Steve Jobs veut un iTunes d’Apple sans DRM
Steve Jobs est un spécialiste des surprises, mais rares sont ceux qui auront vu venir celle-ci. Le grand patron d’Apple a publié une lettre ouverte pour demander aux majors l’abandon pur et simple des DRM sur la musique... mais avait-il le choix ?
Est-ce une véritable bombe que vient de lancer Steve Jobs à l’endroit des maisons de disques, ou a-t-il publié sa lettre ouverte
juste à temps pour prétendre demain qu’Apple était à l’origine d’une
décision historique désormais plus que probable de la part des majors ?
Depuis plusieurs mois les signes se multiplient pour nous permettre
d’anticiper un abandon des DRM de la part des quatre majors de l’industrie du disque (Universal, Warner, EMI et Sony BMG). Il n’y a guère plus que Pascal Nègre
et quelques autres retardataires à croire que les mesures de protection
imposées sur les fichiers musicaux aient une quelconque utilité
économique positive. Même si le Midem a semblé refroidir les rumeurs,
il ne se trouve plus grand monde dans l’industrie du disque pour
défendre le maintien des DRM et prédire qu’ils seront toujours présents
d’ici la fin de l’année.
Steve
Jobs, c’est certain, a senti le vent tourner. Le couple indissociable
formé par iTunes et l’iPod est attaqué de toutes parts, que ce soit sur
le plan judiciaire après une première condamnation en Norvège et d’autres attendues notamment en France, ou sur le plan économique avec la montée commerciales d’offres concurrentes sans DRM. La licence globale aussi, abattue comme la grippe aviaire en France, devient de plus en plus regardée au sein même de l’industrie musicale comme une solution alternative viable. Alors Steve Jobs passe à l’offensive.
Il défend ardamment la stratégie d’Apple de ne pas abandonner le
monopole sur son DRM FairPlay. "Le plus gros problème c’est que
proposer une licence d’un DRM implique de révéler certains de ses
secrets à beaucoup de gens dans beaucoup d’entreprises, et l’histoire
nous dit qu’inévitablement ces secrets vont être divulgués",
rappelle-t-il en référence aux déboires grotesques
de Microsoft avec son Windows Media. Les maisons de diques ont exigé
contractuellement qu’Apple garantisse la fiabilité de son DRM, et pour
Steve Jobs la meilleure garantie était de garder un maximum de contrôle
sur le verrou. Toutefois, reconnaît-il, il y a même pour FairPlay "un
jeu du chat et de la souris", et "les DRM n’ont pas marché, et
pourraient ne jamais marcher pour arrêter le piratage de musique". Tout
simplement parce que plus de 90 % de la musique dans le monde reste
vendue sans DRM, sous forme de CD...
iTunes bientôt sans DRM contre un Zune déjà démodé ?
Provoquant sans doute la stupeur, Steve Jobs renvoie la faute entière
sur les majors de l’industrie. "Abolir les DRM entièrement [...] serait
clairement la meilleure alternative pour les consommateurs, et Apple
l’adopterait en un claquement de doigts", annonce le charismatique
fondateur de la firme de Cupertino. "Si les quatre grandes maisons de
disques accordaient des licences de leur musique à Apple sans
l’exigence qu’elles soient protégées avec un DRM, nous changerions pour
vendre uniquement de la musique sans DRM sur notre boutique iTunes",
assure Steve Jobs. S’adressant surtout aux associations de
consommateurs en Europe, il conseille à "ceux qui ne sont pas contents
de la situation actuelle de consacrer leur énergie à persuader les
maisons de disques de vendre leur musique libre de tout DRM".
Mais comment interpréter l’appel de Steve Jobs autrement que comme une
opération de communication au moment où, sans doute, au moins une major
s’apprête à libérer son catalogue de tout DRM inefficace ? Les chansons
de labels indépendants comme V2 ou d’aggrégateurs comme Believe sont
présentes sur FnacMusic ou VirginMega sans DRM, il n’y a pas de raison
de croire qu’iTunes ne dispose pas du même droit de vendre cette
musique sans verrou. Cependant selon nos dernières observations, c’est
toujours avec le système FairPlay que les mêmes chansons sont vendues
sur iTunes.
La lettre ouverte de Steve Jobs confirme en tout cas que vendre de la
musique n’est pas le souci premier d’Apple, qui réalise bien plus de
profits sur les baladeurs. Avec 22 chansons achetées en moyenne par
iPod vendus, seulement 3 % de la musique présente sur un iPod a été
acheté sur iTunes et protégé par un DRM. "Il est difficile de croire
que seulement 3 % de la musique sur un iPod moyen est suffisant pour
enfermer le consommateur et l’obliger à acheter des iPod dans le
futur", souligne Jobs pour faite taire les critiques sur la stratégie
propriétaire suivie par la Pomme, et rappeler les mérites intrinsèques
de l’iPod. La bataille peut donc maintenant commencer contre le Zune de
Microsoft, qui arrive avec son armada de DRM pour imiter le schéma imaginé il y a plus de cinq ans par Apple. "Une guerre de retard", aurait dit de Gaulle.
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