Amas ou bousculades de mots, bons et mauvais. Mensonges camouflés et vérités effleurées. Emploi abusif du conditionnel. Cascades de phrases et d’images venues d’ici et d’ailleurs, de commentaires alambiqués ou bâclés, de précisions qui ne sont que des « à peu près », d’affirmations et de contradictions, de vérifications superficielles, flot ininterrompu de « l’actualité en continu » qui, ne se contentant plus du papier, inonde par voie satellitaire, les écrans, petits et grands, portables ou fixes, chez soi comme dans la rue, avec comme seul but, celui d’assouvir jusqu’à l’indigestion, tous les goûts ou toutes les envies, en supprimant à tout jamais le temps de la réflexion.
La Chine et ses secousses sont désormais à toutes les portes, les papous deviennent vos voisins, les virus vous infectent et la banquise est à portée de main. La planète est devenue village. On y caquète sans cesse. A tort et à travers. Tout évènement, quel qu’il soit, d’où qu’il vienne, grave (la plupart du temps), farfelu ou bénin, vous est aussitôt livré à domicile, découpé, ficelé, écartelé, salé ou poivré, précipitamment de préférence, puis quelquefois, après avoir été enflé, brièvement disséqué par de doctes « spécialistes » dont les fesses n’ont jamais quitté le fauteuil douillet auquel elles sont vissées.
Jeux d’images, de mots et de…maux. La Presse. Celle où chacun, ou presque, y va de sa plume, de son clavier ou mieux de son téléphone mobile et qui ne cesse d’embrigader adeptes et consommateurs semant dangereusement chez le quidam l’illusion de vivre ou, surtout, de fabriquer « l’évènement ».
Après avoir fait partie pendant près de quarante ans des chasseurs de « nouvelles », en ayant débuté (et beaucoup appris sur le métier et sur l’homme), avec les « chiens écrasés », je suis devenu, depuis, un retraité « accroc » de l’info. Un camé qui, chaque jour et chaque nuit (à mon âge on dort peu), a besoin de sa dose. Forte de préférence. Il est évident que cet opium est parfois frelaté et il m’arrive de constater, bien souvent hélas, que, devenue un produit de grande consommation, l’information a l’existence brève. De surcroît, sortie de son contexte social et national ou même international, elle perd de son impact et même de son devenir tant elle est rapidement mise toute nue sur « le marché », pour y mourir aussitôt, travestie d’atours inutiles ou entourée de silences, ingrédients qui nuisent à sa fiabilité.
Chaque information ou du moins la plupart d’entre elles, parmi les plus importantes, ne sont qu’un des éléments d’un puzzle. Le petit bout d’histoire ou d’un évènement qui met quelquefois plusieurs semaines, sinon des mois ou des années, à se construire ou à exploser. Pour attiser la réflexion, elle a besoin de la mémoire de celle qui, sur le même sujet, ou sur un thème très proche, l’a précédée et ainsi de suite.
Il faut également connaître les quelques volets et astuces essentiels du métier afin de conserver son libre arbitre. Tout d’abord la formule journalistique « selon » un diplomate, un ministre, magistrat, policier ou tout autre responsable respectable, « désirant conserver l’anonymat ». Elle ne fait que remplacer les « selon une source, bien informée » ou « autorisée », ou bien encore des « sources concordantes » employées à tort et à travers, à mon époque, et qui permettaient trop souvent de transformer en vérité une rumeur ou plutôt une hypothèse émise par le journaliste lui-même.
Second volet, l’intrusion de plus en plus massive dans la profession, des agences de communication, des publicitaires, des attachés de presse faisant une cour indécente à bon nombre de chevaliers de la plume, qui, faciles à manipuler et même à acheter, même en temps de guerre, arrivent à publier des informations que j’appellerai « dirigées », puisées, pensent-ils, à des sources exclusives.
Puis la course effrénée à l’info prioritaire, au scoop, dont la publication ultra-rapide écarte quelquefois une nécessaire vérification. Etre le premier sur « le coup », la hantise du journaliste de terrain. Tout comme celle de la surenchère. Pour vendre mieux le média auquel il appartient, pour se glorifier également, il lui faut à tout prix être plus abondant, plus sensationnel que le confrère. En rajouter en quelque sorte. Jusqu’à noyer l’essentiel.
Sachez aussi, comme suggéré plus haut, qu’à l’exception des « grandes signatures » (et encore ???), que l’information brute passant dans plusieurs mains, se trouve donc triturée et quelque peu transformée avant d’être publiée. Et puis qu’en France comme ailleurs, les journaux télévisés, comme bien d’autres médias, vous vendent quotidiennement des sujets identiques, presque toujours traités de la même façon et qui ne dévoilent pas nécessairement l’actualité brûlante du jour. A croire que celle-ci se résume à leur seul choix et qu’un unique « conducteur » (menu du journal-télé ou radio) ou unique « maquette » (dans la presse écrite) circule à travers toutes les salles de rédaction. Inquiétant ou plutôt navrant ? Tout aussi navrant que l’importance démesurée donnée, en période de disette d’actualités, à un évènement ou fait divers somme toute proche de la banalité, ou bien l’information qui ronronne, donc rassure, diffusée souvent dans les périodes de vacances, histoire de rendre la baignade plus délassante.
Je croque donc sans cesse ma pitance qui abonde, sur Internet et la télé. A travers bien des sites et toutes les chaînes, d’expression française ou étrangère. Gavé, je ne peux m’empêcher de jeter un œil désappointé, et même quelquefois effrayé, sur cette profession du témoignage qui a été pendant si longtemps l’une des rares nourritures essentielles de ma vie.
Il est pour le moins cavalier pour la presse occidentale d’avoir, par exemple, informé sur les évènements iraniens qu’à travers des photos, téléphones ou vidéos d’amateurs venues des manifestants eux-mêmes et que rares ont été les journalistes à préciser qu’il ne s’agissait que de remous (graves c’est un fait) au sein d’une gouvernance islamique et non d’une révolution menant à un changement de régime.
Et le « secret défense » en France ? On s’empresse en haut lieu d’annoncer qu’il sera levé au sujet du massacre, il y a plusieurs années en Algérie, d’un groupe de moines français, et dès le lendemain on affiche une volonté contraire concernant l’attentat – ou sombre affaire d’Etat ? - pakistanais de Karachi ayant coûté la vie, en 2002, à une douzaine d’ingénieurs et employés français. Nul, ici et là, n’a relevé la contradiction.
Peu importe, car dans un cas comme dans l’autre, la République et ses journaleux observeront un silence opaque malgré la toute petite poignée de journalistes français d’investigation, agissant sous les ordres de rédacteurs en chef pas très courageux, que l’on trouve encore dans la profession, au sein de magazines plutôt que dans les quotidiens et a fortiori de la télé ou de la radio.
L’élan populaire de solidarité et générosité envers la France, à travers le prochain emprunt national ? Baratin immonde. Discrétion absolue sur la précision apportée par le Ministère des finances. A savoir que la plus grande part de cet emprunt serait réservée aux « institutionnels ». C’est-à-dire, les banques, les établissements financiers de toutes sortes, les compagnies d’assurances etc… Une aubaine pour tout ce beau monde sous la forme d’un intérêt annuel de 5% garanti, bien supérieur (le double) à celui offert par ces mêmes banques et quatre fois plus important que celui du célébrissime et bientôt défunt Ecureuil (1,25%) épargne qui était la préférée du peuple. Un profit identique pour les 20% de français qui possèdent 80% de la richesse du pays et qui vont certainement se bousculer au portillon. Et qui paiera la note à la sortie ? L’Etat auquel cet emprunt coûtera très cher, c’est-à-dire, pour la plus grosse part, les 80% de français qui ne détiennent … que 20% de la richesse du pays.
A ma connaissance un seul journaliste a osé évoquer ce stratagème, piège dans lequel le duo Juppé-Rocard s’est laissé prendre sous le rocambolesque, inutile et grotesque label « chargés de mission », comme l’ont été les Lang, Attali et consorts ces derniers mois.
Et que penser de l’information furtive concernant cette Gouverneure du Canada, Michaëlle Jean, « représentante de la Reine d’Angleterre », qui a mangé devant les caméras un cœur de phoque cru, après avoir éviscéré le cétacé fraîchement abattu, afin de prouver son adhésion « au rituel culturel » que constituait dans son pays « le massacre » des bébés phoques ?
Que penser du surprenant et aberrant silence collectif, y compris au sommet de l’Etat, que celui observé dans la quasi-totalité des médias français (à l’exception, sous la forme de « brèves » d’une toute petite poignée d’entre eux), au sujet des injures, dégradations, brutalités physiques et morales subies en Cisjordanie et à Gaza les mois derniers par des membres du corps consulaire français de la part des police et armée israéliennes ? Silence quasi identique à celui qui concerne encore aujourd’hui les malheurs d’un million et demi d’hommes et de femmes à Gaza qui, sans toit pour la plupart, crèvent toujours de faim, otages de l’infernal étau « Hamas-Israël » ?
Par contre la Presse dans son ensemble et à grand renfort de titres alarmants et mots barbares, a tendance à se couvrir de ridicule en continuant depuis plusieurs jours à semer la panique aux quatre coins du globe, à travers une grippe somme toute identique à toutes les autres, ayant provoqué, en plusieurs semaines, la mort de 785 personnes sur les… 6 milliards 500 millions d’individus que compte la planète. Un drame « effrayant » qui a touché – sans conséquence grave - 700 des 62 millions de français et qui a enrichi par centaines de millions d’euros les laboratoires pharmaceutiques chargés, à grand renfort de publicité, de fabriquer vaccins et masques. Ben voyons !!!
Et que dire de l’oubli volontaire ? Voilà quelques semaines, la presse dans son ensemble, fait état de l’éventuelle « légalisation du statut de mère porteuse », puis des recherches « très avancées » sur les cellules souches, dans le but de « pouvoir fabriquer en laboratoire » quelques organes vitaux comme « les poumons ou le cœur humains » et enfin, le nectar de la science médicale, la possibilité de fabriquer du… « sperme artificiel ».
Et tous les plumitifs de service de s’extasier devant de telles prouesses en oubliant l’essentiel. A savoir que de tels travaux avaient été entamés (accompagnés d’expériences horribles sur l’homme), voilà un peu plus de 70 ans, par une armée de chercheurs rassemblés par la volonté d’un tyran sanguinaire, à demi-fou disait-on, un certain Adolf Hitler.
D’ailleurs, sans ce malade pour lequel travaillait également, et avec succès, un bataillon d’ingénieurs et physiciens (dont un certain Von Braun) les Etats Unis, « récupérateurs » de ces cerveaux, n’auraient peut-être jamais eu les bombes atomiques d’Hiroshima et Nagasaki, et le monde n’aurait pas aujourd’hui à rêver de Mars …ou d’Utopie !
C’est promis je vais entamer une cure de désintoxication. Il est encore temps.