Secret Story ou le parc à humains comme distraction
J’ai suivi de bout en bout y compris via le live diffusé sur le net ce programme. Quinze candidats enfermés durant dix semaines, 41 caméras, 64 micros, une villa avec piscine... Le 23 juin, TF1 avait donné le coup d’envoi de cette télé-réalité inspirée de Big Brother (qui dans sa version australienne vient de récemment dépasser la ligne jaune de l’inhumanité en empêchant une candidate d’assister aux funérailles de son père décédé durant l’émission), soit un clone de Loft Story en France. Chaque candidat détenait un « terrible secret » (allant de la rencontre d’ovnis à un papa star en passant par la pratique du naturisme) qu’il devait préserver le plus longtemps possible dans cette « aventure humaine ». A l’arrivée, 150 000 euros pour le vainqueur, en l’occurence « les triplées » (trois soeurs jumelles).
Endemol et TF1 sont les grands gagnants une fois de plus. Après un démarrage médiocre, jusqu’à 5 millions de téléspectateurs ont été séduits lors du prime hebdomadaire par ce spectacle pourtant placé en seconde partie de soirée. La production a su instrumentaliser tant les spectateurs de ces jeux du cirque modernes que les participants. Absence de transparence quant au déroulement réel de l’émission, des votes et des privilèges accordés aux uns et aux autres en fonction de l’intérêt de l’audimat.
Il est évident qu’ils ont joué sur le caractère névrotique du couple "Tatiana/Xavier" (deux candidats qui auront cristallisé toutes les haines et les passions, dont le secret était d’être un couple qui plus est ayant beaucoup souffert mais pourtant déjà habitué à des émissions de ce type) pour mieux faire mousser l’audience avant de les lâcher une fois le résultat obtenu (ce dernier prime du vendredi 31 août les ayant crucifiés en direct en leur renvoyant à la face leurs agissements pourtant largement favorisés tout au long du jeu par l’absence même d’éthique qui caractérise ce programme (ne pas oublier que le mensonge constitue sa dynamique première)). Certes ce couple s’est révélé plus qu’odieux, pervers, narcissique et manipulateur (allant jusqu’à proférer des menaces de mort et des insultes répétées envers les autres candidats) mais s’il a pu en toute quiétude s’exprimer ces semaines durant c’est avec la bénédiction et l’appui de la production. Il suffirait de citer la mission dite de la supérette qui consistait à inciter les candidats à voler pour mieux les stigmatiser.
Qui était à la manette ? Toujours le couple ainsi valorisé et démonisé. Ils ont été le pivot central de l’émission. Les dindons de la farce sont les candidats eux-mêmes (l’individu Gabriel étant le seul faisant preuve d’un réel talent et étant finalement lâché dans des conditions plus que troubles lors de l’avant-dernier prime), mais bien évidemment et avant tout les vaches à lait qui ont payé leurs sms et appels téléphoniques pour sauver tel ou tel participant chaque semaine, croyant ainsi influer sur le résulat final alors qu’il était établi en fonction de l’audience et téléguidé en coulisses. Voyant que le dit couple devenait imbuvable et irrécupérable comme vainqueur final devant l’afflux de commentaires hostiles se déployant sur le net notamment, la production a toléré la victoire des triplées qui médiatiquement ne pourront rien démontrer de singulier (leur seule bonhomie et courtoisie bon enfant ne faisant pas d’elles des bêtes de scène exploitables plus longtemps). Cette émission avilit subtilement la dignité des participants, incitant à des haines disproportionnées et des admirations tout aussi arbitraires. La cerise sur le gâteau étant qu’elle est cautionnée par une psychologue, alors qu’il est évident que certains vont voir leur équilibre mental déjà asssez précaire dès le départ de "l’aventure" plus que mis à mal.
On vous incite à vous conduire comme des chiens, à manipuler et dévoiler vos aspects les plus bas et puis on vous les renvoie en boomerangs accusateurs à l’arrivée. Cynisme et machiavélisme sont bien avant tout à cibler du côté des grands manitous de cette chaîne, les candidats n’étant que des pions et des Kleenex jetables. A l’arrivée, moi qui, flatté dans mon voyeurisme veule, attendait comme beaucoup d’assidus de ce spectacle jouissivement répulsif un bon retour de bâton pour ce couple malsain, j’ai eu la triste sensation d’assister à de la manipulation mentale pur jus. Voir cette pauvre fille (désolé c’est tout ce que m’inspire la dite "Tatiana"), inculte et fragile mentalement, certaines scènes finales dévoilant tout son abîme affectif, emplie par son hystérie et cette pathétique aspiration à vouloir atteindre des rêves chimériques en gloussant frénétiquement, entre rires et larmes, comprenant à peine les questions posées par les "anciens", oui les atteindre par les moyens les plus retors et mesquins parce qu’on lui avait promis que c’était possible, être clouée au pilori, livrée aux sarcasmes et au sadisme à venir des foules, j’avais de la peine non pas seulement pour elle mais pour nous qui regardions cela.
Quoi qu’en disent certains (principalement le couple), il ne s’agissait pas que d’un jeu puisque des relations humaines se tissaient lors de son déroulement et à de très nombreuses reprises, certain(e)s ont utilisé les sentiments réels qui s’affirmaient à des fins cyrniques (le dit Xavier allant jusqu’à citer Henri Leconte devant son fils comme un modèle de sportif qui faisait tout pour destabiliser ses adversaires, et ce par tous les moyens, ce qui est totalement faux pour tout amateur de tennis un peu pointu, son jeu était certes souvent border line et ses déclarations d’après matches maladroites et immatures mais il respectait ses adversaires), donc-au delà de la personnalité pitoyable du "couple", c’est la philosophie même de ce jeu qui est pernicieuse puisqu’elle permet et même encourage de tels comportements. Mais tant que nous trouverons cela divertissant, il n’y aura aucune raison que les Picsou d’Arthur et autres dents longues qui tirent les ficelles à l’arrière ne s’arrêtent en si bon chemin.
Et que dire des décérébrés de l’Île de la Tentation dans le même registre de la crétinerie organisée et rentabilisée. Avec les nouvelles générations encore plus incultes, ces programmes ont l’avenir en poupe (il suffisait de lire les commentaires sur le forum de TF1 pro-couple où 99 % des soutiens disposaient de trois mots de vocabulaire et un âge légal ou mental ne dépassant pas les 12 ans). Un tel jeu pourrait être distrayant et un tant soit peu digne si l’on cherchait ailleurs que dans les poubelles et les boîtes de seconde zone des participants. Mais alors les candidats seraient moins malléables et la production ne pourrait pas en faire de bons esclaves corvéables à merci. En attendant, nous aurons droit à des candidats qui se metttent de la viande dans le slip et la remettent au réfrigirateur pour ensuite faire des diatribes contre le gâchis de nourriture, qui montrent leurs fessiers en lieu et place de cerveaux (dont le temps est déjà acheté par la direction), simulent des sentiments, s’inventent des vies qu’ils n’ont pas et des secrets de seconde zone désanchantés dans une danse de duplicité tristement cynique pour distraire le vide de millions d’ahuris qui paieront encore pour perpétuer leur asservissement en direct live méga fun, hypra cool. La schizoïdie et l’isolation allant plus que jamais de pair avec ces mises en scène désincarnées.
Finalement le crépitement de cette pluie estivale était plus revigorant et n’aurait pas dû cesser.
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