Scènes de liesse en Libye, ou comment nous y faire croire
Jeudi 20 octobre, le CNT a annoncé la mort de Mouammar Kadhafi, l’ex-dirigeant libyen, en début d’après-midi. Pour une fois, l’information semble avérée. On apprend aussi que le CNT aura été appuyé jusqu’au bout par l’OTAN dans cette guerre, Gérard Longuet nous affirmant en effet que c’est l’aviation française qui a identifié et bombardé le convoi dans lequel se trouvait Kadhafi. Et à peine est-il mort que fleurissent déjà sur Internet les habituelles diapositives sur les « explosions de joie » des rebelles et les « scènes de liesse » de la population libyenne.
Seulement voilà, comme pour la prise de Tripoli en août dernier, les images qui nous parviennent sont loin de refléter la véritable situation sur place et l’atmosphère qui y règne. J’utiliserai pour appuyer mes propos cette diapositive publiée le soir même sur LePoint.fr. Je vous invite donc à cliquer sur le lien, agrandir les photos si ce n’est pas déjà fait, et à les observer attentivement. Pensez aussi à lire les descriptions et à les comparer avec ce que vous voyez. Observations image par image :
1. « L'annonce officielle de la mort de l'ex-dictateur Kadhafi a déclenché de véritables scènes de liesse à Tripoli. De nombreux Libyens se sont réunis place des Martyrs pour laisser éclater leur joie. » On pourrait hocher de la tête et passer à l’image suivante (c’est d’ailleurs probablement l’effet recherché) mais, manque de bol, mon œil est attiré par un détail : il y a comme une différence de proportion, de taille et de perspective entre le groupe au premier plan, dense et compact, et la ligne humaine qui se dressent derrière, entre la foule et l’arrière-plan. Aucun doute possible : il y a bien eu un photomontage afin de renforcer l’impression de foule. Pourquoi ? Dans quel intérêt ? La foule n’était-elle pas assez dense ? Pas assez nombreuse ? Pas assez joyeuse ?
2. « Population et soldats anti-Kadhafi se sont mélangés pour fêter leur victoire sur les forces du dictateur. » Ce que l’on voit surtout, ce sont quelques badauds qui regardent (ou pas) une dizaine de soldats sur un véhicule blindé. On est bien loin de la « population » qui fête la victoire parmi les rebelles.
3. « Place des Martyrs, à Tripoli, une scène a été montée pour les célébrations officielles. » Où est la foule en délire que l’on nous montrait sur la première image ? À moins que ces deux hommes en treillis tenant des fusils d’assaut (en ont-ils encore besoin ?) ne représentent à eux seuls l’exultation du peuple libyen. Même le passant en T-shirt blanc semble douter...
4. « Dans les rues de Tripoli, les enfants eux-mêmes sortent dans les rues en brandissant les drapeaux de la résistance. » Un simple coup d’œil permet de se rendre compte que « les rues de Tripoli » sont vides et que ce ne sont pas quelques imposants drapeaux qui vont nous faire croire le contraire.
5. « Des combattants anti-Kadhafi traînent dans la poussière un portrait du Guide dans les rues de Tripoli pour symboliser leur victoire et fêter la mort du dictateur. » Si ce n’est qu’une fois de plus les rues paraissent désertes, et que le véhicule semble à l’arrêt, rien à signaler.
6. « Cette arme plaquée or aurait appartenu au Guide. Les combattants la brandissent en signe de victoire. » On remarquera la casquette des New York Yankees (on la voit mieux sur d’autres photos) sur la tête du jeune combattant, un des symbole du rêve américain. À noter aussi la fiabilité de l’information : « aurait appartenu ».
7. « Un enfant combattant blessé laisse, lui aussi, éclater sa joie. » Ils auraient pu préciser que cette photo a été prise en Tunisie, rue Mohamed-V à Tunis pour être précis. C’est en tout cas ce qu’indique la description de la photo 11, prise au même endroit (le bâtiment derrière est le même). D’ailleurs, il ne s’agit pas de la rue Mohamed-V, mais bien de l’avenue Mohamed-V. C’est à se demander si le photographe y était vraiment…
8. « Des enfants montent sur les véhicules pour mieux voir l'animation qui se déploie autour d'eux. » On aurait aimé voir l’animation. C’eût été plus productif.
9. « Les drapeaux du nouveau régime ont fleuri à Tripoli. » Ici, on retrouve le même type de montage grotesque que sur la première image : un semblant de foule, une ligne d’hommes et de femmes juste derrière, puis l’arrière-plan. Dès lors qu’on est assuré du trucage, on part logiquement à la recherche d’autres éléments perturbants : on remarquera par exemple la propreté de l’arrière-plan (la Place Verte, désormais Place des Martyrs). N’y avait-il pas eu, quelques semaines auparavant, des combats acharnés sur cette place ? Parce que tout a l’air « clean », que ce soit les façades impeccables des bâtiments ou l’alignement des voitures apparemment en bon état. Mais rien ne nous permet de confirmer avec certitude l’existence de ce troisième plan. En revanche, un autre détail saute aux yeux, si tant est que l’on soit attentif : le « drapeau du nouveau régime » que l’on voit au premier plan sur la gauche n’est en fait qu’un collage. Il suffit pour s’en convaincre de regarder sous la vague que forme le drapeau, sur sa droite. On voit clairement les vestiges de la photographie originale. Le bras sur la droite semble avoir subi le même sort, même s’il est plus difficile de juger. Encore une fois, pourquoi truquer les images ? Ne sont-elles pas assez représentatives de ce que les médias veulent nous faire croire ?
10. « Le centre de Tripoli est rapidement embouteillé par les Libyens en fête. » L’effet de flou pour combler le vide est flagrant.
11. « En Tunisie aussi, l'annonce tourne à la fête. Ici, dans la rue Mohamed-V à Tunis. ». « Dans la rue » ? J’aurais plutôt dit « acculé contre la façade d’un bâtiment officiel ».
12. « Des réfugiées libyennes en Tunisie se sont rassemblées aussitôt l'annonce de la mort du dictateur rendue ». Qu’est-ce qui nous prouve que ce sont des « réfugiées libyennes » ? Tout ce qu’on voit, ce sont quelques femmes au même endroit que sur la photo précédente.
13. « Comme en Libye, les enfants sont conviés à la célébration, même très jeunes. » « Les enfants » ? J’en vois qu’un, c’est normal ?
14. « À Balzan, près de La Valette, des immigrés libyens se sont aussi rassemblés pour fêter l'événement. » On a rarement vu une description qui reflète aussi mal l’image qu’elle est censée décrire. Que voit-on sur l’image ? Trois personnes, dont un homme d’affaire. C’est la fête !
Cette diapositive n’est qu’un exemple parmi d’autres de désinformation. Il ne s’agit en aucun d’un acte isolé. Les chaînes TV nous montrent en boucle des vidéos tournées dans des studios, les grands sites d’information font circuler ce genre de diapositives dont les images sont falsifiées, les journaux et les radios relayent des informations non avérées, parfois même propagandiste.
Cette article sans prétention n’a pour but que de rappeler que les « démocraties » dans lesquelles nous vivons ont atteint un niveau de corruption et de bassesse morale inouï. Les politiques ont la mainmise sur les médias, qui eux-mêmes ont la mainmise sur nos pensées. L’occident est dans une telle posture (crises économiques et sociales) qu’il en est réduit à piller ses voisins, à « apporter la démocratie » aux pays qui s’opposent à l’occident pour apporter le bonheur, non pas aux populations, mais aux banques et aux firmes multinationales en manque de consommateurs, le tout sous la protection des médias mainstream.
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