualité sans
aucun rapport avec le produit, la troisième catégorie utilise les
thèmes de la violence, de la prostitution et de la pornographie.
Prix Macho 2007 décernés par La Meute
Cliché sexiste
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" Au scrabble, tout est possible "
Commentaire de La Meute : De belles jeunes femmes sont montrées comme des rivales haineuses
et violentes. Prêtes à blesser, à tuer pour l’emporter sur l’autre, à
un jeu de société !
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Nudité ou sexualité sans rapport avec le produit
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Commentaire de La Meute : Prétendre nous vendre des livres et des disques avec une femme nue dans la neige, c’est d’abord nous inquiéter : elle va prendre froid, la
pauvre !
C’est se moquer du monde : nous ne vivons pas tous dans un camp de nudistes, et nous ne faisons pas toutes nos courses à poil.
C’est
surtout une façon d’offrir aux voyeurs matière à se rincer l’œil.
Encore des publicitaires flemmards qui ont recyclé la vieille recette :
« voir femme nue = homme saliver = homme passer à la caisse ».
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Sexualité sans rapport avec le produit
Commentaire de La Meute : Pour vanter le volume d’un coffre de voiture, on montre des jouets dans une mise en scène sexuelle.
Transformer un bon gros nounours en un souleveur de robes, c’est laisser ce symbole asexué d’enfance être gagné par la sexualité déjà fortement accentuée de la poupée Barbie.
Quelle
hypocrisie de montrer une famille traditionnelle, deux parents, deux
enfants, où masculin et féminin sont bien séparés (grand espace entre
le conducteur et la passagère, un siège vide entre le garçon et la
fille), mais dont les jouets dans le coffre s’apprêtent à copuler !
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Violences
Commentaire de La Meute : Notre capacité d’indignation n’est pas encore
complètement émoussée car, au milieu de centaines d’autres, cette image
nous a révoltées. Après tant de corps de femme présentés comme des
marchandises, voilà d’« appétissantes » jeunes femmes montrées comme
bonnes à servir de morceaux de viande à griller en brochette !
Le
corps traversé de part en part, cela signifie un corps transpercé par
un objet long et pointu, cela signifie une violence intolérable. Tout
ça pour vendre des slips et des soutiens-gorge ! Non à la banalisation
de la violence !
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Commentaire de La Meute : En représentant une femme subissant un
traitement douloureux (même si la manipulation est faite par
ordinateur), en assimilant la peau d’une femme au cuir d’un siège,
Vichy utilise la violence sexiste pour vanter un produit. Il l’avait
déjà fait dans une campagne qui donnait à voir la même partie d’un
corps féminin pincée par des pinces à linge.
Pour
vendre des soins pour la peau, l’ensemble de cette campagne utilise des
images de violence infligées à des parties du corps. C’est donc bien
sur cette tendance générale que cette marque a choisi d’axer sa
publicité. Cette banalisation de la violence est inadmissible.
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Prostitution
Je n’ai pas retrouvé l’affiche, si quelqu’un tombe dessus... Mais voici sa description :
(Cofidis) Au premier plan, deux longues jambes fines et écartées d’une
femme debout délimitent le cadre dans lequel on voit un homme, couché
dans un lit, le corps nu découvert jusqu’à la taille. Il sourit en
regardant la femme.
Slogan : « Là, j’y vais direct ! 2 mois pour en profiter un max ».
Commentaire de La Meute : On
ne comprend pas très bien qui y va ni où ni qui va en profiter (de qui
? de quoi ?), mais ce qui est clair, c’est qu’une entreprise de crédit
joue sur une image mêlant sexualité et argent, comme s’il fallait
ancrer dans la tête des spectateurs qu’il faut passer par le lit pour
obtenir un crédit.
Pornographie
Commentaire de La Meute : Est-ce une illustration de ce qu’on appelle le chic et le bon goût
parisiens que ce grand magasin se targue de représenter ? On ne voit
pas bien la différence avec une affiche de revue déshabillée, ou des
photos de magazines dits "pour hommes". |
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" Hors concours " les publicités de Dolce & Gabbana qui remporte la palme toute catégorie.
A contrario, La Meute décerne également un prix Femino pour encourager les publicitaires qui donnent une image positive ou valorisante des femmes, des hommes, ou des
rapports entre femmes et hommes.
Cette année c’est la publicité AGF qui s’est vue décerner le prix Femino 2007
Plus récemment, La Meute a dénoncé des publicités pour des
soutiens-gorge, diffusées au cours du printemps pendant la campagne
électorale présidentielle, utilisant des slogans, tels que « Enfin une candidature bien soutenue ! » ou « Avec moi, pas d’abstention ! ». Selon La Meute, « utiliser
(...) le vocabulaire de la politique pour vendre des sous-vêtements...
c’est chercher à dévaloriser des femmes qui se présentent à nos
suffrages, en les associant à des corps offerts et à des slogans à
double sens qui caricaturent le processus électoral ».
Pour la délégation, ces exemples
constituent indiscutablement des représentations dégradantes de l’image
de la femme, même si les professionnels de la publicité ont souligné la
difficulté de définir avec précision ce qui est dévalorisant ou non,
cette appréciation relevant parfois d’une grande subjectivité.
Des représentations encore trop souvent stéréotypées
Une autre dérive concernant l’utilisation de l’image de la femme
concerne les stéréotypes véhiculés par les messages publicitaires quant
aux rôles respectifs de l’homme et de la femme. Ces stéréotypes
représentent la femme au foyer comme un être dépourvu d’intelligence,
une "Bécassine" débordée face à des tâches ménagères simples.
Selon le rapport de synthèse, « les
sous-entendus véhiculés par les messages publicitaires [...] témoignent
de la persistance de stéréotypes quant aux rôles respectifs des femmes
et des hommes : la femme est tantôt une séductrice impénitente, tantôt
une ignorante des questions mécaniques et techniques, uniquement
préoccupée de l’esthétique ou du confort du véhicule... ».
L’agence Euro RSCG affirme pourtant que la représentation
traditionnelle de la femme en "ménagère" est désormais rejetée par la
plupart des femmes qui ne souhaitent pas être réduites à cette image,
même si celle-ci recouvre incontestablement une réalité, la femme
continuant d’assurer l’essentiel des tâches domestiques, à hauteur de
deux à trois heures par jour. D’après elle, la publicité actuelle fait
une large place à deux représentations de la femme : la mère et la séductrice.
L’apparition de nouvelles dérives préoccupantes sur internet
Le réseau La Meute estime que la situation sur internet est « extrêmement grave », citant l’exemple d’une publicité d’un fournisseur d’accès à internet qui, au moment des fêtes de Noël,
proposait : « Offrez-vous un homme ».
Or, ce phénomène apparaît particulièrement difficile à contrôler,
d’autant qu’il n’est pas toujours évident, s’agissant d’images
diffusées sur internet, d’établir une distinction entre les publicités
proprement dites et les images émises par les sites.
Selon Publicis Consultants, la publicité proprement dite serait une « oasis de décence » par rapport à d’autres formes d’expression non publicitaires, notamment sur internet.
Le culte de la minceur excessive : un problème de santé publique ?
« A plusieurs reprises au cours des auditions de la délégation, a été évoqué le problème posé par la survalorisation d’une apparence physique de la femme privilégiant la
minceur qui tend à dévaloriser celles, très nombreuses, dont le physique ne correspond pas à ces "canons de beauté".
Ce
phénomène s’illustre tout particulièrement par la dérive vers une
minceur extrême des mannequins. L’image de la femme ainsi diffusée lors
de certains défilés de mode, perçue comme un "modèle", peut avoir pour
conséquence une banalisation des comportements anorexiques des jeunes filles et poser un problème de santé publique.
En
France, on estime qu’1,5 % des adolescents sont touchés par
l’anorexie, qui concerne des jeunes filles dans neuf cas sur dix ; au
bout de dix ans, 10 % des malades trouvent la
mort.
Selon les médecins, les facteurs d’explication de cette maladie sont
complexes, notamment psychologiques, mais le culte excessif de la
minceur véhiculé par des mannequins de plus en plus maigres, voire
squelettiques, peut aussi avoir une influence sur les comportements,
tout en menaçant la santé des intéressées elles-mêmes.
Dans le prolongement de ces réflexions, la délégation recommande que
soit établie une "Charte du mannequinat" prévoyant notamment
l’interdiction de la participation aux défilés de mode pour les
mannequins dont l’indice de masse corporelle est inférieur à un certain
seuil, défini par des experts médicaux. »
Voici pour cette longue première partie.
Comme La Meute et la Délégation du Sénat, qui partage les mêmes avis
que l’association, êtes-vous également choqués par ces publicités ?
Pensez-vous que la dignité de la femme est remise en cause et
trouvez-vous également que certaines publicités soient un appel à la
violence envers les femmes ? Enfin, pour lutter contre cette grave
maladie qu’est l’anorexie, pensez-vous qu’établir une Charte du
mannequinat soit une solution pertinente ?
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