Rue89 et Le Figaro lancent la chasse au « conspirationniste » René Balme
Ce 31 mai 2012, Rue89, Street Press et Le Figaro lâchent les chiens sur le "conspirationniste" René Balme, membre du parti de Jean-Luc Mélenchon. Ils tirent tous la sonnette d'alarme contre l'indépendance d'esprit, ce crime ultime des temps modernes.

Nous sommes en 1984, et les patrouilles de la police de la pensée rôdent. Ce genre de propos tient certes maintenant du lieu commun sur la Toile, mais c'est tellement, et si terriblement vrai. Comment en sommes-nous arrivés là ?
Tout commence, le 30 mai, par un article dénonciateur d'Ornella Guyet sur Rue89 au titre assassin : "Législatives : une tache rouge-brune dans la campagne du Front de Gauche". Dans le viseur : René Balme, maire de Grigny, investi par le Front de Gauche dans la 11e circonscription du Rhône. Son crime : l'homme serait "conspirationniste". Et il animerait un site, Oulala.net, "à la ligne complotiste et aux contenus nauséabonds" (qui nous rappellent sans doute les heures les plus sombres de notre histoire...). Obsession antisioniste, homophobie, éloge des dictatures, soutien à l'Iran, interview de Thierry Meyssan... ce monsieur Balme a toutes les tares !
Ornella Guyet ne lui pardonne apparemment pas qu'il offre une visibilité à des personnages comme Gilad Atzmon, Israel Shamir (plus ou moins antisémistes selon elle), Alain Soral, Dieudonné, Thierry Meyssan, Webster Tarpley, Alex Jones (complotiste d'extrême droite, paraît-il), Pierre Hillard (un catholique intégriste et théoricien français du « nouvel ordre mondial », nous dit-on), des leaders politiques comme Milosevic, Gbagbo, Kadhafi, Ahmadinejad, El-Assad ou Hassan Nasrallah (pourtant interviewé par Julian Assange lui-même, mais persona non grata à Rue89...), le mouvement Zeitgeist, l'association ReOpen911, etc. Le seuil de tolérance de cette journaliste semble vite atteint.
Dès le lendemain, les petits jeunes de Street Press (sorte de Rue89 pour adolescents, même esprit ouvert...), embraient sur leurs aînés...
Et puis, un article du figaro.fr dénonce à son tour René Balme, le méchant conspirationniste, qui a le malheur de se poser des questions sur la version officielle des attentats du 11-Septembre et sur celle de la mort de Ben Laden, comme tant d'internautes... et se voit cloué au pilori par un petit article mesquin, qui réclame sa tête. Un article qui n'est pas sans rappeler celui de Jean Guisnel dans Le Point qui avait demandé en février 2009 la tête du géopoliticien Aymeric Chauprade, avant de l'obtenir dès le lendemain, sur décision du ministre Morin (le type qui fait des super voeux de fin d'année dans sa cuisine).
Je cite cet article surréaliste (soyez attentifs aux mots employés, qui semblent tout droit sortis de la bouche d'un inquisiteur) :
"Le Front de gauche se serait bien passé de cette publicité. Le site Rue89 a révélé mercredi que son candidat dans le 11e circonscription du Rhône, René Balme, aussi maire de Grigny, était le fondateur et l'administrateur du site Oulala.net qui soutient ouvertement des thèses conspirationnistes. L'intéressé reconnait volontiers auprès du site d'informations son implication dans ce projet tout en soulignant qu'il s'agit d'un « collectif très ouvert » et que « tout peut être publié à condition que ça puisse être débattu ». « La règle, c'est pas de propos racistes, antisémites ni d'injures. »Deux papiers récents invitent toutefois clairement à lire le dernier livre d'Alain Soral ou à regarder le premier film de Dieudonné, L'Antisémite. Devant l'apologie qui est faite de ces deux personnalités ouvertement antisionistes et proches de l'extrême droite, René Balme, mal à l'aise, botte en touche : « Ce sont les contributeurs qui doivent assumer leurs écrits », explique-t-il. Parmi eux, des antisionistes virulents dont le discours confine à l'antisémitisme et des défenseurs convaincus de dirigeants autoritaires (Kadhafi, Poutine, Ahmadinejad, etc .)
Il lui est toutefois plus difficile de nier sa propre incrédulité devant les attentats du 11-Septembre. Au site d'informations Street Press, il confesse : « Les attentats tels qu'on nous les raconte sont quasi-impossibles. Autre chose s'est passé ce jour-là, avec un certain nombre de complicités qui restent à déterminer. » Le maire donne d'ailleurs longuement la parole à Thierry Meyssan, chantre de cette théorie du complot, sur son site personnel.
[...] Sur Oulala.net, il rédige lui-même deux articles dans lesquels il remet en question la mort de Ben Laden et développe sa propre théorie sur l'arrestation de DSK, organisée selon lui par les Américains pour protéger leur monnaie."
Si l'on résume, on reproche à Balme d'avoir des opinions non conformes et de les exprimer ouvertement (autrement dit d'avoir le courage de le faire dans notre monde orwellien), d'être favorable à la libre expression et au débat, de permettre la publication d'articles favorables à des antisionistes et à certains chefs d'Etat non-alignés sur l'Occident. On lui reproche de douter de différentes versions officielles (11-Septembre, Ben Laden, DSK). Bref, on lui reproche d'être un citoyen authentique qui doute de ce qu'on lui dit, se méfie, défend encore un peu la démocratie - qui doit permettre à chacun de dire (sans risquer sa peau) ce qu'il pense vraiment - et qui a un minimum de cojones.
Mais qu'on se rassure : ce dangereux personnage va être pris en charge par les autorités compétentes, et, espère-t-on chez nos nouveaux clercs, mis hors d'état de nuire : "Alexis Corbière, conseiller de Jean-Luc Mélenchon dans la riposte contre l'extrême droite et le Front national, a promis auprès de Rue89 qu'il allait se pencher sur ce cas. Rappelons que le Front de gauche avait déjà retiré en février son investiture à un candidat, Philippe Marx, pour avoir fait la promotion en 2009 et 2011 sur son site de l'essayiste Alain Soral." On ne peut pas être plus clair : ça s'appelle une chasse à l'homme, orchestrée en duo par un média de droite, lefigaro.fr, et un média de gauche, Rue89, qui se sont donnés pour mission de couper une tête qui dépasse.
Les journalistes seraient censés être les plus acharnés défenseurs de la liberté de l'esprit. Ils en sont aujourd'hui les plus accomplis fossoyeurs.
J'étais sur le point de faire l'éloge sans réserves de M. Balme... jusqu'à ce que je lise son droit de réponse adressé à Rue89. Eh bien, le monsieur donne quelques gages à la patrouille... et n'est pas loin de faire son Cheminade (subversif sur la Toile et nettement plus docile sur les plateaux de télé et de radio).
Primo, le cas Dieudo : "Pour ce qui est de l’article concernant le film de Dieudonné, que nous désapprouvons, vous avez pu remarquer qu’il avait été retiré par le comité de lecture, qui est intervenu à postériori"... Exit Dieudonné.
Deuxio, le cas Meyssan : "Vous me refusez le droit de publier un entretien avec Thierry Meyssan, qui a l’époque vivait en France et avait des responsabilités politiques, alors que vous recevez en grande pompe Marine Le Pen le 23 janvier 2012 pour échanger avec vos lecteurs. Vous remarquerez que nous n’avons jamais donné la parole au Front National sur note site. Et nous ne le ferons jamais, soyez rassurés." Pour justifier son invitation de Meyssan, Balme se croit obligé de dire qu'il n'invitera jamais Marine Le Pen que Rue89 a invitée... Ce qui témoigne d'une drôle de conception de la démocratie. Marine Le Pen serait-elle plus infréquentable que Kadhafi, El-Assad, Ahmadinejad, Poutine... qui ont droit à des articles élogieux sur son site ? Petit manque de cojones là...
Tertio : accusé d'homophobie, le maire montre patte blanche et fait même un peu de zèle : "Non, je ne suis pas homophobe : avant-même les attaques de « Rue89 », je me suis déclaré à Lyon-Capitale, favorable au mariage des homosexuels et à leur accès à l’adoption."
En dépit de ces quelques réserves, les derniers mots de son droit de réponse visent dans le mille :
"Le journalisme n’en sort pas grandi car la méthode s’apparente fort à une sorte d’assassinat politique qui ne veut pas dire son nom.Ce comportement donne raison à la presse alternative qui ne se laisse pas et ne se laissera pas intimider par les purificateurs de la toile. Nous sommes dans une République où le mot liberté, surtout quand il est suivi de celui d’expression reste encore a défendre au risque de se mettre à dos, tout ce que la presse bienpensante compte de journalistes ou de supposés tels."
Nous vivons un temps inquiétant de profonde intolérance, où certains individus décrètent qu'ils ne dialoguent pas, et qu'il ne faut pas dialoguer avec d'autres personnes, réputées infréquentables. Et qui se félicitent de cette fermeture. Ces gens ne sont pas des démocrates. Ils ne sauraient être non plus qualifiés d'humanistes. Le drame de notre époque, c'est que ces esprits sectaires, on les trouve souvent dans les médias eux-mêmes, parmi les journalistes. Quand la démocratie pourrit par la tête... que faut-il faire ?
J'aurais pu finir avec une vidéo d'Etienne Chouard, qui est l'incarnation même de l'esprit démocratique, ouvert, tolérant, que beaucoup de nos journalistes, et parfois blogueurs, n'ont plus. Mais pour varier les plaisirs, je mets cette vidéo de Piero San Giorgio, qui répond à ses détracteurs, lui reprochant de fréquenter des gens qu'il ne faut pas fréquenter lorsqu'on est un bon petit soldat de la secte des bien-pensants. Le langage est parfois moins châtié que chez Chouard, mais le message est bon...
Et puis, pour conclure, cet éloge de l'anticonformisme signé Aymeric Chauprade (de 0'45 à 4'06) :
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