Christian Poveda a été exécuté ou assassiné. Sa disparition a suscité indignation et émotion ainsi qu’une prose abondante sur les dangers et l’évolution du métier de photo-journaliste.
Avant hier, à la télévision, chez Taddeï, la bande annonce du documentaire tourné par Poveda, Vida loca, a été projetée puis bissée quelques instants plus tard, au cas où l’on n’aurait pas compris les messages véhiculés par ce collage d’images de violence basique : des ados tabassant avec férocité un des leurs, une femme pâmée dans sa douleur, un cadavre difficilement ensaché dans un grand sac de plastique noir, les menaces proférées par un colosse membre d’un des deux gangs qui mettent le Salvador ( Quelle ironie que ce nom !) en coupe réglée,...
Et alors ? ai-je envie de dire. Quels enseignements et quelles vérités tirer de cette esthétique morbide et de cette débauche de haine et de sauvagerie, sous-tendue par les gros sous noirs de la drogue ?
Qu’apportent ces descriptions, que l’on ne savait déjà, et qui ne sont que la duplication, sous une latitude d’Amérique Centrale, d’autres horreurs, échos sinistres au vers d’Aragon « Et l’enfant de la femme inutilement né ».
Cela valait-il la peine que Poveda coure tant de risques, « traite » avec ces individus sans foi ni loi, joue avec eux à la roulette russe, et, au final risque sa vie et la perde ?
« Ne jamais manger avec le diable, même avec une grande cuiller » dit la sagesse des nations.
Qui dira la fascination perverse que ces mafieux ont exercée sur le reporter, à l’image de ce qui arriva il y a quelques années au journaliste Tillier qui décrocha une interview de Mesrine et s’en sortit miraculeusement, le corps criblé de balles, l’ennemi public l’ayant laissé pour mort ?
L’ivresse que procurent le franchissement des limites et le tutoiement de l’impossible, Poveda n’est pas le seul à y avoir succombé.
Le navigateur chevronné qui périt en mer, enlevé par une lame, ce couple de vulcanologes français enseveli par une éruption, ...autant d’exemples de fins tragiques, mais gratuites et suicidaires.
Seule une monnaie funèbre et dévaluée rétribue ces comportements.