Qui bénéficie de la DADVSI ?
Une esquisse de la structure des groupes de médias en France, et des intérêts et conflits d’intérêt en jeu derrière la DADVSI.
Plusieurs
articles sur ce site ont montré que la loi DADVSI ne favorise ni les créateurs,
ni les interprètes, ni les consommateurs, mais uniquement des intermédiaires.
On pourrait au moins espérer qu’elle favorise des intermédiaires français. Mais
il n’en est rien.
Pour
l’édition musicale, il y a quatre sociétés : EMI, Warner, Sony/Bertelsmann et
Universal MG, filiale Vivendi. Malheureusement, Vivendi n’est pas français. 90%
de son capital est public et appartient en majorité à des fonds
d’investissement.
Pour
l’édition cinématographique, la majeure partie est réalisée par le groupe
Canal+, filiale de Vivendi, et par TPS. TPS appartient à 66% à TF1, qui
appartient à 43% à Bouygues SA, le reste étant public. Le groupe Bouygues
appartient à 18% à la SCDM de la famille Bouygues, et à 7% à Artemis de la
famille Pinault. Elles n’ont à elles deux que 31% des droits de vote. De plus,
il y a à l’heure actuelle un projet de fusion CanalSat/TPS dans lequel Vivendi
prendrait la majorité de l’ensemble, Lagardère prenant 20% de Canal+. Lagardère
n’est pas plus français que Vivendi. La famille Lagardère en détient 7% et 90%
sont publics, avec une majorité de fonds d’investissements étrangers. Une fois
cette fusion réalisée, la quasi-totalité de la production française sera faite
par une société étrangère monopolistique, et il est peu probable qu’elle
maintienne longtemps cette activité.
Pour
l’édition audiovisuelle, on trouve 17 sociétés dans le groupe Lagardère , 4
dans le groupe Bouygues, 21 dans RTL Group et 3 dans sa filiale M6. RTL Group
est une filiale de la société allemande Bertelsmann.
Pour la
distribution sur Internet, nous retrouvons les mêmes : Virginmusic et Europe 2
(Lagardère), E-compil (Vivendi), Sonyconnect et M6music (Bertelsmann), E-tf1
(Bouygues), Numéricable (fonds d’investissement anglais Cinven), etc. Les
mesures techniques de protection sont fournies par Apple (i-tunes) et Microsoft
(virgin...).
Pour la
distribution télévisée, nous avons bien sûr les mêmes : TF1 (Bouygues), M6
(Bertelsmann), Canal+ (Vivendi), etc.
Qui va
finalement bénéficier de cette loi ? Ce seront des fonds d’investissement, par exemple Fidelity Investment Ltd. Ce fonds est situé aux Bermudes,
comme Microsoft. Il appartient à la famille américaine Johnson, 4e fortune
mondiale, et gère 1000 milliards US$ de placements. C’est le premier
actionnaire d’Omnicom, premier groupe de publicité mondial (CA 9,7 milliards
US$), et le deuxième actionnaire de Lagardère (deuxième éditeur de livres
mondial, après Bertelsmann), d’IPSOS, 6e groupe d’études marketing
mondial au CA de 700 millions d’euros, et de Havas (6e groupe de publicité
mondial, ex-Vivendi), et de tant d’autres...
Heureusement,
nous pouvons compter sur la presse pour rendre compte clairement de cette
situation, par exemple sur :
- Libération (17% Pathé et 40% Rothschild)
- Le Monde (19% Lagardère et bientôt 49%)
- Le Figaro (82% Dassault, actionnaire de Nagra, fabricant des
décodeurs canal+)
- Le Parisien (25% Lagardère)
etc.
Le fait
que Lagardère ne soit plus français rend d’autant plus ironiques, avec le recul,
les fusions Aérospatiale-Matra et Hachette-VivendiPublishing, faites toutes les
deux sous le prétexte de conserver une activité sous "pavillon"
français. Il ne reste qu’un grand groupe de médias dans ce cas, la Financière
Pinault. Mais les médias n’en représentent qu’une petite partie. Les pouvoirs
publics ont de manière constante et déterminée favorisé la concentration des
médias, jusqu’à ce que ceux-ci leur échappent complètement.
Même en
cherchant bien, on ne peut trouver aucune justification à la loi DADVSI.
Peut-être est-ce une simple contrainte européenne ? Ses aspects les plus
contestables proviennent de la directive "IP enforcement" déposée par
la députée Janelly Fourtou, épouse du deuxième président de Vivendi Universal,
Jean-René Fourtou. La loi a été déposée par le ministre de la Culture
Jean-Jacques Aillagon, qui avait la tutelle du secteur quand M. Fourtou a été
nommé patron de Vivendi Universal. M. Aillagon a été ensuite exercer d’autres
fonctions dans la holding Artemis, filiale de Financière Pinault et
propriétaire de la FNAC.
Bon
appétit, messieurs.
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